Airbus : l’actionnariat spectacle est-il utile ?
Les entreprises en difficulté doivent-elles être financées par des fonds publics régionaux ? Les collectivités locales peuvent déjà devenir actionnaires d’entreprises. Le cadre est restrictif pour des raisons de concurrence et de prudence. Les besoins non satisfaits en capital des PME sont une réalité plus criante que la nécessité d’influencer par l’actionnariat local des entreprises globales. Les régions feraient donc mieux de renforcer leurs capacités à être utiles aux PME, notamment celles mises en difficulté par le plan Power 8.
Le financement public des entreprises apparaît souvent comme une solution pour compenser la rareté des investisseurs privés pour créer, restructurer et développer des TPE et des PME. Des collectivités locales rémunérées à la vente de leurs actions détenues 5 ou 7 ans peuvent éviter à des PME locales d’être éliminées par des fonds d’investissement qui exigent trop de rentabilité et tuent leurs proies.
L’actionnariat de collectivités locales françaises existe déjà. Les collectivités peuvent détenir des actions dans des sociétés anonymes à condition d’être majoritaires. Ces sociétés sont souvent des sociétés d’aménagement, d’immobilier d’entreprises, ou d’exploitation de services locaux (remontées mécaniques, énergie, fourniture d’eau...). Les collectivités ne peuvent pas acheter des parts de sociétés et exercer une activité financière sauf exceptions : l’octroi des prêts via des associations locales dans le cadre du soutien à la création d’entreprises, l’autorisation donnée à quelques régions de financer des sociétés de capital développement.
Le financement en actions des entreprises par les collectivités locales est marginal, au plus quelques millions d’euros par an sur les 3 milliards d’aides locales versées aux entreprises. Plusieurs départements qui le faisaient illégalement et parfois avec succès ont dû cesser. D’autres ont tout perdu comme Sofimac en région Auvergne. L’Institut lorrain de participation existe toujours mais il ne prend pas plus de risques qu’un investisseur normal. Les sociétés de participation des régions Ile-de-France ou de Bourgogne répondent peu aux attentes des chefs d’entreprise.
La proposition spectaculaire d’entrée au capital d’EADS devrait ouvrir un débat sur le financement des entreprises par les collectivités. Ce débat devrait répondre à plusieurs questions :
- Quels effets sur l’emploi ont l’actionnariat des länder ou celui de la cité Etat de Singapour ?
- Les collectivités françaises se comportent-elles en actionnaire normal ?
o Une collectivité peut-elle être un actionnaire responsable alors qu’elle n’est pas exposée au risque de faillite et qu’elle est indifférente à la perte de valeurs de ses mises ? En effet, les conséquences financières et politiques pour les élus et pour les collectivités locales des faillites de leurs sociétés d’économie mixte sont inexistantes, alors que les gains politiques de court terme des annonces d’aides publiques sont forts.
o La liberté d’investir dans une entreprise est-elle souhaitable alors qu’il n’existe aucun contrôle d’opportunité, interne ou extérieure, sur les décisions des collectivités locales ?
- L’actionnariat non motivé par le profit est-il neutre du point de vue de la concurrence ? Ce n’est pas l’avis des entreprises qui doivent rémunérer le capital immobilisé.
- Les collectivités locales, actionnaires, peuvent elles durablement aider à créer ou sauver des entreprises et éviter des délocalisations ?
Si l’actionnariat des collectivités locales pouvait être utile, l’action économique régionale n’encourage pas à l’orienter vers des grandes entreprises.
- Chaque jour les services économiques des régions constatent qu’ils ne peuvent pas apporter de solutions en capital aux PME.
- En déboursant 150 millions d’euros, les huit régions françaises pourraient détenir moins de 1 % du capital d’EADS ! Est-ce suffisant pour peser dans les décisions industrielles ?
- Les récents grands plans sociaux d’Alcatel-Lucent, HP, Sogerma montrent que les aides publiques n’ont pas d’effet sur la stratégie des groupes et sur les suppressions d’emplois en France. Les grands groupes rétrécissent sur les marchés d’hier plus qu’ils ne croissent en France sur les nouveaux. Les petites entreprises inventent l’avenir et créent les emplois de demain.
- Avec 150 millions d’euros, ces régions pourraient financer 1 500 PME locales ayant des projets qui engagent des dirigeants raisonnables et non des cadres avides de revenus excessifs.
L’idée de faciliter l’actionnariat des régions ne fait ni partie du projet socialiste ni du pacte présidentiel de la candidate. Elle n’est pas seulement une habileté tactique pour mettre en difficulté le gouvernement. Elle révèle une préférence discutable pour les grandes entreprises au détriment des PME. En conclusion, pour compenser les effets récessifs du plan Power 8, les régions devraient financer des petites et moyennes entreprises, sous-traitants de l’aéronautique.
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