C’est la crise finale !
L’apport théorique de John Maynard Keynes avait rejeté le spectre de la crise systémique du capitalisme aux oubliettes de l’Histoire. La crise financière que le monde connaît redonne-t-elle du sens à la théorie marxiste de l’accumulation, de la surproduction, de la baisse du taux de profit et de la révolution salvatrice ?
Ce sont les crédits qui font la monnaie. Autrement dit, comme le système bancaire mondial est presque complètement privatisé, ce sont les banques qui font la monnaie sans aucun contrôle. Avant que notre système bancaire ne connaisse la dérégulation, le crédit était strictement encadré : les banques de dépôts françaises devaient respecter des critères stricts entre le montant de leurs encours et leurs fonds propres. Cette règle, même si la Banque de France veille encore à son application, est aujourd’hui détournée par les banques françaises. Par la création de nombreuses filiales, elles ont diversifié leurs activités mélangeant produits d’assurance et d’épargne et activités de banques d’affaires.
L’invraisemblable est arrivé !
La crise actuelle vient du fait que les banques de dépôts ont “titritisé” leurs crédits en actions. De plus, pour vendre leurs actions, elles ont accordé des crédits à leurs acheteurs. Mon professeur de finances, il y a vingt-deux ans, alors que je frottais mes jeans troués sur les bancs de la faculté de Sciences Eco de Rouen, nous avait expliqué l’invraisemblance de ce scénario, c’est-à-dire, la transformation de la masse monétaire M2 en actions. L’invraisemblable, à l’heure où Wall Street invente un nouveau produit financier toutes les 24 heures, vient de se produire. Deux millions d’Américains se trouvent aujourd’hui sans logement.
Que faire ?
Si nous voulons d’urgence colmater la brèche, le législateur doit prendre des mesures drastiques visant à la séparation de l’ensemble de ces activités. Les assureurs doivent s’occuper de l’assurance ; les banques de dépôts doivent se limiter aux crédits et aux dépôts de leurs clients ; les banques d’affaires aux actions et au risque. L’émergence de fonds souverains publics dans le secteur traditionnellement dévolu aux banques d’affaires permettrait à la fois de développer les TPE et les PME, notamment sur les marchés à l’exportation. Ces fonds, par des exigences moindres en termes de rendement financier, favoriseraient par conséquent les investissements productifs et l’économie réelle. Seules 2 % des transactions bancaires concernent l’économie réelle. A quand la mise en place de la taxe Tobin ?
A qui la faute ?
L’idée phare des conservateurs est de croire à la spontanéité de l’équilibre. C’est la raison pour laquelle ces idéologues qui en sont toujours restés au XIXe siècle n’ont même pas pris la peine de se nourrir des enseignements de l’analyse systémique. Ils aiment les idées simples. Ils aiment aussi les faire partager au bon peuple en s’appuyant sur leurs amis qui contrôlent les médias. Or, que nous dit l’analyse systémique ? Que l’équilibre naît de l’interaction des systèmes et de l’existence de systèmes de pilotage au sein de chacun de ces systèmes. Or, la finance mondiale, complètement déconnectée de l’économie réelle, a aujourd’hui l’allure d’un canard sans tête. Tous les ingrédients sont donc rassemblés pour que le monde connaisse une crise systémique de grande ampleur. On ne peut réinventer l’Etat en quelques années alors que nous l’avons tué durant près de trente ans. Si nous revenons au pouvoir, nous serions bien inspirés de réarmer l’Etat en lui donnant les outils pour affronter la chienlit financière. Les socialistes français ne pourront toutefois rien faire s’ils sont seuls.
A chaque fois que l’État se désengage, dans les transports, dans l’énergie, dans les communications, dans la santé, dans l’éducation, dans la culture, c’est au mieux une baisse de la qualité des services rendus assortie d’une augmentation des prix pour les consommateurs. Il suffit de se souvenir de l’exemple britannique dans les transports ferroviaires et de la gestion de l’électricité en Californie où les entreprises privées ont sciemment organisé la pénurie. Dans certains secteurs, la concurrence n’a de sens que si l’État y reste présent. L’exigence d’actionnaires de plus en plus gourmands est difficilement conciliable avec une baisse “spontanée” des prix pour les consommateurs. Après tout, nous pouvons aussi croire au Père Noël.
Nous pourrissons de l’absence de compétences réelles d’un monde politique devenu la marionnette servile d’acteurs économiques dont le seul moteur est devenu l’argent. Avec 700 milliards de dollars, le plan Bush-Paulson n’est qu’un cautère sur une jambe de bois. N’avait-on pas rien de mieux à faire de cet argent ?
29 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON