Comment liquider l’Etat providence tout en se prétendant de Gauche ?
Les temps difficiles que connait notre pays depuis la fin de l’année 2008 provoquent non seulement des questionnements angoissants parmi nos concitoyens mais pourraient (ultime paradoxe) confronter au final les grandes âmes de gauche à leurs responsabilités sociales et éducatives dans une crise qui n’est pas seulement celle du capitalisme ou de cet « affreux » et si commode à critiquer système libéral.
Comme l’a (une fois de plus) si bien résumé Jacques Attali en 2010 dans l’un de ses ouvrages (Dans 10 ans tous ruinés ?) la dette en France est d’abord le résultat d’une absence de consensus social et économique. D’accords sur rien (la redistribution, les prélèvements, le coût du travail), la Gauche comme la Droite ont allègrement emprunté pour maintenir une unité et un système économique de façade.
Désormais notre pays est au pied du mur (peut-être déjà le dos au mur) : Le poids de la dette est va devenir insupportable et les conditions avantageuses auxquelles nous empruntons encore (pour quelques mois) ne doivent pas faire illusion : nous avions vécu depuis 40 ans au-dessus de nos moyens et il va falloir régler une addition lourde (la dette étant bien celle de tous les français qui ont vécu à crédit sur le dos d’un Etat dispendieux depuis 40 ans).
Cette économie dispendieuse démarra sous la Droite avec Giscard lors du premier choc pétrolier quand les pouvoirs publics décidèrent de faire payer le coût de la crise aux entreprises et non aux citoyens. Les prélèvements sur le travail commencèrent et très vite les résultats de cette politique déplorable apparurent : le chômage de masse s’installa, au lieu de travailler plus et mieux pour remonter la pente nous installâmes un système pervers de subventions du travail, de garderie de la population sans travail (le fameux traitement social du chômage qui consista à garder le plus longtemps possible les jeunes dans le système éducatif tout en virant le plus tôt possible les seniors de l’activité).
Les entreprises avaient bon dos et plutôt que de baisser le coût du travail (et donc le périmètre de l’Etat providence) on préféra charger la barque jusqu’à ce paradoxe où nous sommes parvenus d’ éliminer du travail la moitié de la population en âge de travailler (de 16 à 24 ans aucun jeune ne travaille en France, à partir de 57 ans plus personne ne travaille non plus, les peu qualifiés sont écartés aussi du fait de Droits sociaux et de salaires élevés, les handicapés sont « sponsorisés » par des taxes mais jamais réellement employés leurs compétences…) .
En France en 2012 il reste peut-être 10 millions de travailleurs actifs (qui créent une vraie valeur par leur activité, ni fonctionnaires sans affectation ou réel travail, ni salariés aidés dont le poste de travail ne tient plus qu’à coup de subventions publiques) pour 65 millions de personnes vivant, mangeant, se soignant tous les jours bien évidemment.
Une question devrait désormais être posée (alors que les socialistes s’engagent à plomber encore plus les comptes de l’assurance vieillesse) et que des millions de Baby boomer devraient (mettons cela au conditionnel) partir à la retraite dans les 4 ou 5 prochaines années (1/4 des effectifs chez EdF par exemple) : qui va payer le social, la santé, le logement, la sécurité, l’alimentation de ces millions de personnes qui seront des inactifs de plus ?
Pas les jeunes évidemment, ils ne trouvent déjà pas de travail suffisamment payé, ils ont bien conscience que toutes les bonnes places sont prises et qu’on ne leur fait qu’une place marginale et déclassée au travail. Ils n’ont souvent et très logiquement aucunement envie de participer à un système de financement biaisé où leurs parents et grands-parents ont tiré des traites sur leur avenir et pour lequel on leur demande de cotiser sans réelles garanties sociales futures.
Michel Godet, professeur au Cnam (honni par la Gauche qui n’aime pas entendre certaines vérités) l’a bien expliqué lors du débat sur le report de l’âge de la retraite : notre système de retraite par répartition n’a rien à envier au système pyramidal de Bernard Madoff : on paie les retraites actuelles avec les cotisations des actifs mais si ces actifs viennent à diminuer (la génération des baby-boomers atteignant la fin de carrière) et si les retraités vivent désormais presque aussi longtemps à la retraite qu’en activité ce système ne peut qu’être condamné à la faillite totale (que certains espèrent masquer par de nouvelles et prétendues indolores dettes).
Pour celui qui fréquente le monde des (grandes) entreprises aujourd’hui, une évidence s’impose : le travail (surtout le travail non ou peu qualifié) n’est plus rentable en France. Payer le Smic à une hôtesse de caisse est devenu hors de prix dans un monde concurrentiel. Si les pauvres voient aujourd’hui leur pouvoir d’achat diminuer c’est avant tout parce qu’ils ne peuvent plus s’acheter le travail d’autres travailleurs en France (ils peuvent tout juste désormais acheter des produits fabriqués dans n’importe quelle condition sociale à l’autre bout du monde).
On accuse les grandes surfaces ou les gros producteurs de provoquer la hausse des prix alimentaires mais quand un ménage pauvre achète une salade ou des fruits il achète avant tout de la main d’œuvre (il est plus coûteux socialement de produire une salade, de la transporter et de la vendre qu’un paquet de biscuits industriels ou de chips). Le coût de la main d’œuvre devient donc hors de prix pour un travailleur gagnant le SMIC aujourd’hui en France. Il ne pourra sans doute plus jamais acheter des produits de bonne qualité fabriqués en France car il ne peut se payer le travail des autres (la visite d’un plombier et 30 minutes de son travail coûte 100 euros soit plus d’une journée de travail d’un Smicard).
Les solutions que nous avions trouvées depuis 30 ans tenaient évidemment de la fuite en avant :
- importations massives diverses et variées : aliments (les fraises espagnoles produites en Andalousie par une armée de travailleurs misérables venus d’Afrique), de vêtements (le T-shirt en coton à 2 euros à l’hyper du coin), de solderies (les gadgets pas chers qui terminent à la poubelle dans le mois qui suit leur achat) de produits électroniques grands publics (on ne produit plus de TV u de téléphone en France depuis longtemps) ou même désormais de voitures (autrefois les riches achetaient des voitures étrangères et les pauvres des voitures françaises, aujourd’hui les pauvres achètent des Logan ou des voitures coréennes).
- Hausse régulière des salaires de plus en plus déconnectées des résultats économiques (les coups de pouce du SMIC augmentant mécaniquement le chômage). Si durant les 30 glorieuses ces hausses avaient pu être justifiées par les hausses de productivités liées surtout à la machine industrielle (puis à l’informatisation des services), ces hausses désormais sont contre-productives. Aussitôt absorbées par la machine commerciale (plus de ventes d’écran plats ou de voitures importées) elles ne contribuent plus à une relance keynésienne de l’activité mais au creusement des déficits.
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De nouveaux droits économiques sociaux à l’infini. Le mois de mai que nous traversons aura vu une nouvelle fois le travail déserter notre pays pendant presque un mois. Les ponts, vacances, RTT et divers congés que prennent allègrement les travailleurs (qui y sont presque contraints par le Code du Travail) aboutissent à ce que le travail soit négligé durant une partie importante de l’année. A partir du mois de mai on prépare en France la grande transhumance d’été et le travail (pressé, stressant et contraint) est laissé sous le boisseau durant des mois.
Dans nombre d’entreprises internationales on a cessé de confier aux équipes françaises les dossiers importants tant il est devenu impossible de faire travailler des français qui sont perpétuellement absents (et bien plus malades qu’ailleurs). En fait investissant peu dans un travail vécu comme aliénant les français ont massivement décidé de chômer et de se désinvestir du travail (sinon comment expliquer notre perte évidente de compétitivité ?).
Tous les nouveaux droits sociaux qui seront désormais explorés ou inventés (et les socialistes ont beaucoup d’imagination pour faire chômer les travailleurs), tous ces droits sociaux aboutiront exactement à l’effet inverse recherché : la régression de la sphère salariale en France avec un travail de plus en plus précaire et journalier (nous reviendrons à ce titre au sort des journalier du XIXème siècle) et la perte d’indépendance financière (et donc sociale) entraînée par une dette devenue incontrôlable.
Ivres de dettes (tout en haïssant les créanciers qui nous assurent nos fins de mois) et de temps libres les français ont décidemment mal abordé le XXIème siècle. Soit ils réagiront (en prenant conscience que le redressement sera l’affaire d’au moins une génération) soit ils abandonneront tout honneur et conscience d’eux même pour se payer de mots tout en donnant à quelques naïfs esprits des leçons de social à crédit.
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