Crise de l’euro : cris, chuchotements et déchirements
La crise de l'euro, qui par essence est évidemment une crise de la zone monétaire utilisant l'euro, continue à se développer, alors que les contradictions que nous avons analysées dans nos précédents articles sur le sujet se manifestent avec toujours plus de force.
Ces contradictions engendrent maintenant des déchirements énormes entre dirigeants des pays membres de la zone, et au sein de ces pays. En témoigne l'éclatement-divorce en cours de ce que des journalistes français et allemands, traitant ainsi les autres Etats de la zone comme quantité négligeable, appellent « le couple moteur franco-allemand ».
Car, dorénavant, les problèmes ne sont plus seulement financiers et monétaires, ils sont devenus éminemment et explosivement politiques, tant au sein des pays membres, dont l'Allemagne, qu'à l'international....
Pour dire les choses très simplement, la crise de l'euro est devenue un facteur de crise mondiale supplémentaire qui oblige des Etats comme la Chine, l'Inde ou le Brésil à « intervenir » dans les débats inter-gouvernementaux du vieux continent......
C'est aussi dire quels sont les nouveaux rapports de force mondiaux en cette fin 2011 et la place occupée dans ce contexte par la zone euro.

Une zone euro qui marche les yeux fermés vers l'éclatement, avec des cris, des chuchotements et des déchirements
Nul n'ignore plus que la zone euro est déjà divisée, de fait, en deux entités : une majorité de pays qui s'enfoncent dans une crise sans fin, ni limites (Irlande, Italie, Espagne, Portugal, France, etc...) et quelques-uns (Allemagne, Belgique, Hollande, Autriche, etc...) qui sont appelés à éponger les dettes communes de la zone, s'affaiblissant rapidement pour ce motif.
Cette division n'est pas théorique, ou une vision de pure rhétorique. Elle a des conséquences directes très pratiques, générant dans les sommets, conférences et négociations de ces derniers mois cris et chuchotements intenses.
En Allemagne, comme en Hollande, mais le phénomène s'amplifie ailleurs, l'inquiétude sur ce que signifie la survie de l'euro pour les populations fait place à un sentiment de plus en plus massif et déterminé de rejet de l'euro, du fait des conséquences que la crise de cette monnaie génère contre les peuples concernées.
C'est d'ailleurs en Allemagne, Etat où l'état de droit constitutionnel est le plus fort autant que respecté, que les conséquences politiques, donc pesant sur les choix gouvernementaux, sont les plus déterminantes. Cela explique les difficultés au sommet entre les représentants de la France et de l'Allemagne.
D'un côté, l'opinion publique allemande ne veut – et ne peut- plus payer pour sauver un bateau euro condamné. De l'autre, un Nicolas Sarkozy qui croit jouer un grand destin alors qu'il entend encore une fois faire payer en priorité l'Allemagne, pour officiellement « sauver la Grèce », mais surtout pour préserver encore quelques mois ( jusqu'à mai 2012 si possible) les AAA de la France sur les marchés financiers internationaux.
D'où il découle ces cris et chuchotements, mais aussi ces bruits nets de déchirements franco-allemands.
Ainsi, en Allemagne, les derniers plans de sauvetage de l'euro, lesquels n'ont de plus fait que reporter en les aggravant tous les problèmes structurels de la zone euro- étaient passés devant les députés, mais contre une opinion ultra-majoritaire qui pestait, mais ne basculait pas encore dans le refus ouvert, voire la révolte.
Or, ce mouvement de refus général est maintenant engagé, et les autorités allemandes sont prises aussi dans un terrible étau entre la volonté ultra-majoritaire des citoyens de ne plus payer pour un sauvetage par avance condamné à l'échec et les pressions des Etats de la zone euro qui coulent !
La situation politique interne en Allemagne, 22 ans après la Révolution de 1989 ayant mené à la réunification du pays, est donc devenue le centre de la crise politique de l'euro.
Mais, ces contradictions et cet étau ne sont pas réservés au seul gouvernement fédéral de Berlin : ils sont, à des degrés différents, similaires pour tous les pays de la zone monétaire en voie de dislocation. Cet étau est lié à l'existence, à la survie totalement artificielle maintenant, de l'euro.
L'étau d'acier : d'un côté, les besoins des spéculateurs, de l'autre, la survie physique des peuples
Voici quelques mois, dans un article sur le même thème, il avait été évoqué le nécessaire combat des peuples de la zone euro contre une véritable déchéance matérielle.
Aujourd'hui, il est clair, avec les évènements et les témoignages en Grèce que notre analyse est totalement confirmée : le peuple grec, après 3 plans terrifiants d'une austérité féroce, qui a jeté le pays dans une récession dramatique et disloqué le parti socialiste PASOK, se bat, manifeste et affronte la police afin de subvenir à ses besoins les plus élémentaires : manger, se nourrir, avoir un toit !
Demain, quels autres peuples seront acculés à la même situation critique de révolte nécessaire ?
Ce qui se déroule en Grèce est à l'évidence une préfiguration de ce qui attend inévitablement les autres peuples de la zone euro s'ils laissent leurs gouvernements continuer dans cette folle tentative, vaine par avance, de sauver une monnaie condamnée, le tout en ruinant leurs propres peuples et en sapant les bases des économies de chaque pays.
Il est aujourd'hui plus clair que jamais pour les peuples de la zone euro que les gouvernements sont pris dans un étau d'acier : d'un côté, les besoins des spéculateurs qui veulent saigner financièrement les peuples et les Etats, de l'autre, les besoins matériels vitaux des peuples.
Il n'existe entre les deux côtés de cet étau aucune possibilité d'accommodation ou de conciliation.
Chaque gouvernement, chaque parti politique, chaque syndicat de chaque pays de la zone euro est aussi pris dans cet étau et devra se positionner, vite, face à cette situation d'une gravité tragique. Cette situation d'urgence sociale et économique cadrera avec force les futures échéances électorales en France, mais surtout la situation sociale immédiate.
Il est aussi évident, sauf pour des gens qui ont perdu toute raison, que l'euro est désormais moribond : aucun des plans mis en action pour le sauver n'a résolu le plus petit problème posé. Au contraire, chaque plan a aggravé la situation sur tous les plans et a contribué à disloquer un peu plus la zone euro, en nourrissant les tendances populaires à une révolte générale contre le cours actuel des choses.
L'acharnement thérapeutique des gouvernements, isolés de leurs peuples, pour essayer de sauver cette monnaie condamnée menace à terme la survie physique des peuples de la zone et déstabilise les Etats membres de cette dernière.
Et à l'avant-garde du mouvement des peuples contre la déchéance générale que de nouveaux plans d'austérité signifieraient, deux pays sont à regarder avec attention : l'Allemagne et la Grèce.
Le peuple grec se bat avec courage et dignité contre un gouvernement qui le saigne au profit direct de la spéculation, de plus sans toucher aux grandes fortunes du pays ! Son combat est non seulement légitime, mais il est entrepris, dans le contexte de la crise de l'euro, au profit de tous les peuples de la zone monétaire actuelle.
Le peuple allemand, de son côté, entend, avec la même légitimité se prémunir contre un destin à la grecque : c'est cela que traduit le courant, de plus en plus puissant, qui entend redonner au pays sa pleine souveraineté politique et monétaire, afin de ne plus être le banquier, le donateur pour les autres Etats d'une zone monétaire en voie d'effondrement.
Comme en 1989, le peuple allemand et ses aspirations légitimes sont au cœur de la situation européenne..
La réunification allemande n'a pas été réalisée pour que le pays devienne, à cause de l'euro et de sa crise sans fin, un pays ruiné et affaibli. Sur le plan politique, la crise de l'euro menace ce qui est le résultat de la Révolution de 1989, ce que l'on nomme en Allemagne « l'économie sociale de marché ». Nul ne s'étonnera alors de la mobilisation du peuple allemand contre tout plan ou mesure, pris à un quelconque niveau, qui viserait à lui faire payer les frais colossaux d'une survie inutile d'une monnaie déjà en situation de mort clinique.
Les banques et l'annulation d'une majorité de la dette grecque
Au moment où cet article est écrit, dans la continuité de ceux qui ont suivi depuis des mois la crise de l'euro, il se discute au plus haut niveau politique un plan d'annulation de 50 à 60% de la dette publique grecque au détriment, apparent, des banques de la zone euro.
A ce sujet, deux remarques peuvent être faites :
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cette mesure, qui ne vas pas réellement changer la donne pour l'économie grecque étouffée par l'austérité voulue par le gouvernement PASOK, économie qui s'enfonce dans une terrible récession, est avant tout un geste qui se veut politique afin de manifester une solidarité politique collective des Etats de la zone euro avec le gouvernement d'Athènes.
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Cette décision, si elle est appliquée, va affaiblir les banques que, par ailleurs, les Etats, donc les contribuables de la zone euro, devront encore une fois recapitaliser.
Traduit en langage commun, on demande aux banques de se priver de leurs créances pourries sur la Grèce qu'elles ne pourront, en tout état de cause, pas récupérer et on leur apporte en échange de l'argent frais issu des caisses vides des Etats (100 à110 milliards d'euros) ! Il est aisé de voir que les banques gagnent, si l'on peut dire, au change.
Il ressort de ces jeux comptables sur le dos des peuples de la zone euro que, quel que soit le plan final qui sera adopté, il ne règlera rien, car la situation qui permettrait une survie de l'euro, même provisoire, n'existe plus, tant sur les plan politique qu'économique et social.
Quoi que décident des gouvernants divisés et apeurés par les échéances d'une crise inévitable qui nécessitera d'abandonner tous, un peu plus tôt, un peu plus tard, la barque crevée de l'euro, l'essentiel est que l'euro ne peut plus être, en toute hypothèse, sauvé maintenant.
Ceci pose la question de ce qui doit être fait afin que chaque peuple puisse être protégé au mieux des conséquences de son inévitable mort prochaine. Cela se décidera sur le plan des réalités politiques et sociales, qui se dessinent déjà aujourd'hui avec les basculements massifs des opinions publiques, de la Grèce à l'Allemagne, mais aussi dans les autres pays de la zone euro.
Quelques dernières observations de bon sens commun
Concernant plus particulièrement la France qui est en voie de perdre son AAA, il est aussi vain que stupide d'attaquer les agences de notation pour cet état de fait.
Car le thermomètre qui sert à la spéculation n'est qu'un instrument.
Ce qui menace l'avenir physique des peuples de la zone euro, donc tous les habitants de la France, c'est la soumission des gouvernants, sous diverses couleurs politiques, aux seuls besoins des spéculateurs. Et diriger l'attention publique sur les agences de notation qu'il faudrait faire taire est aussi puéril que de vouloir déchirer le résultat de l'examen médical qui prouve qu'un patient est atteint d'une maladie potentiellement mortelle.
Ce n'est pas celui qui donne un diagnostic qui est fautif du mal, c'est la maladie !
L'économie française est malade de l'austérité voulue par le gouvernement actuel, qui pousse le pays vers une récession à la grecque, avec à la clé une chute drastique du niveau de vie des couches populaires et moyennes du pays.
A l'évidence, en France aussi, la résistance populaire contre ce cours désastreux est massive et s'organise.
Ce dont le pays a besoin d'urgence afin de restaurer ses capacités économiques et une croissance pérenne, c'est avant tout de ne plus être écrasée dans l'étau destructeur de la zone euro, de retrouver une véritable marge de manœuvre budgétaire de l'Etat avec une monnaie nationale solide et, avce cet outil fondamental, d'un plan de relance massif dans les secteurs essentiels, plan créant des centaines de milliers d'emplois directs et indirects, dans les secteurs public et privé tout ensemble.
Ce sont là les besoins urgents et concrets du pays. Mais, s'engager dans cette voie indispensable pour le futur du pays et de sa population repose sur des choix politiques nets et déterminés, en rupture totale avec la zone euro et la politique de soumission servile aux intérêts des spéculateurs.
Ces choix doivent appartenir au seul peuple souverain et non à une poignée de dirigeants paniqués par les résultats de leurs errements passés. Cela nécessite le retour à une vraie démocratie où le peuple décide réellement de son destin via une Assemblée de députés réellement représentatifs de la population et de ses aspirations, et non une chambre d'enregistrement de décisions prises ailleurs par des gens non élus pour des intérêts contraires à ceux des peuples.
La crise de l'euro est bien aussi maintenant une crise politique qui est en voie de balayer une Union européenne qui n'a rien de démocratique, rien de social, mais tout d'un service direct aux spéculateurs qui entendent saigner jusqu'au bout les peuples de la zone euro.
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