Crise de l’euro : crise européenne ou des seuls PIGS
Ces derniers jours, les premiers symptômes concrets de la crise qui affecte la zone euro ont commencé à se faire sentir, avec des chutes boursières, une baisse constante de l’euro vis-à-vis du dollar, des tensions fortes sur les marchés financiers et une défiance croissante par rapport à l’euro.
Une réunion d’urgence des Ministres des Finances des pays du G7 se tient au Canada, sous la neige afin d’essayer d’empêcher une crise terrible de la zone euro, mais aussi un approfondissement dramatique de la crise mondiale qui n’est pas finie, loin de là, comme d’aucuns l’annonçaient, bien à tort.
Et voilà que l’économiste le plus crédible de la planète de par ses prévisions passées réalisées, Nouriel Roubini, écrit dans le Wall Street Journal un article retentissant qui, avec un certain humour, explique les évènements en cours, en détaille les causes et en définit les possibles développements, en partant de ce qu’il nomme la crise des P.I.G.S
Crise des P.I.G.S ou crise de toute la zone euro, expression de la crise mondiale qui s’approfondit ?
Nouriel Roubini appelle P.I.G.S (cochons ou porcs en langue de Shakespeare), en partant de leurs initiales anglaises pour Portugal, Italy, Greece et Spain, le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne.
Selon en effet les données disponibles, leurs déficits budgétaires qui dérapent et leurs dettes publiques qui échappent à tout contrôle font de ces 4 pays de la zone euro les Etats qui infecteraient toute la zone euro et y génèreraient des menaces évidentes de dislocation de la zone en question.
Mais, si l’économiste utilise un moyen satirique afin d’attirer l’attention publique sur les difficultés de ces pays de la zone euro, c’est pour ajouter deux faits tout aussi manifestes : il indique que les ennuis de ces 4 Etats sont de facto les ennuis COMMUNS des 16 pays de la zone euro et que les P.I.G.S ne sont pas les seuls à développer la crise dans la zone euro, mais que presque tous les autres sont alignés sur le même processus !
Pire encore, Roubini relève que la Grande-Bretagne, un des piliers des marchés financiers mondiaux en Europe, hors zone euro, s’enfonce dans une situation similaire aux 4 P.I.G.S.
En résumé, il semble estimer que la liaison euro-Livre britannique conduit à a fois la Grande-Bretagne et la zone euro dans son ensemble dans une situation de crise, expression de la crise mondiale, qui produit ses premiers effets dominos.
Le G7, la crise en zone euro et la crise mondiale
Curieusement par rapport à l’histoire récente des crises du système financier et monétaire mondial, des observateurs et des politiques de pays de la zone euro -abandonnant d’un coup toutes leurs illusions ou croyances sur les vertus supposés de l’euro- se tournent vers un sauveur présumé : le FMI, le Fonds Monétaire International, dirigé par un ancien avocat d’affaires français, Dominique Strauss-Kahn.
En effet, et des voix diverses le rappellent, les politiques d’ajustement structurel imposées par le FMI ont conduit à des crises majeures dans le passé, en Thaïlande, au Mexique, en Argentine, sans parler des conséquences désastreuses pour les populations de ses orientations en Afrique où les guerres civiles sanglantes pour la possession et l’exploitation des zones de fortes ressources naturelles et minières font rage, accompagnées parfois de véritables génocides de masse.
C’est donc vers le FMI -à l’origine de tous ces maux conjugués- que des gens, qui, hier encore, présentaient la zone euro comme une garantie protectrice comme toute influence négative extérieure ( ce qui était bien sûr pour les vrais économistes une supercherie grossière et mensongère) tournent les yeux en appelant celui-ci à venir sauver cette même zone euro de la catastrophe qu’ils ont eux-mêmes générée par leurs propres politiques depuis plus de 25 ans.
Cette remarque faite, reste la question : le FMI veut-il, et surtout, peut-il, sauver de l’effondrement et de la dislocation la zone euro alors que la crise mondiale se prépare à l’évidence à une nouvelle phase encore plus forte et dangereuse que la précédente ?
A priori, l’hypothèse la plus probable, dans les circonstances présentes, est que le FMI, qu’il le veuille ou non, ne pourra pas enrayer, ou du moins, juguler durablement, ces crises simultanées dans le temps et l’espace.
La panique n’est pas que exclusivement sur ce qu’on appelle par euphémisme les marchés financiers qui spéculent de plus en plus sur des situations d’Etats de la zone euro en défaut de paiement, expression technique qui exprime la faillite de ces Etats. Elle gagne le niveau politique, ce dont témoigne la réunion en urgence du G7 au Canada.
Tous les politiques de la zone euro cherchent un sauveur suprême, un ultime secours, face aux processus devenus incontrôlables qu’ils ont eux-mêmes voulus, déclenchés, organisés depuis la préparation des conditions du Marché Unique européen : abandon des prérogatives des Etats laissés à une marché financier libéré de toute règlementation, secteurs publics privatisés et/ou affaiblis à un niveau où les politiques élus sont devenus impuissants à corriger même les errements désastreux les plus légers des marchés financiers, perte de la direction sur la monnaie et les budgets, donc sur fin de toute possibilité d’intervention des Etats sur le processus nuisibles aux populations des marchés laissés à leur seule soif insatiable de profits immédiats, lesquels sont destructeurs de l’économie réelle et des emplois, etc....
D’un certain point de vue, les Etats dont les politiques se disent les représentants, ayant progressivement transmis leurs pouvoirs aux seuls marchés financiers, tels des apprentis-sorciers, ont eux-mêmes fabriqué un monstre, un Moloch fou, sur lequel ils n’ont plus de prise car ils ont eux-mêmes éliminé les barrières, les garde-fous, les gardiens qui pouvaient les sauver de la crise qui arrive. Et sur ce point, le FMI est bien impuissant à remettre les choses en ordre : il faudrait pour cela une véritable volonté politique qui trompe avec des décennies d’orientations suicidaires pour l’économie et les emplois, et derrière, toute la société humaine.
En abdiquant leurs pouvoirs publics d’intervention dans la sphère financière et économique au nom des peuples et de l’intérêt public, les politiques de la zone euro ont remis les clefs de leur destin et celui des populations à des forces qui sont devenues, au sens propre, incontrôlables, et menacent de leur faire perdre toute légitimité tout en poussant les populations concernées dans la pauvreté et le chômage de masse..
Les politiques nationaux cherchent donc un sauveur dans le FMI qui, lui, a poussé dans le même sens destructeur au niveau mondial, ce qui revient pour un être menacé de mort à chercher de l’aide auprès de celui qui veut le tuer.
Toute la zone euro est promise à suivre les P.I.G.S ou tous des P.I.G.S
Bien sûr, il sera facile, pour quelques temps, à des dirigeants de pays de la zone euro non-encore menacés par cette crise mondiale adaptée à l’échelon de la zone, de moquer les P.I.G.S.
Mais, les moqueries ne sont pas ici des aides bien utiles et précieuses et elles n’auront qu’un bref temps de vie. Car, via leurs déficits publics accrus tels que prévus en 2010 par leurs budgets, avec leurs dettes qui augmentent à des vitesses vertigineuses, les politiques des autres Etats de la zone euro vont bientôt rejoindre les P.I.G.S, ainsi que la Grande-Bretagne.
Les politiques de la zone euro pourraient bientôt, reprenant l’expression ironique de Roubini, devoir s’écrier, un peu comme des manifestants en 1968 défendant un de leurs dirigeants étudiants : « Nous sommes tous des P.I.G.S »
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