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Accueil du site > Actualités > Economie > De l’économie thermodynamique

De l’économie thermodynamique

Ce sujet assez récent dans mes études est à mettre à l’actif d’un rédacteur d’AVox du pseudo de Léon que je remercie au passage. Ayant appris que cet aspect de l’économie n’était aucunement présent dans les manuels d’économie (n’étant pas moi-même économiste) et quasiment peu enseigné, il était de mon devoir, à mon sens, de tenter de comprendre quels en étaient les fondements et de vous le faire partager en un temps où la préoccupation écologique est mise sur le devant de la scène.

Introduction

La prédétermination de l’avenir est le plus grand défi lancé à toute étude de la réalité ; cependant l’élément le plus embarrassant pour tout architecte du devenir d’une cité idéale a souvent eu tendance à ne présenter aucun changement signifi­catif entre états du monde afin d’offrir un havre de paix à l’esprit savant.

Nos philosophes antiques, par exemple, jouaient tout autant de ce paramètre rassurant pour faire plier la réalité aux aléas de leur approche. Ainsi Platon considérait-il que la taille de la population d’une cité devait rester constante et que tout changement profond devait être proscrit ([1], [2]). Aristote, bien que s’opposant à son maître, posait la contrainte que la population devait rester constante dans la proportion de son sol et qu’il fallait éviter les changements ([3]). Ces deux contraintes assurent la stabilité sociale permanente tendant vers l’immortalité qui était le rêve de Platon ([1]).

La même idée sous-tend le vieux thème de Mill ([4]), selon lequel le salut écologique rési­derait dans une humanité à l’état stable ; bien que l’individu soit mortel, il n’en resterait pas moins que l’espèce humaine pourrait devenir immortelle. Mais cela peut-il être réaliste sans tenir compte des orientations de Boulding ([5]), de Daly ([6]) et de Georgescu-Roegen ([7], [7a], [7b], [7c]) père fondateur de l’économie thermodynamique ?

 

L’économie et la maîtrise de l’énergie

Jusqu’au début du XIXe siècle, les sociétés ont exclusivement eu recours aux énergies renouvelables : force animale, bois, eau, vent. Un changement radical intervient avec la révolution industrielle et la mise en oeuvre du mode de production capitaliste ([8]). Ce phénomène est à l’origine de nouveaux rapports entre l’homme et la nature ; à travers la maîtrise de l’énergie c’est la domination de l’homme sur la nature qui se manifeste ([9]). Ce nouveau système énergétique joue sur une raréfaction ou une prédominance des ressources fossiles.

 

De la mécanique à la thermodynamique

La première étape est la découverte au XVIIIe siècle des lois du mouvement des corps et, de manière plus générale, de la loi universelle de la gravitation par Newton qui décrit un univers statique où, selon l’expression de Bergson, « tout est donné » avec la donnée initiale.

Les travaux de Fourier et Carnot, au début du XIXe siècle, constituent une seconde étape majeure dans l’évolution des connaissances scientifiques. Leurs réflexions sont à l’origine de la thermodynamique classique d’équilibre, et plus particulièrement du second principe de la thermodynamique appelé aussi loi d’entropie. Fourier, en 1811, décrit formellement le gaspillage irréversible d’énergie d’une machine thermique introduisant de fait la notion de processus irréversible. Carnot publie ses réflexions et démontre le principe de pertes par conduction établissant son théorème sur le rendement des machines thermiques dont l’un des paramètres est la dissipation de l’énergie.

En 1865, Clausius reprend les travaux de Carnot et définit une fonction d’état qu’il appelle « entropie », permettant d’apprécier le changement qualitatif d’un système isolé entre deux états différents. Boltzmann introduira la notion de probabilité, associant la croissance irréversible de l’entropie du système à celle du désordre moléculaire. L’équilibre thermique correspond au maximum d’entropie du système isolé et l’état le plus probable correspond à une répartition uniforme de l’énergie. Nous sommes toujours dans une approche d’équilibre applicable aux systèmes clos.

Au début du XXe siècle, les travaux d’Onsager sur les relations de réciprocité permettent de franchir une nouvelle étape par l’étude des systèmes ouverts : c’est la naissance de la thermodynamique de non-équilibre. En 1945, Prigogine définit le théorème de production minimale d’entropie : dans le domaine du linéaire - domaine des relations d’Onsager - la production d’entropie tend toujours à diminuer spontanément. Il détermine que l’état stationnaire de non-équilibre est différent des états d’équilibre pour lesquels la production d’entropie est nulle. Comme pour la thermodynamique classique, c’est l’entropie qui permet d’assurer la stabilité de l’état attracteur ; ici l’état stationnaire.

Cependant, pour des systèmes loin de l’équilibre, la stabilité des états attracteurs n’est plus assurée. Prigogine définit la thermodynamique non linéaire des processus irréversibles ([10]). Il montre comment un apport suffisant d’énergie peut éloigner des systèmes physico-chimiques de l’équilibre et nourrir des systèmes d’autoorganisation spontanée de la matière ou des processus de complexification. Le principe d’évolution du système loin de l’équilibre est l’ordre par fluctuations. Le système devient instable sous l’effet de l’amplification de fluctuations microscopiques et évolue alors vers un nouveau régime de fonctionnement stable au delà d’un point de bifurcation ([11]).

La thermodynamique de non-équilibre appartient ainsi au monde de la destruction créatrice où le temps irréversible est créateur. La thermodynamique des processus irréversibles traduit la suprématie du modèle biologique sur le modèle mécanique dans l’étude des phénomènes physico-chimiques, la compréhension de leur fonctionnement et de leur évolution irréversible.

 

De la pensée économique orthodoxe

Dans la pensée économique, il existe une tendance curieuse : après que le dogme mécaniste ait perdu sa suprématie en physique, les fondateurs de l’école néoclassique se sont mis à ériger une science économique sur le modèle de la mécanique pour en faire, selon l’expression de Jevons, la mécanique de l’utilité et de l’intérêt individuel.

La science économique a beaucoup avancé depuis lors, mais rien n’a fait dévier la pen­sée économique de l’épistémologie mécaniste qui était déjà celle des ancêtres de la science économique orthodoxe. Certes, les développements de la thermodynamique ont sensiblement influencé l’économie, mais le paradigme de la mécanique newtonienne reste prédominant ([12], [13]). Preuve en soi, la représentation dans les manuels courants du processus économique, les instruments analytiques qui ornent la littérature économique orthodoxe, le diagramme de la reproduction introduit par Marx... toutes ces représentations mettent en évidence un système autosuffisant sans interactions avec le monde naturel. Les économistes classiques et néoclassiques considèrent le système économique comme un processus autonome et circulaire ; indépendant de son environnement assurant la circulation des flux entre la production et la consommation. Cette conception du réel conduit à ignorer toute relation entre sphère naturelle et sphère économique, donc toute limite aux développements de la logique de marché.

 

Application de la thermodynamique à l’économie

Les développements successifs de la thermodynamique ont ainsi permis de réconcilier évolution biologique et évolution physique permettant de faire correspondre la loi d’évolution biologique de Darwin avec la loi de dissipation de l’énergie en physique. En économie, elle permet de s’affranchir de l’isolement d’un système pour prendre en compte son ouverture sur l’environnement

Le langage de la thermodynamique est utilisé pour la première fois par les frères Odum en 1953 afin de caractériser les écosystèmes qui repose sur le concept d’énergie incorporée ([14]). Leur théorie s’est enrichie avec la définition de nouveaux concepts qui permettent d’étudier les systèmes humains en interface avec l’environnement naturel (voir les travaux de Baranzini, Pillet, Murota, Faucheux).

Pour Georgescu-Roegen, le développement des sociétés humaines ne peut être dissocié des lois de la nature, il considère la loi d’entropie comme la plus économique des lois de la physique. Il conçoit le processus économique comme un système ouvert, dissipatif et inséparable de son environnement. Son approche entropique du processus économique s’exprime par la dégradation irréversible des ressources de basse entropie et par la création concomitante de déchets de haute entropie. Au sein du processus économique, les transformations, considérées comme des processus irréversibles, impliquent un déficit entropique pour le système englobant l’environnement. L’activité économique participe ainsi à l’évolution entropique de la biosphère.

Il définit une loi relative à la dissipation de la matière ; ainsi, l’énergie disponible mais aussi la matière disponible sont irréversiblement dégradées, dissipées. Cette loi implique l’impossibilité d’un recyclage complet de la matière. Il montre que la capacité terrestre est limitée et qu’il est nécessaire de minimiser les flux afin de maintenir un stock suffisant pour la satisfaction des besoins humains. L’apport majeur de Georgescu-Roegen consiste à révéler la rareté des ressources dans leur dimension thermodynamique : les ressources de basse entropie sont rares et la "ressource" la plus rare est la basse entropie.

La thermodynamique des processus irréversibles a elle aussi permis d’enrichir les conceptions de l’économie. R. Passet considère que le système économique est une structure dissipative ouverte sur l’énergie solaire ([15]). L’activité économique est une activité néguentropique qui consiste à structurer les flux énergétiques en incorporant de l’information dans la matière grâce au travail. La loi d’entropie oriente le système économique ; ce qui a été structuré dans les produits se dissipe progressivement par l’usure et la destruction. Penser le système dans son ouverture sur la biosphère en bornant son champ d’action par des contraintes naturelles, à savoir les flux de reconstitution des ressources, est la condition nécessaire et suffisante de sa survie. Les prélèvements et l’épuisement des ressources ou encore les rejets perturbent les mécanismes de régulation opérant au sein des écosystèmes comme au sein des cycles biogéochimiques de la biosphère.

En considérant l’interdépendance des évolutions de la biosphère et de la sphère des activités économiques cette approche converge vers une évolution des sociétés humaines compatible avec la sauvegarde de l’environnement. Les interdépendances constituent un principe global dans le développement humain reposant sur des principes physiques et écologiques incluant le vivant et l’inanimé.

La principale caractéristique de la bio-économie est de s’insérer dans une perspective d’analyse globale où les phénomènes observés ne sont pas coupés de leur environnement. Contrairement à l’économie classique, dans laquelle la logique marchande entre en conflit avec les régulations de l’environnement, les ressources naturelles sont considérées comme des réalités physiques et donc obéissent à des logiques de fonctionnement ignorées par le marché. L’approche n’est plus cartésienne mais systémique, la pluridisciplinarité devient incontournable pour comprendre les relations entre les systèmes naturels et humains.

Actuellement, de nombreuses réflexions sur la nature du développement des sociétés se focalisent autour d’une notion nouvelle : le concept de soutenabilité. Le développement soutenable est au coeur des travaux de la Commission des Nations unies sur le développement publiés en 1987. Il s’appuie sur les interdépendances existant entre les systèmes économiques et les systèmes écologiques au niveau global ([16]). Il tient compte des lois de la thermodynamique ainsi que des lois de nature écologique : respect de la capacité d’assimilation de la biosphère (capacité limitée), respect du renouvellement des ressources naturelles et des écosystèmes (disponibilité finie).

L’idée principale de cette nouvelle approche de l’économie est qu’il devient nécessaire d’assurer la compatibilité des systèmes économiques et écologiques dans la mesure où, de plus en plus, le développement économique des générations présentes remet en cause celui des générations futures ; la surexploitation des ressources telluriques et l’accumulation de rejets polluants sont autant de manifestations menaçant les équilibres naturels.

Cette perspective est partagée par les tenants de l’écologie globale ainsi que par les pionniers d’une économie écologique qui tous proclament la transformation nécessaire du dogme économique généralement admis. Ainsi, la sphère économique, en tant qu’élément d’un ensemble, ne peut se soustraire de son fondement biophysique, et les lois les plus naturelles lui sont applicables.

 

Conclusion

La conséquence de l’attachement inconditionnel, explicite ou implicite, au dogme mécaniste, est l’assimilation du processus économique à un modèle mécanique régi par un principe de conservation (transformation) et une loi de maximisation. La science écono­mique elle-même est ainsi réduite à une cinématique intemporelle dans un monde fermé. Tout alors se réduit à des mouvements pendulaires ; un « cycle » d’affaires en suit un autre. Le fondement de la théorie de l’équilibre est le suivant : si certains événements modifient la structure de l’offre et de la demande, le monde économique revient toujours aux conditions initiales dès que ces événements disparaissent. La réversibilité complète est la règle générale, exactement comme en mécanique.

En s’inspirant de Thomas Kuhn nous pourrions nous hasarder à dire que « la science économique n’a jamais connu de révolution majeure, son modèle général de base n’a jamais été remplacé » ; et, en reprenant Ivan Illich, « dans un monde où les économistes remplacent les prêtres », il en va comme jadis de Galilée. Le principe étant qu’il est plus que nécessaire que les citoyens soient informés de cette tendance économique qui n’est que très peu médiatisée et surtout qui ne répond pas aux aspirations de l’orthodoxie tant elle est passée sous silence. Je terminerai par des propos de Georgescu-Roegen : « Certes, il y a une crise de l’énergie, mais à ce qu’il paraît la vraie crise est la crise de la sagesse humaine. »

  1. [1] Platon, Les Lois.
  2. [2] Platon, La République.
  3. [3] Aristote, La Politique.
  4. [4] Mill, J.S., 1920. in W.J. Ashley, ed. Principles of Political Economy, London, Longmans, Green and Co.
  5. [5] Boulding, K.E., 1966, The economics of the coming spaceship Earth in Henry Jarret, ed., Environmental Quality in a Growing Economy, Baltimore, Johns Hopkins University Press, pp- 3-14.
  6. [6] Daly, H.E., ed. 1973. Toward a Steady-State Economy, San Francisco, Freeman.
  7. [7] Georgescu-Roegen N., 1971, The Entropy Law and the Economic Process, Harvard University Press, Mass.
  8. [7a] Georgescu-Roegen N., 1976, Energy and Economic Myths, Pergamon Press.
  9. [7b] Georgescu-Roegen, N., 1979, La décroissance. Entropie - Écologie - Économie, Éditions Pierre-Marcel Favre, Lausanne
  10. [7c] Georgescu-Roegen N., 1981, "Energy, Matter and Economic Valuation : Where do we stand ?", in DALY, UMANA, 1981, pp 43-79.
  11. [8] Debeir J.-C., Deleage J.-P., Hemery D., Les servitudes de la puissance, une histoire de l’énergie, Flammarion, Paris, 1986.
  12. [9] Deleage J.-P., 1991, Histoire de l’écologie, une science de l’homme et de la nature, La découverte, Paris.
  13. [10] Prigogine I, 1968, Introduction a la thermodynamique des processus irréversibles, Dunod.
  14. [11] Prigogine I., Stengers I., 1988, Entre le temps et l’éternité, Fayard.
  15. [12] Passet R., 1980, "La thermodynamique d’un monde vivant : des structures dissipatives à l’économie", in Futuribles, décembre, pp 2-25
  16. [13] Vivien F.-D., 1991, Sadi Carnot Economiste, enquête sur un paradigme perdu : économie-thermodynamique-écologie, Thèse de doctorat en sciences économiques, Paris
  17. [14] Odum E.P., 1976, Ecologie, deuxième édition, Saunders.
  18. [15] Passet R., 1979, L’économique et le vivant, Payot, Paris.
  19. [16] Beaud M., 1989, "Risques planétaires, environnement et développement", in Economie et humanisme, no308, juillet-août, pp 6-15.

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21 réactions à cet article    


  • Forest Ent Forest Ent 10 avril 2007 11:33

    Bon résumé, clair et structuré.


    • Christophe Christophe 11 avril 2007 11:53

      @Léon,

      J’ai lancé mon inscription au club des rédacteurs ; en supposant que nous pouvons avoir des discussions privées où nous pourrions échanger nos adresses.

      Dans le cas contraire, je lancerai une demande auprès des modérateurs !


    • Christophe Christophe 11 avril 2007 17:47

      @Léon,

      J’ai transmis un message (à je ne sais qui) en passant par le menu Qui sommes nous en leur demandant de vous transmettre mon adresse mail. J’espère que cela fonctionnera !


    • Christophe Christophe 12 avril 2007 17:11

      @Léon,

      Non, je n’ai rien reçu. Pouvez-vous tenter de nouveau l’expérience ?


    • bulu (---.---.1.42) 10 avril 2007 13:16

      Brillant article.


      • troll (---.---.82.129) 10 avril 2007 13:47

        c’est un tres bon article mais je suis decu par la conclusion et j’aurais aime que vous proposiez un modele thermodynamique economique...


        • Christophe Christophe 10 avril 2007 18:27

          Je tiens à souligner que ce billet n’est qu’une vulgarisation et que des modélisations existent. Cependant, il était nécessaire d’informer sans noyer le lecteur dans des formulations mathématiques qui sont parfois difficiles à appréhender.

          Si cela est demandé, il faudrait écrire un nouvel article. Celui-ci me semblait déjà long et il peut déjà paraître difficile à appréhender.


          • Michel (---.---.165.131) 11 avril 2007 08:40

            Excellent article. Très intéressant à lire.

            Cela dit, sur la forme, je pense qu’on est encore assez loin de la vulgarisation (l’exercice le plus difficile qui soit, à mon avis) qui permettrait au plus grand nombre d’appréhender les tenants et les aboutissants de ton article. Peut etre le challenge pour un nouvel article smiley

            sur le fond, pour reprendre du jargon des « physico chimistes », on peut finalement voir l’homme comme un catalyseur des reactions de transformation (le pétrole en essence, par exemple) dans la biosphère qui sont nécessaire au fonctionnement de la sphère économique qui, pourtant, n’a aucune legitimité « naturelle » puisqu’elle totalement artificielle. Sic... ! L’existance du catalyseur ne dépendant uniquement que de la biosphère (l’indice du CAC40 ayant des propriétés nutritionnelles fort limitées smiley ), il est fort à parier que sa mortalité soit nettement mis en évidence dans les années et les décénnies qui viennent. ça illustre aussi le fait que controler la « quantité de catalyseur » (contrôle démographique pour avoir des populations stables = notion de subsistance, opposée à celle cultissime de la croissance sans limite) est une nécessité absolue.


          • Christophe Christophe 11 avril 2007 12:13

            @ Michel,

            En relisant l’article, après avoir pris un peu de recul, j’admets qu’il peut être difficile à digérer.

            La problématique des articles consistant à faire court tout en exposant les grands principes m’a donc poussé à rester assez abstrait ce qui ne donne peut-être pas un niveau de vulgarisation suffisant. Généralement, pour les personnes non scientifiques, j’utilise des langages graphiques ; c’est plus parlant !

            Pour ce qui concerne la démographie, Ricardo estimait que l’état stationnaire (que nous pourrions assimiler à une économie à croissance nulle ; bien que ni Smith, ni Ricardo ni Mill n’ont su exprimer formellement à quoi l’état stationnaire correspondait) ne serait abordée que lorsque la pression de la population sur la nourriture adviendrait, lorsque la taille de la population atteindrait son sommet. Mais il exprimait aussitôt que nous étions très éloignés d’une situation aussi déplaisante ; nous pouvions donc poursuivre l’économie de croissance.


          • Michel (---.---.165.131) 11 avril 2007 13:00

            « Mais il exprimait aussitôt que nous étions très éloignés d’une situation aussi déplaisante ; nous pouvions donc poursuivre l’économie de croissance. »

            et c’était en quelle année ?


          • Christophe Christophe 11 avril 2007 14:16

            Il y a environ deux cent ans (début du XIXème siècle) !

            Cet environnement à bien changé, mais l’orthodoxie économique actuelle considère l’état stationnaire comme un phénomène stagnant allant à l’encontre du principe de marché et de son développement.


          • Michel (---.---.165.131) 11 avril 2007 14:33

            Effectivement, la population mondiale a été multipliée par 6 depuis !! Ce sera d’un facteur 9 en 2050 ! Presque un ordre de grandeur. De quoi reviser toutes les théories economies, si orthodoxe soient elles.

            Et concernant l’approvisionnement alimentaire, pas besoin d’aller chercher bien loin pour voir déjà les limites du système acuel. Suffit d’aller en bretagne pour voir la « florissante » (sic !) économie de la peche par là-bas !


          • Nicolas (---.---.163.55) 10 avril 2007 21:16

            Excellent article, basé sur des sources sûres utilisées avec maîtrise. Vous éclairez l’économie sous un jour nouveau grâce à des concepts avec lesquels il faudra compter à l’avenir.

            Nous vivons sur une planète aux dimensions et aux ressources finies, n’en déplaise à ceux qui prônent la fuite en avant à l’aide d’idées d’une autre époque.

            Merci pout cet article enrichissant.


            • Sophie (---.---.143.12) 11 avril 2007 11:11

              On a ici un futur prix Nobel d’économie, fantastique...


              • Christophe Christophe 11 avril 2007 12:25

                Non, j’en serais indigne puisque les travaux fait en ce domaine appartiennent à des chercheurs. Je ne fait que tenter de traduire les théories que d’autres ont définis.

                J’aurais beaucoup aimé voire Georgescu-Roegen obtenir le prix de la banque de Suède pour son apport à l’économie en introduisant les interactions entre la sphère économique et la sphère écologique dans les années 70. Au lieu de cela, Georgescu-Roegen a été mis dans la case dissident par les économistes orthodoxes ; il ne prônait plus la suprématie du marché sur tout.

                J’ai cru comprendre que la biologie, actuellement, tendrait à remettre le prix Nobel à Georgescu-Roegen pour enfin sortir ses travaux de l’obcurité dans laquelle l’orthodoxie économique mécaniste l’a maintenu jusqu’alors. Cela permettra à tous les économistes préoccupés par l’intégration des contraintes écologiques d’avoir un peu plus de poids ; et qui sait, peut-être l’orthodoxie acceptera-t-elle, un jour, de mener sa réforme interne, eux qui demandent tant de réformes aux autres ! smiley


              • tyze (---.---.232.156) 11 avril 2007 13:12

                Article très intéressant, qui donne envie de lire (bel effort de rédaction en particulier pour les références) et qui a l’énorme mérite d’élever le débat...


                • pari démocratique (---.---.241.8) 11 avril 2007 15:58

                  Article très intéressant et tout à fait bienvenu. Toutefois, on peut regretter qu’il n’ait ait pas conduit à la conclusion logique qu’il impose, à savoir l’impossibilité non seulement de la croissance mais aussi d’un état stationnaire. Tant qu’à citer Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) et plus particulièrement son ouvrage "La décroissance Entropie - Écologie - Économie" (1979), reprenons sa conclusion :

                  « Mais puisque personne ne peut être sûr que Prométhée III( précision : P. I se réfère à la découverte du feu, P. II, à celle de l’énergie mécanique issue de la chaleur et commençant avec la machine à vapeur) arrivera, ni savoir exactement ce que sera son, don, une seule stratégie s’impose sans appel, à savoir une conservation générale bien planifiée. C’est de cette façon seulement que nous aurons plus de temps pour attendre la découverte d’un nouveau don prométhéen, ou, au pire, pour glisser lentement et sans catastrophes vers une technologie moins « chaude ». Évidemment cette dernière technologie ne pourrait être qu’un nouvel âge de bois, différent quand même de celui du passé, parce que nos connaissances techniques sont plus étendues aujourd’hui. Il ne pourrait en être autrement étant donné que tout processus évolutionniste est irréversible. Et si ce retour devient nécessaire, la profession des économistes subira un changement curieux : au lieu d’être exclusivement préoccupés de croissance économique, les économistes chercheront des critères optima pour planifier la décroissance ».

                  Alors, pourquoi faire l’impasse sur cette notion de décroissance ?

                  J’ajouterai la référence à Lovelock : considérant la planète terre comme un ensemble matière inanimée-matière vivante, ensemble autorégulé capable de passer d’un état attracteur à un autre (hypothèse Gaïa), il conclut que cet ensemble à la capacité d’évoluer pour s’adapter quitte à se débarasser de l’humanité (perspective actuellement attachée à une évolution devenant irréversible des conditions climatiques).


                  • Christophe Christophe 11 avril 2007 18:09

                    Nous sommes d’accord sur la conclusion de Georgescu-Roegen. Mon article était un premier sur le sujet et j’ai simplement tenté de différencier l’approche économique classique dans un monde fermé et l’approche initiée par Georgescu-Roegen munie d’une ouverture sur le monde dans sa globalité (en faisant le parallèle mécaniste).

                    Sans doute plusieurs autres articles seront nécessaires pour expliquer tous les rouages qui entrent en considération. Cependant, il me semblait important d’informer les citoyens qui ne connaissent pas toujours cette nouvelle approche ; surtout qu’elle est peu mise en avant par les économistes classiques (ceux que j’appelle les orthodoxes).

                    La décroissance sera sans doute nécessaire, voire obligatoire, dans le monde occidental au risque de voire disparaître l’humanité si nous continuons ainsi. Nous avons un lourd fardeau et une lourde responsabilité à assumer si nous sommes encore attachés à l’humanité (c’est un concept au-delà du collectif). Pour les pays hors de l’occident, il est possible qu’il y ait croissance ; en tout état de cause, si croissance locale il y a, il faudra une croissance maîtrisée en connaissance des risques et de leurs effets, une forme de planification ou de malthusianisme mais ces termes sont très mal perçus par nombre d’économistes. C’est pour eux une restriction des libertés. Mais la liberté s’accomode-t-elle de l’irresponsabilité ?


                  • pari démocratique (---.---.128.211) 13 avril 2007 09:39

                    à Léon,

                    Au risque de paraitre trop pessimiste, je voudrais insister sur le concept de décroissance.

                    Actuellement, notre biosphère est soumise à une agression forte résultant :
                    - de l’effet de serre avec changement climatique,
                    - de la diminution de la biodiversité,
                    - du recul de la ceinture verte (forêts équatoriales),
                    - de l’extension à grande échelle des phénomènes de pollution.

                    Or, cette biosphère s’est constituée loin de l’équilibre thermodynamique (Cf article de Christophe) en rejoignant un bassin attracteur en état quasi stationnaire. Cet état a une bonne capacité d’homéostasie, c’est à dire une capacité à résister aux agressions tout en maintenant l’essentiel de ses caractéristiques, notamment celles nécessaires à la vie. A résister, certes, mais jusqu’à un certain point. Au delà, un basculement devient inévitable et le système complexe qu’est la pellicule, surface de notre terre, évolue vers un autre attracteur, pas forcément compatible avec la vie, du moins celle de l’espèce humaine (point de vue qui mériterait un long développement étayé par la connaissance que l’on a aujourd’hui des systèmes complexes).

                    A partir de là, suivant le degré d’optimisme :
                    - ou bien on est loin du seuil de basculement et la notion de développement soutenable (ou durable) peut nous en tenir éloigné encore quelques générations,
                    - ou alors, on en est proche et la décroissance devient une nécessité.

                    Naturellement, le changement de vocabulaire consistant à évoquer « l’économie soutenable » plutôt que le « développement soutenable » en permet l’usage dans les deux cas de figure mais présente l’inconvénient de cacher l’alternative.

                    Pour conclure, je précise que je n’ose même pas envisager l’hypothèse d’un seuil déjà atteint auquel cas, la « messe est dite »...


                  • Pierre P (---.---.101.5) 16 avril 2007 21:23

                    A Christophe et à Léon (et potentiellement à tout le monde), je pense que le sujet de l’économie physique développé, par Leibniz, devrait vous intéresser (si ce n’est déjà fait).

                    En voici une courte présentation :

                    http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=370


                    • Bobby Bobby 9 mars 2008 11:50

                      Bonjour

                       

                      Très intéressant article et commentaires pour leur grande majorité ! Je serai ravi de participer à un colloque en comité restreint par exemple avec les personnes de qualité que j’ai pu lire ici qui en seraient aussi désireuses...

                       

                      bien cordialement.

                       

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