De la TVA sociale, ou comment faire rentrer le dentifrice dans le tube avec un marteau piqueur
La TVA est un impôt collecté par les entreprises, qui doivent régulièrement, et selon leur régime réel ou simplifié, reverser à l'état la différence entre celle qu'ils auront perçue de leur clients, et celle que leur auront facturé les fournisseurs.
Les entreprises sont donc des percepteurs invisibles, qui possèdent également l'immense avantage, car vivant au merveilleux pays de la concurrence libre et non faussée, de pouvoir fixer le prix de vente de leurs prestations ou de leurs marchandises comme bon leur semble.
Imaginons donc une entreprise spécialisée dans la peinture de pots de fleurs, que nous appellerons Floradeko.
Chaque pot brut est acheté 2€HT à un grossiste, et revendu transformé, 8€HT aux fleuristes.
Qui les revendent 18€ TTC en boutique.
La peinture est réalisée par une ouvrière, seule employée (pour simplifier), et que nous appellerons Josette.
Josette est capable de peindre et vernir très joliment 6 pots par heure.
Chaque mois, elle voit inscrit sur sa fiche de paie, 1500€ brut, 1180€ net, pour 150h de travail.
Les charges patronales s'élevant à 620€, le coût global du travail est donc de 1800€.
Coût donc rapporté au pot de fleur : 2€.
Reste 4€ par pot pour faire tourner la boutique et pour remplir la poche de Monsieur Floradeko.
Imaginons maintenant l'effet de la mise en place de cette fameuse TVA sociale :
Admettons d'abord, que les cotisations patronales de sécurité sociale correspondant à la maladie (+ maternité + invalidité), passent de 12,8% à 6,8% (chiffre dont bon nombre d'économistes libéraux patentés rêvent pour la France)
Ne touchons évidemment pas aux ponctions directes de l’état, comme la CSG, et admettons également que les autres cotisations ne soient pour l'instant pas ébranlées, sachant que par exemple, toucher aux allocations familiales en France déclencherait immédiatement un tsunami revendicatif.
L'économie mensuelle sera donc pour l'entreprise de 90€, la part de travail contenue dans le pot de fleur baissant ainsi de 10 centimes.
Monsieur Floradeko se retrouve alors en proie à une abominable perplexité.
Car 5 choix contradictoires s'offrent alors à lui, que nous classerons ici selon une probabilité psychologique décroissante :
- Augmenter son prix, car la TVA a augmenté, et oui tout augmente, mon cher Monsieur, alors pourquoi pas moi,
- Laisser son prix inchangé, en pleurant comme l'avaient fait les restaurateurs, après le petit cadeau de 15 points de marge que leur avait fait Nicolas Sarkozy, car c'est si dur d'entreprendre dans ce monde de brutes,
- Baisser son prix de vente de 10 centimes, ce qui le rendrait honnête citoyen, mais risquerait de le faire paraître un peu mesquin vis à vis de son client,
- Augmenter son salarié, au risque de friser le contresens total vis à vis de cette mesure, qui ne parle essentiellement que de préservation économique, et de se faire exclure du Medef.
- Retourner voir son banquier pour lui demander de financer sur 5 ans l'achat d'une machine allemande, fabriquée pour l'essentiel en Roumanie, et permettant de peindre 500 pots de fleurs par jour, tout en gardant l'illusion de la peinture manufacturée. Avec le risque immense de se prendre encore un vent, au regard de ses derniers bilans, de la maigreur de sa surface financière, et de la frilosité de son interlocuteur, si perplexe on le comprendra, en ces terribles moments de crise.
D'un autre côté, la valse des étiquettes aura déjà commencé.
La TVA ayant augmenté de 3 points, le fleuriste, peu féru d'arithmétique exacte, et copiant placidement l'attitude de ses concurrents, aura mis une nouvelle étiquette sur le pot de fleur. Passant son prix à 19€, puis à 20€ ou 22€, selon les éléments psychologiques accompagnant l'effet dévastateur de l’augmentation globale des prix.
Trois mois plus tard, un ingénieux petit patron chinois, que nous appellerons Mr Tchang, entre en scène.
Ayant construit brillamment un clone de la machine Allemande, il décide sereinement d'envahir le marché Européen de ses pots de fleur façon "peint à la main".
Le prix de revient de chaque pot de fleur, amortissement de la machine, expédition, taxes douanières, et salaire de l'ouvrier contrôlant la machine inclus, est de 1.5$.
Ne connaissant pas bien notre langue maternelle, et peu à l'aise dans le métier de grossiste, Monsieur Tchang décide de contacter Monsieur Floradeko.
La suite de l'histoire, vous la connaissez par coeur...
Probable petit bilan un an plus tard :
- Mr Floradeko est très content, et il a décidé de se mettre à apprendre le chinois.
- Mr Tchang va bientôt commercialiser des machines en kit permettant aux fleuristes de peindre leurs pots eux-mêmes, avec le soutien de la fédération des fleuristes qui assurera la formation.
- Josette est bientôt à la fin de ses allocations chômage, et galère pour trouver un stage pour les seniors à moins de 200km de chez elle.
- Les pots de fleur peints à la main sont maintenant à 30€, mais ils sont devenus très à la mode, et on en trouve même avec la tour Effel, et qui font radio-réveil.
-
Notre cher président doit faire bientôt un discours présentant le formidable intérêt de la TVA sociale, et de la nécessité d'en renforcer le dispositif...
Petite fable macro-économique rédigée sans aucune aménité bien sûr vis à vis de cette merveilleuse profession de fleuriste.
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