Dette publique, monnaie et inflation : de quoi s’agit-il ?
Qu’est ce que la monnaie, l’inflation ? Une réserve fractionnaire et un refinancement auprès d’une banque centrale ?
Si ces notions sont floues ou inconnues pour vous, cet article devrait éclairer vos lanternes sur les engrenages des systèmes monétaires et financiers.
On croit souvent que c’est l’état ou la banque centrale qui créer la monnaie en se basant par ex sur l’or mais c’est faux. En réalité, ce sont les banques privées qui ont le pouvoir de création monétaire et il n’y a plus besoin d’or pour cela. Ce fait est assez difficile à croire mais c’est pourtant bien ce qu’il se passe en réalité (1)(2)(3)(14).
L’état français a perdu ce pouvoir en 1973 avec la réforme de la banque de France(4)(5) signée par Pompidou, Mesmer et Giscard. Cette loi a été abrogée et remplacée dans le traité de Maastricht en 1993 (6)(7)(8). Ces lois interdisent à l’état français d’emprunter auprès des banques centrales. Avant 1973, l’état empruntait auprès de la banque de France et payait des intérêts à celle-ci. Mais, comme la banque de France appartient à 100% à l’état, les dividendes étaient reversés à l’état. Bref, cela se passait comme si l’état ne payait pas d’intérêts.
Après 1973 tout change car la banque de France ne peut plus prêter à son propriétaire. Dès lors, l’état doit emprunter auprès des banques et des prêteurs privés pour financer les investissements (construction de ponts, d’hôpitaux, diverses infrastructures), les intérêts eux sont alors perdus pour l’état. Il faut savoir que c’est précisément à partir de cette date que la dette publique française augmente de manière régulière et, que le total des intérêts payés représente environ 1300 milliards d’euros soit le total de la dette actuelle (9).
Ceci signifie que si l’ont était resté dans l’ancien système, il n’y aurait tout simplement pas de dette publique. Il est donc faux de dire que la dette est due à une mauvaise gestion, elle est seulement due à la perte consentie par l’état de son pouvoir de création monétaire.
Jusque là tout va bien mais la banque ne se contente pas de cela, elle réclame des intérêts sur cet emprunt. L’argent emprunté peut être remboursé intégralement puisqu’il y a eu une création monétaire équivalente, mais les intérêts eux sont à aller chercher ailleurs. Où cela ? Étant donné que seul les banques créent la monnaie via du crédit, seul de l’argent provenant d’un autre crédit peut permettre de payer les intérêts. Sauf que ce nouveau crédit demandera aussi des intérêts et ainsi de suite. En fait, comme tout l’argent en circulation dans l’économie réelle provient de crédits, les banques perçoivent des intérêts sur tout cet argent. Ce qui signifie qu’à terme sans augmentation de la masse monétaire (total de la monnaie en circulation) tout l’argent sera versé aux banques sous forme d’intérêts et investi par elles dans l’immobilier, les marchés boursiers ou l’économie réelle. Il n’y aura alors plus d’argent en circulation. De même, si tout le monde rembourse ses crédits en même temps, il n’y aura plus d’argent en circulation et il resterait encore les intérêts à payer ! Ce système nécessite donc une hausse perpétuelle de la masse monétaire pour fonctionner, sans cela il y aurait une pénurie de monnaie. Par ex, la masse monétaire de la zone euro a augmenté d’environ 10% par an depuis la création de la monnaie unique.
L’ennui c’est que cette hausse continuelle peut provoquer une inflation des prix (12).
L’inflation des prix correspond à une hausse des prix des biens et services. Cela peut arriver lorsque de la monnaie est injectée dans l’économie réelle (Hors immobilier et marchés boursier), lorsque la production des biens et services baisse à masse monétaire constante ou lorsque la vitesse de circulation de la monnaie diminue. Cela est expliqué par la Théorie quantitative de la monnaie (13) qui nous donne la relation :
MV = PQ
Avec M la quantité de monnaie, V la vitesse de circulation de la monnaie (ou des biens et services), P le niveau des prix et Q la production. Pour comprendre cette relation, prenons un petit exemple. Imaginons un pays qui ne produit que des échelles. Sur une année, 100 échelles sont produites. Chaque unité de monnaie est utilisée pour 2 transactions dans l’année. La masse monétaire est de 1000 euros. Quel sera le prix des échelles ?
Nos 1000 euros seront utilisés deux fois pour acheter des échelles, on peut donc en acheter 50 au prix de 20 euros une première fois, cet argent sera alors de nouveau disponible pour acheter les 50 échelles restantes au prix de 20 euros. Vous pouvez vérifier que l’on a bien respecté la relation ci-dessus.
Nous avons vu plus haut que l’argent est créé par les banques commerciales via le crédit à partir de rien ou presque. Dans la pratique, cela est un peu plus compliqué mais cela revient presque au même.
En fait il existe différents types de monnaie ou d’argent :
- Monnaie scripturale : C’est la monnaie qui se trouve sur tous les comptes courants ou compte chèque. Elle circule par virement, carte de crédit ou chèque. Nous noterons cette monnaie M1.
- Monnaie fiduciaire : C’est la monnaie garantie par l’état et la banque centrale, elle prend la forme de billets et de pièces de monnaie. Cette monnaie est créée par la Banque centrale.
- Base monétaire : C’est la monnaie créée par la Banque centrale, elle regroupe la monnaie fiduciaire ET les soldes de compte des banques dans les livres de la banque centrale. En effet, chaque banque détient un compte à la banque centrale, nous pouvons appeler cette monnaie la monnaie de base ou la monnaie des banques. Cette monnaie est directement convertible en monnaie fiduciaire, la conversion étant assurée par la banque centrale. Nous noterons cette monnaie M0.
Pour bien comprendre ce qu’il se passe, partons du début. Imaginons une banque qui emprunte une quantité Q de monnaie de base M0 à la banque centrale. La banque centrale crée la monnaie en créditant le compte de la banque.
La banque verse des intérêts à la banque centrale qui dépendent des taux d’intérêts directeurs. La banque peut prêter cet argent à M Paul pour l’achat d’une maison, des travaux de plomberie et les frais du déménagement. Cet argent est crédité sur le compte de Paul qui le dépense. L’argent dépensé sera ensuite déposé sur des comptes dans n’importe quelle banque. Une partie de cet argent va donc se retrouver chez des banques concurrentes mais reste dans le système bancaire. Dans la pratique, l’argent circulent sans cesse entre les banques et tout se passe comme si il n’y avait qu’une seule banque, cela simplifie les calculs et amène aux mêmes résultats.
La banque considérée comme unique récupère donc l’argent du crédit sur différents DAV. Elle doit garantir la convertibilité de cet argent en monnaie fiduciaire. Dans la pratique, comme personne ne retire tout son argent en même temps, il suffit pour la banque de conserver un certain ratio noté r<1 de cette somme en monnaie de base M0. Ainsi, elle pourra faire face à tous les retraits isolés sans jamais manquer de monnaie M0 auprès de la banque centrale.
Ainsi, pour garantir les DAV de valeur totale Q, il lui suffit de garder rQ de monnaie M0 à la banque centrale, ce ratio est la réserve fractionnaire. La somme restante (1-r)Q peut être prêtée à un autre emprunteur et ainsi de suite. Comme expliqué par le schéma suivant :

Ainsi, à chaque nouvel emprunt, une certaine quantité de monnaie scripturale M1 est créée par la banque.
Le total de la monnaie scripturale créée pour n+1 emprunts est :
Sn = Q + (1-r)Q + (1-r)^2 Q + (1-r)^3 Q .... + (1-r)^n Q
Il s’agit d’une suite géométrique de raison 1-r (19), un simple calcul nous donne :
Sn = Q(1 - (1-r)^(n+1))/r
Lorsque n tend vers l’infini, Sn tend vers Q/r car |1-r| < 1.
Ainsi, on voit que pour une quantité de monnaie de base Q de départ, le mécanisme du crédit permet aux banques de créer jusqu’à Q/r en monnaie scripturale M1.C’est ce qu’on appelle l’effet multiplicateur du crédit. Dans la pratique, r est de l’ordre de 10% en Europe, ce qui signifie que pour 1000 euros de monnaie de base, le système bancaire peut créer 10 000 euros de monnaie scripturale.
Ceci n’est possible que parce que l’on garde toujours notre argent sur des comptes et qu’on le retire rarement en totalité. C’est cela qui permet aux banques de prêter beaucoup plus que ce qu’elles ont. Elles créent donc bien de la monnaie à partir de rien. Et, cela est dans leur intérêt puisqu’elle perçoivent des intérêts sur les sommes prêtées.
Pour prévenir le phénomène de rush (tous les clients d’une banque retire leur argent en même temps), les états et banque centrales obligent les banques à avoir une réserves obligatoire pour se couvrir. Aujourd’hui, cette réserve n’est que de 2% des DAV (20). Ainsi, les banques vont toucher des intérêts sur toute la masse monétaire M1 et payer des intérêts sur 12% (réserve fractionnaire + réserve obligatoire) de cette somme seulement à la banque centrale.
On peut faire une estimation rapide du revenu bancaire dans la zone euro. La masse des DAV est d’environ 4000 milliards d’euros (15). Avec par exemple un taux moyen de 4% et des taux d’intérêt directeurs de 2%, on a :
4000 * 0,04 - 0,12* 4000 * 0,02 = 160 - 9,6 = 150,4 milliards d’euros par an.
On voit que pour 160 Mds d’euros d’intérêts touchés, les banques versent moins de 10Mds d’euros à la Banque centrale. Dans la réalité, les banques ont d’autres sources de revenus sur les marchés financiers, les bons du trésor etc. Ici n’est calculé que le revenu issu des DAV.
Pour conclure cet article, parlons du refinancement. En fait, il s’agit de différentes techniques qui permettent aux banques de se procurer de la monnaie de base M0. Ce système revient à un simple prêt contracté auprès de la banque centrale en échange d’intérêts versés. Dans un prochain article, nous examinerons les différentes critiques à l’encontre du système monétaire actuel et sa responsabilité vis à vis de la crise économique actuelle. Nous verrons aussi les solutions proposées pour remplacer ce système qui est une source de grande instabilité.
(1) Création monétaire sur wiki
(2) Effet multiplicateur du crédit
(3) Création monétaire, le bilan des banques
(4) Loi n°73-7 du 3 Janvier 1973
(5) Banque de France
(6) loi n° 93.980 du 4 août 1993
(7) Traité de Maastricht
(8) Texte du traité de Maastricht
(9) La dette publique, une affaire rentable : A qui profite le système ? André-jacques Holbecq
(10) Personne morale
(11) Personne physique
(12) Inflation
(13) Théorie quantitative de la monnaie
(14) La monnaie et ses mécanismes, Dominique Plihon. La Découverte 2007
(15) Masse monétaire
(16) Monnaie scripturale
(17) Monnaie fiduciaire
(18) Base monétaire
(19) Suite géométrique
(20) Réserve obligatoire
(21) Article 104 du traité de Maastricht
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