Ecrans plats et idées courtes
Une véritable propagande a été servie jusqu’à plus soif par les hérauts du gouvernement pour éviter une relance par la consommation. Briefés par les mêmes consultants en communication, ils se sont tous répandus en chœur dans les media. Ce serait « de l’argent jetée par les fenêtres », cela ne profiterait qu’aux produits importés, et pour enfoncer le clou populiste, « à acheter des écrans plats en Chine ».
Un récent rapport du Sénat et de l’OFCE contredit largement ces idées reçues (http://www.senat.fr/presse/cp20090126c.html). La part des importations dans la consommation des ménages français n’est que de 14%. Par ailleurs, l’activité induite par les consommations importées, le transport par exemple, est non négligeable. On est bien loin de la propagande colportée.
Leur mensonge éventé, les messagers de service ont corrigé leur réplique : rien ne servirait de distribuer, car l’argent serait épargnée. Manque de chance, le rapport fait un deuxième constat : la propension à consommer des biens importés, ainsi que la propension à épargner, croissent avec le revenu. Autrement dit, les ménages aux plus faibles revenus consomment en France, et épargnent peu, à l’inverse des ménages aisés.
Une relance de la consommation ciblée sur les ménages modestes serait cohérente. L’ampleur de la crise l’exige. En complément de celle sur les investissements évidemment. Et si possible coordonnée au niveau européen. Le pari étant qu’elle contribue à relancer la machine, elle pourrait être considérée comme un investissement financé par la dette d’abord, puis par la reprise d’activité. Mais pour les rigoristes budgétaires réfractaires au keynésianisme ou à l’endettement, elle pourrait être aussi financée, par exemple, par l’annulation du paquet fiscal devenu indécent et économiquement nuisible (environ 15 milliards), ou l’annulation des baisses d‘impôt sur le revenu octroyées depuis 2002 (plusieurs dizaines de milliards), ou mieux, par une refonte fiscale complète réhabilitant la progressivité fiscale. Les Etats-Unis n’ont pas hésité à le faire après la crise de 1929 : « de 1932 à 1980, le taux marginal d’imposition applicable aux plus hauts revenus a été supérieur à 80% en moyenne » (http://www.jourdan.ens.fr/piketty/fichiers/presse/AlternativesEconomiques09janvier.pdf). Ils n’hésitent pas non plus aujourd’hui à exiger des contreparties effectives aux entreprises dans lesquelles l’Etat s’est engagé. Même l’Angleterre s’y est mis (baisse de la TVA financée par une hausse de l’impôt sur le revenu pour les tranches hautes, prises de participation dans des banques).
En France, l’écueil n’est pas économique, mais idéologique. Pour cette nouvelle droite décomplexée qui assume tout, selon ses propres termes, pourquoi ne pas le dire haut et fort au lieu d’inventer des prétextes mensongers : « Oui, nous prenons le risque d’investir dans les banques pour protéger le système, mais pas dans les services publics, la protection sociale et les transferts de revenus sociaux qui ne sont pas un investissement mais un coût qu’il faut réduire. La relance se fait avant tout par l’offre, pas par la demande. Et les moteurs de l’offre, ce sont les entreprises et les plus riches, qu’il faut continuer à choyer, sans contrainte et avec le minimum d’impôt. Les contraintes et les efforts, la solidarité, il faut les réserver aux autres, la masse des Français ».
Même en temps de crise, et malgré les apparences trompeuses d’un président fourre-tout qui ne fait que parler de social sans en faire, ou alors le minimum sous la pression populaire, le dogme de la droite reste là, tenace. Mais le cynisme et la communication ont leurs limites. Invoquer l’unité nationale, les efforts partagés, la solidarité et la justice, voire même, rien n’est trop gros, les vertus du modèle social français amortisseur de crise, en n’ayant eu de cesse de le torpiller, devient inaudible. La crise est pourtant trop profonde et les enjeux trop sérieux pour l’idéologie, les Britanniques et les Américains, eux, l’ont mieux compris.
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON