Energie, la facture sera salée
Alors que l’Europe s’ouvre largement aux énergies propres et renouvelables, la France fait office de cancre, et malgré les promesses hollandaises du Bourget, la situation n’évolue guère en faveur de ces énergies de l’avenir.
Rappelons la promesse pré-électorale faite par le nouveau président : « je préserverais l’indépendance de la France tout en diversifiant nos sources d’énergie. J’engagerais la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% à l’horizon 2025, en garantissant la sûreté maximale des installation et en poursuivant la modernisation de notre industrie nucléaire. Je favoriserais la montée en puissance des énergies renouvelables en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur ». lien
On en vient à se demander « ce qui coince », et les partisans du nucléaire ont lancé une campagne tout azimut, laissant penser que ces énergies renouvelables feraient exploser la facture énergétique des français.
Ce qui reste à prouver.
Il y a une certitude, quel que soit le choix énergétique, la facture va augmenter.
D’une part, si on en reste au nucléaire, le budget qui doit être consacré à la remise en état des vieilles centrales, et celui qui doit trouver une solution pour le traitement des déchets dangereux, va augmenter considérablement le prix de l’électricité.
En effet, le projet Cigeo, à Bure, dont le débat public à tourné court, est estimé à 36 milliards d’euros, et ne concerne que 3% des déchets nucléaires. lien
On imagine facilement que la solution pour les 97% des déchets restants aura un cout, qui se répercutera d’autant plus sur nos factures.
Et puis il y a la rénovation des vieilles centrales nucléaires, et là aussi, la facture risque d’être salée.
Philippe Jamet, représentant de l’ENSREG (régulateurs européens en sûreté nucléaire), avait estimé le cout des investissements par centrale françaises entre 100 et 200 millions d’euros par réacteur nucléaire, soit au total entre 1,9 et 3,8 milliards, ce qui semble optimiste au vu de l’étude allemande de Gunther Oettinger, commissaire européen en charge de l’énergie, qui a estimé la rénovation de l’ensemble du parc nucléaire européen, qui compte 134 réacteurs à 25 milliards d’euros.
Comme la France en possède 58, une simple règle de trois permet d’estimer la dépense à 10 milliards d’euros, sans tenir compte de probables dépassements. lien
En effet, on se souvient que l’EPR de Flamanville estimé au départ à 3 milliard a vu son prix exploser à 8,5 milliards d’euros. lien
Ces réparations de réacteurs sont incontournables, d’autant que l’Europe a ciblé les défaillances de nos 19 centrales, en défauts sur 5 à 7 points.
Quand on découvre la liste impressionnante des accidents ou « incidents » nucléaires, on ne peut qu’approuver cette décision européenne. lien
Au total, la facture énergétique nucléaire augmenterait donc de 54 milliards d’euros, soit pour chacun des 26 millions de ménages français, un supplément de 2000 d’euros sur chaque facture d’électricité.
Et puis, il faudrait rajouter à tout ça, le prix d’un accident nucléaire majeur, modèle Fukushima, sans oublier que Cigeo ne résoudrait la question des déchets que pour 3% d’entre eux.
L’IRSN (institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire) a estimé un Fukushima en France à 430 milliards d’euros, ce qui couterait à chaque ménage 16 500 euros. lien
La Cour des Comptes est encore plus pessimiste et monte la facture à 1000 milliards d’euros, soit 38 000 € pour chaque ménage français. lien
En effet, au-delà des comptes basiques basés sur la déconstruction difficile du site dévasté, comment ne pas tenir compte des milliers d’hectares perdus pour quelques dizaines d’années…comment calculer la souffrance de ceux qui ne peuvent plus, à moins de prendre des risques pour leurs vies, revenir chez eux…à quel niveau porter le dédommagement de ceux qui souffrent des conséquences de la catastrophe ?
Et quid des pécheurs qui, sachant les poissons contaminés durablement, sont obligés d’aller pêcher à parfois 600 km des cotes, pour tenter de trouver des poissons consommables ?
Il est difficile de tirer aujourd’hui un vrai bilan…ce sera peut-être possible dans un siècle…
Mais revenons à notre comparaison entre « énergies fossiles » et « énergies renouvelables".
Greenpeace a proposé un axe de réflexion en les comparant financièrement.
L’antenne française de cette organisation à lancé une initiative inédite consistant à comparer 2 factures annuelles moyennes : l’une avec le maintien du nucléaire, et l’autre avec le scénario de « transit énergétique » de Greenpeace.
Sur ce lien, chaque lecteur pourra faire un choix entre les 2 options proposées, puisqu’il permet de comparer les 2 factures : nucléaire ou énergies propres.
Le résultat est limpide
Alors que le maintien du nucléaire serait générateur d’une augmentation de nos factures d’électricité de 266,5 €, celle de sortie du nucléaire se monterait à seulement 148,9 euros.
Dans le scénario alternatif proposé par l’ONG, 10 centrales nucléaires seraient fermées d’ici 2017, l’EPR de Flamanville serait abandonné, et la sortie définitive du nucléaire serait programmée pour 2031.
L’association ajoute que le choix d’une meilleure efficacité énergétique des équipements et des bâtiments, (outre qu’elle serait créatrice de dizaines de milliers d’emplois), permettrait de réduire la consommation globale d’électricité de 10%.
La transition énergétique à d’autres avantages : elle pourrait réduire à néant la dépendance du pays, notamment sur la question du pétrole, ce qui serait une bonne nouvelle pour la balance économique de la France.
En effet, théoriquement, nous avons dans le pays des sources considérables de production de méthane.
Du petit lait des 2143 fromageries de France, en passant par les déchets végétaux et animaux en quantité considérable, les stations d’épuration, les égouts, etc… le méthane productible théoriquement pourrait couvrir la totalité des besoins en pétrole du pays en ce qui concerne le parc automobile, poids lourds compris, soit l’équivalent de 54 mtep/an (millions de tonnes équivalent pétrole). lien
Sur la question "emplois", il y a beaucoup de retombées à attendre.
Le scénario « négawatt », soutenu par Marc Jedliczka, s’exprimant au nom d’un collectif d’ONG porte à 745 000 le nombre d’emplois créés par le projet de transition énergétique, alors que l’OFCE (office français des conjonctures économiques), plus modeste le limite à 632 000…et que l’Ademe va jusqu’à 825 000 emplois. lien
Au moment ou François Hollande s’est donné pour mission de réduire le chômage d’ici 5 mois, l’opportunité lui est donc offerte d’y arriver.
Et Greenpeace de conclure : « une loi sur l’énergie doit être écrite puis proposée au vote à partir de l’automne. Ce sont 10 réacteurs qui devraient être fermés d’ici 2017 et 20 d’ici 2020 par François Hollande s’il compte tenir sa promesse de ramener la part du nucléaire de 75 à 50% dans notre électricité en 2025 ». lien
Quelle décision prendra cet automne le nouveau président ?
Nous le saurons bientôt, car comme dit mon vieil ami africain : « s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème ».
L’image illustrant l’article provient de « vincentmorin.blogspot »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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