Faut-il sauver l’Union Européenne (et l’Euro) ?
Les déboires économiques et sociaux des pays de la zone Euro posent légitimement la question de la poursuite de l’expérience de la monnaie unique.
On lit souvent (et l'argument est repris par de nombreux hommes politiques) que la fin de l'union européenne serait terriblement mauvaise pour les pays qui la forment. La démocratie serait alors en danger (!) et nos économies promises à la ruine. Les pays se "fermeraient sur eux-mêmes", méfiants les uns envers les autres et appliquant un protectionnisme d'un autre âge. Ce serait la montée des antagonismes nationaux avec comme conséquence inéluctable à long terme le retour de la guerre sur le vieux continent.
Des études ont "montré" que l'abandon de l'Euro coûterait 10% de Produit Intérieur Brut à la France. On peut d'ailleurs supposer que ces études ont été conduites par les mêmes organismes qui chiffrèrent généreusement l'arrivée de la monnaie unique et avaient alors promis monts et merveilles à ses pays membres. Cela rassurera les plus lucides et les moins impressionnables, toujours plus nombreux.
La propagande ne mord plus, tant l'échec de la monnaie unique est patent : le désarroi gagne là où le marasme passe. Le rejet succède au dégoût. La volonté d'un finir grandit partout, dans tous les pays membres, et plus encore dans les jeunes générations. L'arrogance d'un Barroso, trotskiste hier et libéral-libertaire aujourd'hui, déconcerte autant qu'elle incommode. L'inconsistant Van Rompuy, l'intolérant Martin Schulz et le déséquilibré Dijsselbloem achèvent le tableau d'une gouvernance dépassée par la déferlante euro sceptique.
Le caractère anti démocratique qu'a pris la construction européenne n'est plus à démontrer : là où le peuple est consulté, il rejette. Mais ses représentants n'en tiennent pas compte. L'Europe avance, soutenue par des lobbies et des intérêts particuliers et contre l'intérêt général et la volonté collective. L'Europe se construit par la complicité d'une classe politique corrompue intellectuellement sinon financièrement. Les forfaitures et les trahisons la renforcent autant qu'elle nous éloignent de la démocratie.
Sauver la démocratie c'est démanteler l'Euro et non le contraire !
Du point de vue économique, la construction de l'Euro se révèle désastreuse. Contrairement aux idées reçues (car injustement largement relayées par les média), de nombreux économistes, parmi les plus reconnus (ce dont il faut certes se méfier) s'étaient déclarés hostiles à la monnaie unique. Mais le battage des pro et la propagande (déjà..) avaient imposé un choix finalement peu débattu. Mais l'heure n'est plus aux regrets mais à l'analyse des conséquences de la monnaie unique.
L'Espagne, qui a dans un premier temps bénéficié de son intégration au marché commun, connaît aujourd'hui un chômage record, conséquence de l'éclatement d'une bulle immobilière qui a orienté l'économie locale vers le secteur de la construction aujourd'hui en crise. Cette bulle s'est formée en partie à cause des taux d'intérêt trop bas en Espagne dans les années 2000. Taux maintenus bas pour des raisons de mauvaises conjonctures à cette époque en Italie ou en Allemagne. Les dirigeants européens ou espagnols n'ont rien vu venir, et n'ont pas su juguler la bulle. Le pays était même pris comme exemple à suivre, c'est un comble, par des responsables politiques français de "droite" comme de "gauche", aveuglés par leurs certitudes européistes. Aujourd’hui, au marasme économique péninsulaire s’ajoute l’abjection d’une classe politique espagnole véreuse.
L'Italie, pays riche jadis, est en phase d'effondrement économique. La dévaluation compétitive, arme historique inscrite dans les gènes transalpins n'est plus possible. Des entreprises, petites et grandes ferment chaque jour. Les jeunes les mieux formés émigrent. Une nation surendettée, menée par une caste politique incompétente et sans imagination se meurt. Les beaux succès électoraux d’un Bepe Grillo est la seule note d’espoir, mais le mouvement de ce dernier, formé de citoyens peu habitués à la chose publique s’est cantonné de nombreux mois à l’inaction alors qu’il dispose d’un grand nombre de députés et de sénateurs au parlement national et qu’il devait engager le débat sur l’opportunité de la poursuite de la monnaie unique.
En France, où la décomposition économique est moins avancée, on attend un miracle. On espère une reprise. Mais même si cette dernière advenait, elle résulterait d'une meilleure conjoncture internationale (peu probable) et n'inverserait nullement le mouvement de désindustrialisation de notre pays. Le chômage augmente inexorablement, la précarité et la pauvreté explosent. Quel magnifique bilan pour un gouvernement socialiste (et les gouvernements de droite ou de gauche qui l’ont précédé) !
L'Allemagne enfin est également victime de la mise en place de l'Euro. Montrée du doigt par les uns, singée par les autres, elle se demande par quel moyen elle parviendra à quitter ce navire à la dérive. Elle participe au « sauvetage » des pays qu'elle contribue malgré elle à couler. Pour répondre à son problème démographique, elle exporte plus qu’elle n’importe. C’est une mauvaise politique : un suicide démographique doublé d’un piètre calcul financier.
Les diversités culturelles, géographiques sociologiques de l'Europe n’en font pas une « zone monétaire optimale ». Et c’est le mécanisme même de la monnaie unique qui est mauvais. Ce n'est pas un jeu à somme nulle, c'est bien pire : c'est une création perverse qui accentue les déséquilibres. Une sorte de jeu qui ne fera in fine que des perdants. L'économie allemande est très excédentaire et accumule des euros, créances sur des économies périphériques en plein délitement. Une relance par la demande au niveau européen ne ferait repartir que l'Allemagne ; un "QE" à l'européenne gonflerait un peu plus la bulle immobilière en France mais ne résoudrait nullement les déséquilibres dans les échanges continentaux.
Si l’on continue avec la monnaie unique il faut mettre en place des droits de douanes intra européens pour rééquilibrer les échanges. Parallèlement, les pays doivent faire un défaut (partiel) sur leur dette car celle-ci n'est plus remboursable. Ce défaut serait accompagné d'une faillite bancaire générale et nécessiterait une remise à plat douloureuse des dépôts. Chaque banque serait nationalisée, assainie, et rendue aux malheureux déposants sous forme de nouvelles actions. Pour veiller au caractère équitable des faillites, il serait nécessaire de faire payer chaque citoyen en fonction de son patrimoine et non de ses avoirs bancaires. Mais on sent bien que cette solution est contradictoire avec l’idée de monnaie unique.
Et finalement la solution la plus simple reste de faire éclater la zone euro. Par le jeu des dévaluations, de l'inflation ou des droits de douane (éventuellement provisoires) chaque pays retrouverait sa compétitivité et pourrait mettre en place des politiques spécifiques (relance de la natalité en Allemagne, combat de la rente immobilière en France, etc). L’heure n’est plus au dogmatisme ni au « libre » échange mais à la recherche de solutions pratiques qui permettent à tous de retrouver un certain équilibre et même la croissance.
L’éclatement de la zone Euro provoquera un choc violent et un appauvrissement général immédiat, c’est indéniable. Mais son maintien nous condamne à court terme à la désindustrialisation et à moyen et long terme au sous-développement et à la disparition non seulement de la démocratie (c’est déjà le cas) mais aussi de tous les systèmes sociaux mis en place dans le temps (santé, école, retraite etc.). Il est temps de dire non ; nous pouvons inverser la tendance si nous changeons nos gouvernants ou si nous faisons pression sur nos élus en place pour permettre à la population de se prononcer sur la poursuite ou non d’une expérience objectivement désastreuse. Mais la réponse est déjà dans la question. Voilà pourquoi on craint tant de nous la poser.
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