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Intelligence territoriale : le renouveau de la politique industrielle ?

Communément désignée par « intelligence territoriale », l’intelligence économique fait des émules parmi des décideurs locaux, de plus en plus nombreux à rechercher un levier non budgétaire favorisant le développement économique de leur territoire. Consistant à mettre en œuvre les principes de l’intelligence économique à l’échelle des milieux d’affaires locaux, l’intelligence territoriale est devenue un instrument incontournable de management territorial. Le premier ouvrage de référence sur la question vient de paraître : Ludovic François (professeur à HEC) a dirigé différentes contributions visant à explorer comment la maîtrise de l’information stratégique sur un territoire peut servir de levier à la croissance.

Dans son ouvrage paru en 1993, L’avantage concurrentiel des nations, l’économiste Michaël Porter proposait une conception de la création de valeur fondée sur les ressources territoriales : « Même si nous devons penser en termes de concurrence mondiale, les sources de l’avantage concurrentiel des nations se trouvent avant tout au niveau local. Des facteurs universels comme les capitaux, les matières premières et même le savoir sont extrêmement mobiles, et les entreprises peuvent avoir recours à une main d’oeuvre bon marché. Ce qui n’est pas mobile, en revanche, c’est la concentration dans une région de savoir-faire, de technologies appliquées, de firmes, de fournisseurs et d’institutions hautement spécialisées et interconnectées, représentant une masse critique suffisante pour pousser à l’innovation et à la réussite ». En d’autres termes, l’organisation économique d’un territoire constitue l’un des socles majeurs des politiques d’attractivité territoriale.
 
Mais l’organisation économique d’un territoire n’est pas qu’un facteur d’attractivité. Pour Ludovic François [1], « le concept d’intelligence territoriale apparaît comme résolument moderne et va au-delà des dynamiques de « clusters » (Ndlr : ou « districts industriels »). Fondé sur la démarche de l’intelligence économique, il introduit des dynamiques réticulaires qui intègrent à la fois une circulation fluidifiée de l’information, mais aussi des actions offensives de conquête de marché, dont la finalité est évidemment la compétitivité d’un territoire donné ». Procurer un soutien stratégique à la sphère économique demeure le meilleur moyen de viabiliser, puis de pérenniser l’activité économique régionale, et par conséquent d’y ancrer durablement l’emploi qualifié.
 
Reprenons l’exemple des pôles de compétitivité. Si l’on se réfère à la définition en trois points qu’en donne le CIADT (Comité Interministériel pour l’Aménagement et le Développement du Territoire), on y perçoit clairement le caractère incontournable de la maîtrise de l’information stratégique :
- le pôle est une démarche partenariale. De ce fait, il légitime et encourage le maillage réticulaire de l’environnement industriel local, propice à une gestion collaborative de l’information stratégique (par la mise en place d’une cellule de veille technologique, dans la plupart des cas) ;
- le caractère éminemment innovant de l’activité des pôles, à même de procurer aux entreprises qui s’y trouvent un avantage concurrentiel indiscutable, implique une protection accrue du patrimoine scientifique et technique à l’encontre d’éventuelles convoitises (espionnage économique ou industriel, violations des droits de propriété intellectuelle et contrefaçon...) ;
- La visibilité internationale des pôles, enfin, sous-tend un potentiel de valorisation de leur image. C’est à se stade également que les décideurs locaux jouissent d’un effet de levier considérable en matière d’attractivité, par l’intermédiaire du marketing territorial.
 
 
Si l’on cherche à résumer l’intérêt réciproque qu’ont les collectivités territoriales et les entreprises de s’engager dans une démarche d’intelligence économique conjointe, on pourra citer les quelques points suivants.
 
Du point de vue des territoires, on peut escompter :
- De nombreuses créations d’emplois qualifiés sur site, grâce à une plus grande attractivité du milieu d’affaires promu ;
- Une meilleure adéquation des politiques de développement local à la conjoncture, grâce à la détention d’informations pertinentes sur le contexte industriel et macroéconomique ;
- Une meilleure anticipation des risques socio-économiques, grâce à la connaissance des variables internationales, des stratégies mises en place par les territoires concurrents (fiscalité par exemple), et du « risque systémique » (c’est-à-dire des facteurs susceptibles d’impacter indirectement la pérennité du territoire) ;
- La détection de nouvelles opportunités de création de valeur, par la connaissance des attentes des acteurs internationaux (comme par exemple, en matière d’aménagement du territoire, les nouvelles tendances du tourisme d’affaires) ;
- Une parfaite maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication, en vue de les utiliser à des fins d’influence.
 
Au niveau des entreprises, l’intelligence économique procure :
- La détention d’une information sectorielle de pointe, utile à leur positionnement concurrentiel ;
- Une meilleure connaissance des risques de marché, des tendances de la demande, et la découverte d’opportunités d’affaires ou de partenariats technologiques ;
- Une meilleure protection de l’information sensible, de leur savoir-faire, et de leur patrimoine scientifique et technique ;
- Une plus grande maîtrise des nouvelles formes de risque, devenues courantes : risque de réputation et atteintes à l’image, opérations financières hostiles, agressions informatiques, lobbying…
 
On peut alors conclure ce tour d’horizon de l’intelligence territoriale, en la résumant ainsi : déclinée à l’échelle territoriale, sa finalité est de permettre aux territoires de promouvoir efficacement l’accueil des investissements directs étrangers, tout en soutenant les entreprises locales pour les positionner sur la scène économique internationale. L’ouvrage collectif dirigé par Ludovic François semble d’ailleurs caractériser l’intelligence territoriale comme une politique industrielle en ce qu’elle constitue un levier de l’activité économique, grâce à une démarche articulée autour de l’information stratégique et de l’influence. Notons enfin que l’intelligence économique confère un rapport coût/efficacité très avantageux pour la collectivité, puisqu’elle repose essentiellement sur un travail de surveillance, d’organisation, et de communication.

Note [1] : Ludovic François est une personnalité incontournable de l’intelligence économique. Professeur à HEC, il a été membre de la commission nationale consultative qui a rédigé le référentiel de formation à l’intelligence économique ( http://www.intelligence-economique.gouv.fr/IMG/pdf/referentiel_IE_numerote.pdf )pour les services du Haut Responsable pour l’Intelligence Economique des services du Premier Ministre.
 
Références :
 
Intelligence territoriale : l’intelligence économique appliquée au territoire, sous la direction de Ludovic François, éditions Lavoisier, Décembre 2008
 
http://ludovic-francois.fr.nf
 
http://www.intelligence-economique.gouv.fr/


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8 réactions à cet article    


  • plancherDesVaches 26 février 2009 16:38

    Aïe aïe aïe...
    Vous mélez intelligence et économie... ?
    Vous n’êtes pas sorti de l’auberge.
    L’intelligence consiste à éventuellement, ne pas tuer la poule aux oeufs d’or. Ce que vient de faire l’économie dans toute sa rapacitude.

    Et en allant sur le dernier lien : "L’intelligence économique et la Gendarmerie Nationale"................. smiley smiley smiley smiley

    C’est un service PUBLIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIC. Il se doivent d’être intelligents, mais pas dans l’économiiiiiiiiiiiiiie. C’est NOUS qui les payons.......

    Bon, soyons fou : vous voulez vendre quoi, exactement ?


    • plancherDesVaches 27 février 2009 11:14

      Bon, j’avais eu une réaction épidermique, je complète par une réaction d’expérience.

      En entreprise, et j’ai travaillé trés tôt en étant trés proche de cette fonction, existe le contrôle de gestion.
      Ceci est pour la partie interne et permet de détailler les coûts et la rentabilité des composantes de l’entreprise. 
      Vous prenez une partie de l’entreprise, vous détaillez les coûts salariaux, d’entretien des machines, d’électricité, chauffage, consommation matière, assurance et de locaux au prorata du reste de l’entreprise,...
      En face, vous déterminez la valeur de ce que produit cette partie, et vous pouvez en déterminer la rentabilité.
      Ceci est indispensable à un décideur pour s’appuyer sur des données FIABLES plutôt que des impressions style : on fait en interne, car on ne paie pas un sous-traitant et donc : ça ne coûte rien. C’est évidemment faux, mais... ça dépend que la qualité du travail du sous-traitant... Et là, parfois, vaut mieux le faire soi-même.
      Rien à voir avec la comptabilité, qui globalise les dépenses et les recettes, et ne sait pas ce qui coûte ou rapporte réellement. J’ai pas dit non plus qu’ils ne servaient à rien, simplement, c’est pas le même objectif.

      En externe, existe le Knowledge management. (en anglais, ça fait plus branché, et j’avoue ne pas connaître le terme français.)
      Cela rassemble : les produits des concurrents autant en prix qu’en avancées et différences de technologie, les avancées technologiques des fournisseurs possibles, les demandes du marché et leur anticipation,...
      Moins fiable que le contrôle de gestion, cela permet d’avoir quand-même une vue d’ensemble assez précise.

      Revenons au sujet : si, dans les organismes public, existait déjà simplement le contrôle de gestion, ça, se serait de l’intelligence.


    • ddacoudre ddacoudre 26 février 2009 18:27

      bonjour stéphane

      plancher des vaches m’a coupé l’herbe sous les pieds, en lisant ton article je pensais aussi à cela. j’en ai rencontré des milliers d’intelligences économiques, j’étais même là quand le chef du personnel ne fut plus autorisé a licencier du personnel car dorénavant l’on licencierai une ressource humaine, et leur employeur avaient tous leur intelligence économique au niveau du portefeuille.

      cela ne retire rien à la justese de ce que tu évoques dans ton article qui existe depuis des lustres sous d’autres terme et dont des sociétés en ont fait leur activités.

      JL dirait une novlangue de plus. tu sais bien tous les artifices que permet l’amalgames des mots, nous en sommes devenus des utilisateurs assidus pour n’innover que dans le vocabulaire, cela a commencé quand les femmes de ménages sont devenus techniciennes de surface, et cette vague d’illusions à la recherche de faire valoir n’arrête pas.

      ainsi j’ai bien connu toutes les nouveautés qui devaient apporter le plein emploi puisque je siégais à la commission nationale pour l’emploi, piêtre résultat quand au bout de toutes ces nouveautés conceptuelles pour attrape nigauds l’on en est arrivé là où nous en sommes.

      bon article quand même.

      cordialement.

      si


      • Marc Bruxman 26 février 2009 19:49

        Mwais... Enfin les poles de compétitivité, on pourrait faire un article complet dessus. Et ce ne serait pas glorieux niveau gaspillage d’argent. Et c’est avant tout de cela qu’il s’agit : claquer de la thune pour créer des emplois chers en espérant créer quelques emplois indirects bas de gamme. 

        Pour l’attractivité, elle ne se crée que difficilement. Il y a des endroits qui sont désirables pour y vivre et d’autres non. L’ile de France ou la région de Rennes font partie des endroits désirables et il est possible d’y attirer du savoir faire. 

        Essayez par contre d’attirer des travailleurs high tech à Vichy et vous verrez le problème ;) Maintenant chaque région a son entreprise high tech a montrer en exemple, mais il y a des endroits avec un vrai écosystème et d’autres non. 

        Une des raisons pour lesquels j’ai souvent refusé d’aller vivre en province c’est que je sais en IdF qu’en cas de licenciement ou si mon entreprise ne me plait pas je peux retrouver facilement un travail. Or il y a plus d’une ville française (y compris grande) ou ce n’est pas évident dans mon secteur. 


        • Login 27 février 2009 08:41

           Je pense à la sagesse des foules versus l’intelligence des foules. Quand l’intelligence economique
           aura su mettre en place une logique qui fait appel à la sagesse des foules ,peut etre que nous verrons
           des choses concretes...

           
           
           


          • Jean-Louis 28 février 2009 22:35

            L’intelligence économique a été inventée par ceux qui ne comprennent rien à l’économie, mais qui tournent autour comme la mouche du coche. Lorsqu’ils se sont rendus compte que l’association de ces deux mots faisaient rire, ils se sont mis à parler d’intelligence territoriale. Il y a dans les territoires, les nouvelles intercommunalités notamment, des gogos et de l’argent à dépenser sur l’illusion que la mouche du coche apportera un plus dans un territoire par rapport à un autre, où prospèrent les mêmes mouches.

            Alors que les pôles de compétitivité sont une OPA institutionnelle sur ce qui se fait de bien dans les entreprises, cette intelligence économique, ou territoriale, ne fait qu’ajouter quelques ronds de fumée.

            Votre exposé théorique est loin de l’économie réelle, de ses dynamiques et des ressorts de ces dynamiques. Mais il y a dans certains territoires, des techniciens et des élus qui savent ce qu’on peut faire.


            • bluelargo 2 mars 2009 11:24

              Messieurs,

              Je vous l’accorde, le terme Intelligence Economique est mal choisi. Qu’on indique qu’il vient de l’anglais (intelligence = renseignement) ou du latin (intelligencia = faculté de comprendre), ou d’une autre langue, ce terme est en tout cas très mal perçu en France lorsqu’il est associé à l’économie.

              Cette appellation a malheureusement était adoptée et choisie par l’état (et certains professionnels) pour définir l’ensemble des méthodes visant à acquérir ou protéger légalement l’information stratégique et il faudra bien faire avec.

              Car qu’on le veuille ou non, cette méthode (puisque c’est bien d’une méthode dont il s’agit) est une absolue nécessité pour les entreprises et les territoires !

              Pas une entreprise, pas une institution, pas un territoire ne peut se passer d’être informé en temps réel de son environnement concurrentiel, commercial, réglementaire, technologique, etc. 

              C’est déjà le cas me direz-vous ? Bien moins qu’on ne le croit, et pour ceux qui le font, de manière superficielle lorsqu’on compare au niveau de maturité des entreprises allemandes, japonaises, anglaises ou américaines en la matière ...

              Il convient donc de faire fi de ce terme d’Intelligence Economique qui dessert une profession plus qu’il ne le sert, mais en revanche de réellement prendre conscience des nécessités de mettre en place des procédures adaptés au développement des entreprises et territoires français en utilisant au mieux les informations stratégiques.

              Les poles de compétitivité sont une première étape. Espérons qu’ils seront efficaces.


              • Aurélien Gaucherand intellitoria 5 juin 2009 11:22

                Que de sarcasmes ! Problème éternel de la discipline naissante de l’intelligence économique qui aujourd’hui encore est assimilée à l’espionnage industriel. D’un point de vue opérationnel, l’intelligence économique vise à une meilleure collecte et circulation de l’information au sein de l’entreprise. Comment alors définir l’intelligence territoriale ?
                Votre article suggère qu’il s’agit essentiellement des actions menées par les pôles de compétitivité au service d’entreprises d’un même secteur. c’est une approche, et c’est celle qui est retenue par l’Etat.

                Je me permets de compléter : il s’agit d’appliquer les méthode et outils de la circulation de l’information utile aux acteurs du territoire : SI les entreprises sont effectivement un client de ces démarches, il importe de prendre en compte les collectivités et plus généralement les acteurs publics, ainsi que la société civile regroupée en communautés d’intérêts sous formes d’associations.

                Une nouvelle dimension de l’intelligence territoriale apparaît ainsi : Celle de la promotion du territoire pour y attirer les populations, les investissements, les étudiants, les touristes, les retraités ... Ou encore la mise en oeuvre de dispositifs numériques « 2.0 » permettant d’accélérer les échanges et les rencontres entre les citoyens du territoire. L’objectif n’est alors plus le développement économique local, mais bien la cohésion sociale et les vies communautaires...

                L’intelligence territoriale n’est finalement qu’un concept, une idée. Elle ne trouve d’existence qu’ à travers les projets concrets.

                Pour ce qui est du concept, vous pouvez voir le cours sur le sujet que j’ai mis en ligne.

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