La crise de la dette expliquée aux nuls
De la crise des subprime à la crise grecque il n’y a qu’un pas. Un pas qui rend les Etats pessimistes sur notre avenir économique. Si l’on sait qu’il y a une crise de l’euro, une crise de la dette, une crise grecque, que sait-on des véritables causes de ces crises ? Comprendre les crises, c’est dépasser les polémiques, les petites phrases et les discours politiques pour cerner le lien qu’il existe entre la crise de 2008 et celle d’aujourd’hui. Décryptage.
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La crise ! La crise se trouve partout. Nous la lisons dans les journaux du matin. Nous la regardons en prime time sur les grandes chaines nationales. Nous l’entendons à la radio entre deux chansons à succès. Plus, nous lui avons offert une place dans notre langage courant. Seulement, pour l’opinion publique, la crise n’est qu’une simple incarnation politico-économique des erreurs de nos dirigeants. En effet, peu pourraient en expliquer les tenants et les aboutissants.
La majorité des médias semblent s’évertuer à ne pas la rendre accessible, compréhensible par le plus grand nombre. Pour bien pouvoir appréhender le sujet, il faut commencer par opérer une distinction entre les crises. Si le terme de « crise » est générique et englobe toutes les variantes d’une économie défaillante. Il convient de comprendre qu’il n’existe pas une crise mais plusieurs et qu’elles sont interdépendantes. Une crise qui débute à l’autre bout du monde. Et qui peut avoir des conséquences désastreuses chez nous.
D’abord, la crise des subprime
Au commencement, il y a les Etats-Unis. En 2007, les revenus des foyers américains stagnent. Les plus faibles d’entre eux éprouvent alors des difficultés à rembourser leur prêt immobilier. Un problème apparaît. Beaucoup de ménages américains ne remplissent pas les conditions pour prétendre aux taux préférentiels (les « Prime Rate ») et doivent ainsi se rabattre sur des taux d’intérêts moins avantageux (les « Subprime »).
Le surendettement encouragé
Cet endettement des citoyens américains peut s’appuyer sur les faibles taux d’intérêt que pratique depuis 2001 la Banque Centrale Américaine (la « FED », diminutif de federal reserve en anglais). On autorise donc, de façon très régulière, les emprunteurs à se sur-endetter.
Comment cela est-il possible ? Les banques assurent leurs prêts dits « Subprime » en hypothéquant le bien immobilier de l’emprunteur qu’il sert à financer. Les établissements banquiers ont cru que la valeur foncière ne pouvait qu’augmenter. Cette augmentation constante leur aurait permis de se rembourser et de réaliser des bénéfices, grâce à l’hypothèque. C’est ce que l’on appelle spéculer. Seulement, cette valeur n’a pas connu qu’une course ascendante, elle a déprécié. Cette dépréciation crée un vent de panique financier généralisé. Or, à l’heure où tous les marchés financiers du monde sont connectés, la peur s’est propagée et a déclenché la crise des subprime.
Ce qui n’est qu’une crise américaine s’étend au monde entier.
Pour saisir ce qui a permis une telle propagation, il faut prendre en compte une seconde notion : la titrisation.
C’est-à-dire la transformation d’une créance en un titre boursier que l’on peut revendre sur les marchés financiers. Cette titrisation a été opérée sur les crédits immobiliers qui se sont révélés insolvables suite à la décote de la valeur immobilière. Ces titres par l’effet des jeux boursiers s’éparpillent à travers le monde. Les banques cessent, dès lors, d’accorder des crédits. L’économie mondiale s’asphyxie.
Interviennent alors, les gouvernements pour essayer d’endiguer le phénomène. Les différents Etats ont recours à une politique particulière : ne pas mettre sous tutelle publique l’ensemble d’un secteur financier effondré.
En revanche, ils décident de réinjecter de l’argent dans les différentes banques avant que celles-ci ne s’effondrent. Un effondrement qui aurait eu un effet dévastateur puisqu’il concerne plusieurs grandes banques mondiales et ce, simultanément. Des plans de sauvetages gigantesques voient le jour :
- pour la France, on parle de quelques 22 milliards d’euros
- aux Etats-Unis, le plan n’est sans commune mesure puisqu’il s’agit d’une enveloppe de 750 milliards de dollars
- l’Espagne propose un plan de relance de 20 milliards d’euros
- du côté de Berlin, c’est 60 milliards d’euros qui ont été débloqués.
L’argent n’a pas uniquement servi à maintenir les banques à flot.
Toute l’économie de marché est sur le point de rompre
En 2008, General Motors n’est pas épargné par les difficultés du marché. La Maison Blanche décide de prêter près de 5 milliards de dollars à la compagnie pour sauver environ 4 millions d’emplois directs ou indirects.
Les banques vont proposer des crédits à taux quasiment nuls pour tenter de relancer l’économie de marché. En additionnant l’argent public dépensé, les bourses remontent et les affaires reprennent leur cours. Cependant, les sommes investies pour faire repartir le marché ont pour effet de faire grossir les dettes publiques des Etats.
Comme l’explique Pascal Canfin, député européen d’Europe Ecologie-les Verts et membre de la commission des affaires économiques, dans un entretien au Nouvel Obs :
« Les Etats ont augmenté leur dette de 20 points de PIB depuis 2008. […] ils ont été obligés de relancer l’économie pour éviter un effondrement causé par les excès de la finance ».
Selon le Fond Monétaire International (le FMI), la dette publique des dix pays les plus riches de la planète devrait passer de 78% en 2007 à 114% en 2014. C’est ainsi que l’on passe de la crise des subprime à la crise de la dette souveraine grecque.
La crise de la dette souveraine grecque
Paradoxalement, la Grèce était un des pays de l’Eurozone qui connaissait une grande croissance pendant la dernière décennie. Entre 2000 et 2007 - début de la crise des subprime- elle a enregistré une hausse annuelle du PIB de 4,2 %. Cependant, la crise de sa dette était prévisible depuis longtemps. Les différents gouvernements se contentant alors de fermer les yeux. La Grèce vit depuis plus de 30 ans avec des dépenses publiques exorbitantes. Georges Papandréou, actuel premier ministre, mène sa campagne électorale avec pour slogan « il y a de l’argent ». Le parti de droite au pouvoir, préfère maquiller ses comptes plutôt que de prôner une quelconque politique de rigueur ou anti-fraude.
Le pays, avec ses dépenses majestueuses, doit en effet faire face à un autre problème : la fraude fiscale. Un manque à gagner considérable pour la Grèce. Selon Georges Papaconstantinou, ministre des finances grec de 2009 à 2011, le coût pour l’Etat est de « 10 à 15 milliards d’euros par an ». Le système d’imposition se révèle très inégalitaire. Alors que les fonctionnaires sont ponctionnés à la source, c’est-à-dire avant distribution de leur salaire ; d’autres comme les professions libérales ne déclarent pas l’ensemble de leurs revenus et échappent donc à la taxation.
Les différents gouvernements font des choix politiques étonnants : le budget de l’armée est le plus important d ‘Europe (4,5% du PIB). Le statut protégé de l’Eglise Orthodoxe froisse la population. L’Eglise ne paye aucun impôt alors qu’elle jouit d’un patrimoine foncier et immobilier de plus de 700 milliards d’euros.
Pour emprunter et diminuer les déficits, on baisse les salaires
Pour payer sa dette, la Grèce doit emprunter. Un emprunt ne peut être fait uniquement si les déficits publics sont réduits. Pour se faire, une seule solution : diminuer les dépenses. Seulement diminuer les dépenses signifie abaisser les salaires d’un nombre important de fonctionnaires par rapport à l’ensemble de la population active (800 000 sur 5 millions), les prestations sociales … Couplées à des plans de rigueur, ces mesures n’ont d’autres conséquences que d’appauvrir les ménages et accroître la précarité.
L’Europe se voit alors obligée d’intervenir avec un sommet dont résultera un premier plan d’aide en mars. Celui-ci vise la Grèce, donc, mais aussi le Portugal et l’Irlande. Le Fond Européen de Stabilité Financière (FESF) est né et doté d’un portefeuille de 440 milliards d’euro. Cela n’empêche pas une diminution de la notation grecque par l’agence de notation Standard & Poor’s*.
De ce fait, les conditions d’emprunt sont désormais quasiment insoutenables pour la Grèce. En Juillet, ne voyant aucune amélioration du côté grec, de nouvelles mesures sont prises. Les banques européennes, détentrices de la dette publique grecque, acceptent d’en effacer une partie, à hauteur de 21%. Encore insuffisant ! Les chefs d’Etat et de gouvernement européen se réunissent donc pour la troisième fois de l’année.
Après plusieurs jours de négociation, le mercredi 26 octobre, un nouveau plan d’aide à la Grèce est décidé. Une recapitalisation de plusieurs banques européennes a été acceptée, à hauteur de 106 milliards d’euros.
Enfin, les Etats ont décidé une décote de la dette grecque de 50% soit une diminution de 100 milliards. Une dette détenue notamment par les banques grecques qui sont créancières de leur Etat. Ruinées, elles devront être renflouées grâce aux sommes débloquées. Les banques françaises, elles, s’en sortent mieux puisqu’elles perdront l’équivalent de 4 milliards d’euros, soit un unique semestre de bénéfices. Elles auront besoin de se resserrer la ceinture, sans que l’Etat intervienne, mais en supprimant probablement certains emplois.
La dette souveraine de la Grèce devrait être ramenée à 120% de son produit intérieur brut, soit un niveau supportable.
Pour l’avenir
L’Europe entrevoit-elle enfin une sortie de crise ? Rien n’est moins sûr ! Dorénavant, c’est l’Italie qui doit être surveillée. En effet, sa situation inquiète avec une dette de 1900 milliards d’euros, c’est à dire 120% de son PIB. Silvio Berlusconi, président du conseil italien, a été prié pendant la durée du troisième sommet d’établir un calendrier précis de réformes qui lui permettrait de réduire la dette du pays. Des mesures qui serviraient de préambule à une intervention financière du FESF.
Un problème persiste néanmoins. Il s’agit de savoir si ce Fond Européen a la capacité d’intervenir. Ses 440 milliards de dotation originale se trouvent déjà bien entamés par les divers plans successifs, à savoir l’Irlande, le Portugal et surtout la Grèce. Or, le FESF est le sujet d’un débat entre l’Allemagne, bonne élève fatiguée de devoir payer pour les autres, et la France, apeurée par le fort risque de contagion. Doit-il être renforcé de près de quelques 1000 milliards d’euros. Doit-il emprunter de l’argent à la Banque Centrale Européenne (BCE) pour être en mesure de racheter les dettes de pays en difficulté ? Ce bras de fer est sans doute une des clés de l’avenir économique européen.
Enfin, une question fondamentale reste en suspend. Les peuples accepteront-t-ils de subir ces politiques économiques, sans rien dire ?
Xavier Rasmusen-Reggiani
*(Les agences de notations, telles que Standard & Poor’s ou encore Moody’s, sont des agences indépendantes des Etats et qui contrôlent la capacité de ces derniers à rembourser leur dette publique. Plusieurs critères permettent de distribuer une note qui va du AAA (la meilleure) au d (le pire des cas). Cela permet une information des actuels et futurs créanciers d’un Etat. Cette note régule également les taux auxquels un Etat pourra emprunter de l’argent sur les marchés publics ou encore les taux auxquels devront être remboursés les intérêts des dettes publiques. )
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