La croissance pour les béotiens !
Le terme de croissance est au cœur de nombreuses préoccupations. Quelles soient celles de nos politiques, de plusieurs commissions ad hoc ou simplement celles du citoyen lambda. Pas un jour sans des nouvelles d’elle en provenance du FMI, de l’OCDE, d’Eurostat ou bien d’un membre du gouvernement qui veut nous redire toute sa confiance en elle. Pour la planète elle sera de 5 % en 2007. De 2,8 % pour l’UE27, 2,6 % pour UE13, 2,6 % pour l’Allemagne et de seulement 1,9 % pour la France. Pourquoi tant d’égard vis-à-vis de ce terme que le Club de Rome, au milieu des années 70, souhaitait pourtant proche de 0 % ?
C’est simple, la croissance est le moteur de toute économie. D’où son importance capitale !
Pour un pays, la croissance exprime l’augmentation en volume de sa production. Mais, il ne s’agit pas pour autant d’additionner simplement toutes ces augmentations de productions, car certaines productions sont utilisées par d’autres entreprises pour produire leur propre production. La croissance sera donc mesurée, d’une période calendaire sur une autre, par la variation de tout ce que les entreprises résidentes ont produit, c’est leur production (P), moins tout ce qu’elles ont acheté à d’autres entreprises, en termes de biens et services, c’est leur consommation intermédiaire (CI), puis transformé pour obtenir leur propre production. Cette différence entre P et CI, prise entreprise par entreprise, est nommée par la comptabilité nationale, la valeur ajoutée. Au niveau d’un pays, la somme des valeurs ajoutées de toutes les entreprises est appelée le PIB (produit intérieur brut), aux taxes et subventions près.
La croissance exprime donc la variation du PIB d’une période par rapport au PIB de la période antérieure.
Pour mieux comprendre ce mécanisme, notamment celui de la valeur ajoutée qui est à la base du PIB, prenons l’exemple simplifié d’une entreprise de boulangerie :
Un boulanger achète pour 100 de farine et pour 18 de sel, d’eau et levure. C’est sa consommation intermédiaire (CI). Il malaxe le tout en y ajoutant intelligence, savoir-faire et amour, de son métier. Laisse reposer. Met au four. Puis, vend le tout sous forme de pain, pour 318. C’est sa production (P). La valeur ajoutée de cette boulangerie sera de : 318 - 100 - 18 soit 200. Ces 200 représentent la richesse créée par cette entreprise. En termes de comptabilité nationale on a bien : PIB boulangerie = VA = P - CI = 200. La valeur ajoutée est donc bien le "plus" que ce boulanger a su créer et ajouter aux produits de base qu’il a achetés pour pouvoir faire sa production de pain. La croissance de son entreprise sera dépendante du développement de sa production (P) et de la maîtrise de sa consommation intermédiaire (CI). Le tout, lié au fait qu’il vendra sa production en ayant su répondre précisément aux besoins de sa clientèle en termes de qualité, de quantité, de prix et d’accueil. Plus cette entreprise vendra, plus elle devra produire et plus elle devra embaucher et/ou faire des gains de productivité.
Cet exemple montre que la croissance est bien l’affaire des entreprises.
Les entreprises ont à produire ce qui répond aux besoins du marché. Dans l’exemple ci-dessus, la demande de pain existe bien mais, la croissance de ladite boulangerie repose uniquement sur le fait qu’elle saura répondre parfaitement et durablement aux besoins de sa clientèle. A elle de faire en sorte que les besoins de sa clientèle augmentent et que sa zone de chalandise progresse.
La production, par son adéquation aux besoins du marché, va stimuler la demande, donc la croissance et, in fine, la création d’emplois, le versement de nouveaux salaires, le développement d’une nouvelle demande et aussi... des rentrées fiscales pour l’Etat, les organismes sociaux, facilitant ainsi leur gestion budgétaire.
La croissance appelle donc la croissance. Encore faut-il que la confiance des entrepreneurs et des consommateurs ne soit pas perturbée par une succession de mauvaises nouvelles. D’où l’utilisation de la méthode "Coué" par de nombreux gouvernements.
Cependant, contrairement à l’idée reçue, la demande ne fait pas toujours le bonheur de la croissance d’un pays. En face d’une demande il faut obligatoirement une offre de biens et services domestiques - c’est-à-dire produite sur le territoire du pays - qui y corresponde. Dans le cas contraire, la demande ne s’annulera pas. Elle se portera sur des biens et services produits à l’étranger, favorisant ainsi la croissance des autres pays.
De tout façons dirait M. de Lapalisse, il faut quand même favoriser la croissance ! Oui, mais comment ?
1° - Par la relance ?
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Faut-il diminuer les impôts du plus grand nombre tout en défiscalisant les heures sup pour relancer la demande ? Non, sûrement pas. Car pour 1 000 ou 1 500 euros gagnés par le contribuable, la nouvelle demande aura forte chance de se placer sur les produits comme les écrans plats, les ordinateurs personnels, la hi-fi, la photo ou tout autre produit fabriqué en Chine, au Japon, en Corée, en Turquie, au Maghreb...
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Faut-il diminuer les charges des entreprises, notamment via la TVA sociale (voir notre article du 19 juin 2007), pour qu’elles puissent diminuer leurs prix ? Attention, une diminution des charges n’a jamais été suivie d’une baisse corrélative des prix. Les entreprises en profitent souvent pour reconstituer leurs marges.
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Faut-il faire du keynésianisme ? Une relance de ce type aurait de grandes chances de favoriser les croissances des pays asiatiques (cf. supra).
Mais que diable, pourquoi beaucoup d’autres pays font mieux que nous en termes de croissance ?
2° - Faudrait-il stimuler la croissance par une offre plus adaptée à nos besoins ?
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On peut peut-être se poser la question suivante : faut-il fabriquer des produits qui plaisent à ceux qui les produisent - cela étant bien français - ou faut-il plutôt en fabriquer qui plaisent au plus grand nombre d’acheteurs potentiels ? La France serait-elle condamnée à produire du "gros" pour l’exportation, tel que du nucléaire, de l’aéronautique, du ferroviaire... et ne pas être à même de fabriquer du "moyen" et du "petit" qui conviennent à la majorité d’entre nous, que l’on soit obligé de l’importer ?
Pourtant, la demande est là. Avec ses hauts et ses bas, bien sûr. Nos entreprises doivent absolument œuvrer pour avoir une offre à même d’accroître le taux de capture de notre demande domestique. Pour cela elles doivent investir, plus qu’elles ne le font, dans les études de marchés et dans la prospective.
Beaucoup des produits de consommation courante qui seront consommés les prochaines années n’existent pas encore. Quelle part nos entreprises grandes, moyennes et petites pensent prendre dans la production de ceux-ci ?
L’avenir de la croissance française passe par une réponse satisfaisante à ces questions relatives à la pertinence de nos offres. C’est aussi là-dessus que le pays attend la commission Sarkozy-Attali. Cela est trop important pour qu’on la laisse accoucher, comme beaucoup de ses consœurs, d’une souris.
Rappelons-lui que la croissance est aussi et, peut-être d’abord, une affaire d’adéquation de l’offre, c’est-à-dire de la production, à la demande et non l’inverse !
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