La hausse des prélèvements peut augmenter les revenus nets
Contrairement aux idées reçues, la hausse des prélèvements peut augmenter les revenus nets.
Que la justice sociale s’épanouisse avec les prélèvements n’est pas une surprise. Par contre, que la croissance des prélèvements n’empêche pas la progression des revenus disponibles est plus étrange. Plus la puissance publique prélève, plus le peuple dispose d’argent. Il y a là une sorte de contradiction, un mystère qui s’explique facilement par la résolution du petit problème mathématique ci-dessous.
Situation 1 :
Un individu reçoit un gâteau dont on lui prélève un certain pourcentage. Il lui reste une certaine quantité de gâteau disponible.
Situation 2 :
Au même individu, on donne un gâteau plus gros mais on augmente le pourcentage de prélèvement. De combien peut-on augmenter le taux de prélèvement pour que sa quantité de gâteau disponible ne diminue pas mais même augmente par rapport à la situation 1 ?
Si T est le pourcentage initial de gâteau prélevé, DT la variation de ce pourcentage et E le taux de croissance du gâteau, un calcul simple prouve que si
la quantité de gâteau disponible et le pourcentage de prélèvement peuvent augmenter ensemble.
D’un point de vu macroéconomique, si E représente le taux de croissance du PIB et T le taux de prélèvement, on peut affirmer que :
tant que cette inéquation liant ce taux et la croissance est vérifiée, le revenu net disponible pour les assujettis augmente malgré la hausse des prélèvements.
Ainsi avec de la croissance, le taux de prélèvements et le revenu net disponible peuvent augmenter conjointement. Telle est l’explication du mystère évoqué plus haut. Si cette relation est vérifiée, les revenus augmentent et l’Etat est de plus en plus providence.
A l’inverse, en récession, le taux de prélèvements et le revenu net disponible peuvent très bien décroître ensemble.
Il est donc faux de dire que la baisse des prélèvements augmente forcément le pouvoir d’achat. Tout dépend de la croissance.
Si l’on poursuit le raisonnement mathématique plus loin on peut définir la variable IRAP (Indicateur revenu après prélèvements ) comme :
Tant que IRAP est positif l’évolution du revenu net disponible est favorable.
En matière de prélèvements on raisonne malheureusement le plus souvent en pourcentage. Cependant ce n’est pas avec des pourcentages que l’on règle les factures mais bien avec ce qui reste dans la poche. C’est donc l’évolution de ce « reste » qu’il faut analyser. C’est ce que fait l’indicateur IRAP.
Si l’augmentation des prélèvements sert à soutenir la consommation populaire et à financer des investissements créateurs d’emplois, alors celle-ci soutient la croissance qui permettra à nouveau de donner du pouvoir d’achat tout en augmentant encore les prélèvements qui de nouveau soutiendront la croissance et ainsi de suite. Ainsi on a un cercle vertueux où l’augmentation des prélèvements entraîne pour chacun plus d’argent disponible dans une société plus juste.
Le cercle vertueux décrit ci-dessus n’est pas un schéma utopique. Il a fait ses preuves dans les économies de l’Europe du Nord en particulier. C’est lui qui explique le mystère décrit ci-dessus. Les trente glorieuses c’était cela. Une croissance forte accompagnée d’une augmentation constante des taux de prélèvements. Malheureusement focalisé sur le pourcentage des taux et non sur l’essentiel, à savoir l’évolution du net disponible, on a oublié ce cercle vertueux. Il y a eu une sorte de blocage psychologique irrationnel (cf. le bouclier fiscal) consistant à dire qu’au-delà d’un certain taux il y avait confiscation. Si la relation ci-dessus est vérifiée on peut constamment augmenter dans une certaine limite les prélèvements sans que cela devienne confiscatoire.
Judicieusement employées, les augmentations d’impôts peuvent soutenir et consolider la croissance. En d’autres termes lorsqu’il y a croissance pour la pérenniser et la consolider il faut augmenter les prélèvements. On a eu malheureusement tendance ces dernières années à faire l’inverse. Dès que de la croissance s’est manifestée, on s’est empressé de baisser les impôts plutôt que d’utiliser les surplus pour la soutenir par la répartition. C’est ainsi que l’on a brisé un cercle vertueux.
On peut décliner IRAP par catégories sociales E représentant alors la croissance des revenus bruts des différentes classes.
Dans ce cas, pour ces dernières années on s’aperçoit que ce sont les catégories les plus imposées qui ont été les plus favorisées. Pour les hauts revenus, E (croissance du revenu brut) a été important et DT (augmentation des prélèvements) faible voire négative. Il n’en est pas de même pour les catégories moyennes et inférieures qui ont un E faible, voire négatif, tandis que DT restait positif ou au mieux nul. D’où la crise et la souffrance aujourd’hui de ces classes.
Tout le monde a intérêt à la croissance. Des augmentations de prélèvements pour alimenter la croissance auraient permis aux revenus favorisés une augmentation encore plus importante de leur montant brut avec au bout du compte malgré tout IRAP encore plus fort. Le cercle vertueux de la course-poursuite des prélèvements et de la croissance n’empêche pas les riches de devenir encore plus riches. L’arrêt de cette course au nom du raisonnement que "trop d’impôts c’est trop et que trop c’est trop" n’a pas été pour eux aussi positive qu’ils le croient. Lorsque l’on a droit à la meilleure part du gâteau, on a grand intérêt à ce que ce gâteau soit le plus gros possible. Même s’il faut payer pour cela en acceptant une réduction en pourcentage de sa part. Part qui peut néanmoins augmenter en masse grâce à la croissance du revenu brut. Ainsi, contrairement aux idées reçues, l’augmentation des prélèvements est bonne pour tous, riches comme moins riches.
Nul ne peut contester qu’avec des moyens l’État, en ciblant pour la justice sociale ses aides, ses allocations et ses investissements, peut soutenir la croissance. Dans ce cadre, l’augmentation des prélèvements garantit mieux la croissance qu’une baisse profitant à des catégories plutôt épargnantes et dont les dépenses ne peuvent être orientées obligatoirement vers ce qui génère le plus de croissance.
A tout cela, on peut répondre que ce qui est encore mieux c’est d’avoir de la croissance et une baisse des taux de prélèvements. Dans ce cas IRAP est forcément positif. Le gâteau grossit et les parts aussi en pourcentage. Et, merveille des merveilles, si la baisse est raisonnable le surplus de rentrées fiscales dû à la croissance peut servir à soutenir cette dernière.
C’est le schéma rêvé par les libéraux. Schéma qui n’a jamais fonctionné. En tout cas pas de façon durable. Le libéralisme est par nature et légitimement à la recherche des profits. C’est ce qui fait son efficacité à servir l’économie. Mais cela ne suffit pas pour garantir la croissance. Les années 2004 et 2006 le démontrent où l’on a vu des profits records avec une croissance décevante. Cela prouve que l’on peut obtenir de gros profits avec une faible croissance du PIB qui entraîne un appauvrissement des classes moyennes et inférieures. Ce schéma c’est celui des favorisés qui gagnent de l’argent entre eux et qui, méprisant la répartition, génèrent la fracture sociale. Comme les rentrées fiscales sont plus liées aux PIB qu’aux profits (l’impôt sur les sociétés ne pèse que très peu par rapport à la TVA), dans ce schéma l’État s’appauvrit et ne peut plus impulser l’économie dans le sens de la croissance par la répartition qui, comme l’histoire économique le prouve, et dans le respect du calcul décrit plus haut, est la seule à garantir une croissance durable. Les baisses des prélèvements ne profitent qu’aux favorisés (tranche élevée des impôts, effet d’aubaine pour les prélèvements sociaux) et ne favorisent donc pas la consommation populaire qui entretient le mieux la croissance. Voilà pourquoi ce schéma ne peut fonctionner de façon durable. C’est le schéma des favorisés qui scient la branche sur laquelle ils sont assis car à long terme, sans croissance, il n‘y a de salut pour personne.
Hors de la croissance point de progrès. Les profits importants réalisés par les entreprises ne la soutiennent pas ou au mieux lui sont indifférents. Ce qui nourrit à court terme les profits ce sont les vertigineuses augmentations de productivité, les délocalisations, la spéculation financière mais très peu la croissance. Avec la productivité actuelle et à venir, le capital a et aura de moins en moins besoin de travail pour produire. Et s’il lui en faut, il y a l’Inde ou la Chine. Ceci réduit la part du revenu du travail dans le PIB pour augmenter celle des rentiers. A cela il faut ajouter le chômage qui, faisant pression sur les salaires, accentue encore la diminution de la part du travail dans le PIB au profit du profit. Les revenus du travail représentent aujourd’hui une part trop faible du PIB pour que ces derniers puissent assurer une juste et efficace répartition des richesses. Cette évolution irréversible qui va s’accélérant confie aux prélèvements un rôle de plus en plus majeur pour la redistribution. Il faut reprendre le raisonnement de Ford au début du siècle dernier sur les salaires pour l’appliquer maintenant aux prélèvements.
Cette mauvaise répartition explique la croissance molle. Les salariés composante la plus jeune et la plus consommatrice y sont mal traités. Pour corriger cette mauvaise répartition il faut augmenter les prélèvements pour mieux redistribuer la richesse. Ainsi on aura une croissance plus forte qui ne nuira pas en masse aux profits (donc à l’investissement privé ) et aux privilégiés, puisque les parts seront peut-être plus petites en pourcentage mais d’un gâteau plus gros.
En conclusion il faut arrêter de fixer comme objectif la baisse des prélèvements. Admettre que leur hausse irrémédiable ne signifie pas forcément baisse des revenus. Bien au contraire. Les PIB annuels sont des gâteaux d’une recette étrange. Leur importance peut très bien dépendre de la façon dont on a partagé le précédent.
CALCUL
Stituation 1
RB1 = quantité totale de gâteau
RD1 = quantité de gâteau disponible
T = taux de prélèvement
Situation 2
RB2 = nouvelle quantité totale de gâteau
RD2 = nouvelle quantité de gâteau disponible
DT = variation du taux de prélèvement
E = taux de croissance du gâteau
RD1 = RB1 - T*RB1
RD2 = RB2 - RB2*(T + DT)
Si E est le taux de croissance du gâteau on a :
RB2 - RB1
E = -----------------
RB1
Þ
RB2 = RB1*(1 + E)
Pour que :
RD2 > RD1
Il faut en remplaçant que :
RB2 - RB2*(T + DT) > DB1 - T*RB
Þ
DT*RB2 < RB1 - RB2 + T*RB1 -RB2
Þ
RB2 -RB1 + T* (RB1 -RB2)
DT < ----------------------------
RB2
Þ
(RB2 -RB1)*(1 - T)
DT < ------------------------
RB2
En remplaçant RB2 par RB1*(1 + E)
(RB2 -RB1)*(1 -T)
DT < -------------------------
RB1*(1 + E)
En divisant en haut et en bas pas RB1 on obtient :
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