La polémique sur les 35 heures fait rage, mais de quoi parle-t-on exactement ? Et que se passerait-il si on les supprimait ?
Les 35 heures suscitent toujours autant la polémique en France, Depuis leur entrée en vigueur en 2000, elles ont été décriées, détricotées, mais jamais supprimées.
- Manifestation de patrons de PME marseillaises contre l’entrée en vigueur des 35 heures en avril 2001. ©Reuters
Actuellement la loi Aubry est un sujet d'affrontement politique permanent entre la droite et la gauche. L'UMP s'en donne à coeur joie contre le gouvernement, et la presse aussi d'ailleurs notamment suite à la petite phrase de Jean-Marc Ayrault qui en répondant à la question posé par un lecteur du Parisien a relancé cette polémique : "reviendriez-vous sur les 35 heures si besoin est ? question à laquelle le premier ministre a répondu : "Développez ce point de vue, mais vous verrez qu’il fera débat. Mais pourquoi pas ? Il n’y a pas de sujet tabou. Je ne suis pas dogmatique."
Douze ans après la seconde loi Aubry de 2000 sur la réduction du temps de travail et la loi Fillon qui a assoupli les modalités et les conditions de mise en oeuvre des 35 heures, notamment avec le régime des heures supplémentaires, que sont devenues les 35 heures ?
Tout d'abord faisons un peu l'historique de ces 35 heures. Le 25 avril 2010 la chaîne de télévision LCP dans son émission "L'Écho des lois" est revenu sur l’application des 35 heures au quotidien et la manière dont les entreprises s’y sont adaptées. (Voir ci-dessous la vidéo).
Mais quelle est la réalité des 35 heures aujourd'hui ?
Depuis 2000 et les lois Aubry, la durée légale du travail pour les salariés à temps plein du secteur privé et dans la fonction publique est de 35 heures par semaine, ou 1.607 heures par an, avec une modulation pouvant permettre l'octroi de jours de réduction du temps de travail (RTT). Mais ces 35 heures ne sont ni le temps de travail effectif, ni la durée maximale autorisée (48 heures en vertu des règles européennes). Concrètement, cette durée légale marque simplement le seuil au-delà duquel le travail est payé en heures supplémentaires.
Depuis 2003, pas moins de cinq lois sont venues assouplir la réglementation sur le temps de travail, la droite ayant misé dès son retour au pouvoir sur le détricotage des 35 heures plutôt que sur leur suppression pure et simple.
La loi Fillon a permis de réduire, par accord, jusqu'à 10% la majoration des heures supplémentaires.
En 2005, la loi Ollier-Novelli a facilité le stockage de RTT et de congés sur un compte épargne-temps, puis la loi en faveur des PME a étendu aux non-cadres le recours au forfait jours. Lors du quinquennat de Sarkozy un cap a été franchi. La loi Tepa d'août 2007 a incité fortement d'abord à recourir aux heures supplémentaires en les défiscalisant.
La loi d'août 2008 a parachevé le détricotage des 35 heures en donnant une très grande latitude aux entreprises pour augmenter et organiser le temps de travail, notamment la possibilité de fixer leur propre contingent d'heures supplémentaires, d'avoir recours aux forfaits jours, et d'assouplir les repos compensateurs. Cela bien sûr sous réserve d'accord avec les syndicats ou les représentants du personnel.
En 2011, le volume d'heures supplémentaires a atteint le niveau record de 740 million, soit en moyenne 10,4 heures par salarié et par trimestre, selon l'Acoss. Heures supplémentaires comprises, la durée hebdomadaire de travail des salariés à temps complet était ainsi, selon l'Insee, de 39,5 heures en France, contre 40,7 heures en Allemagne et 40,4 heures dans l'Union européenne.
Les entreprises, dans leur ensemble sont promptes à critiquer les 35 heures. Le temps de travail reste un sujet récurrent de négociation en leur sein et pourtant la loi d'août 2008 n'a pas entraîné de multiplication de discussions sur ce thème et de plus l'examen du contenu des accords depuis cette date montre que la remise en cause des 35 heures reste très rare.
Pourquoi me direz-vous ? Et bien pour plusieurs raisons, notamment pour des raisons conjoncturelles dues à la crise. En effet peu d'employeurs ont eu besoin d'augmenter le temps de travail fortement et durablement. Grâce aux heures supplémentaires défiscalisées ils ont pu s'adapter aux soubresauts de la conjoncture sans avoir à renégocier les 35 heures.
Ensuite notamment pour des raisons structurelles : beaucoup de dirigeants et de DRH ne sont pas demandeurs d'une nouvelle remise à plat total. Grâce aux 35 heures les grandes entreprises ont bâtient de nouvelles organisations, ont gagné en productivité et ont passé des accords de flexibilité avec les syndicats appelés " compromis sociaux". Tous deux n'ont envie de remettre sur l'ouvrage, tant ils ont peur de rouvrir la boite de Pandore.
De plus les entreprises ont terriblement peur de la fin de tout ou partie des 21 milliards d'euros d'allègements de charges sur les bas salaires s'ils remettaient en question la durée légale du travail de 35 heures au niveau national.
Les 35 heures nuisent-elles à la compétitivité de la France ?
La crise actuelle fait que les entreprises manquent surtout de commandes et non pas de main-d'oeuvre, elles se plaignent plutôt d'être en sureffectif. Alors c'est un non-sens dans ce contexte de vouloir augmenter le temps de travail.
L'Allemagne, toujours citée en exemple par la droite, opte, elle, pour le travailler moins. Par exemple dans la métallurgie allemande, pourtant très compétitive, les salariés sont aux 35 heures, voire moins. Volkswagen qui est l'entreprise automobile qui fait le plus de profits au monde, a mis ses salariés aux 32 heures. Sur une année les Allemands travaillent en moyenne moins que les Français et pourtant leur compétitivité n'est pas remise en cause.
Que se passerait-il si on supprimait les 35 heures ?
Tous les salariés français se disent, vu le conteste économique, que s'ils travaillent plus ils seront payés plus ! Pourtant cela ne sera pas forcément le cas.
Seuls les salariés travaillant effectivement que 35 heures devraient, je dis bien "devraient" car je pense que les employeurs vont préféré revenir au 39 heures sans hausse de salaire, voir leur salaire augmenter d'une centaine d'euros.
Ceux qui travaillent déjà plus, par contre devraient voir leur salaire stagner voire diminuer alors qu'ils travailleront plus. Pourquoi ? Et bien les heures travaillées entre la 35e et la 39e ne seront plus considérées comme des heures supplémentaires payées au taux de +25%.
Ceux qui travaillent actuellement 39 heures hebdomadaires, bénéficient de RTT compensatoires, or ils perdront ces journées de repos, sans pour autant être sûr que leurs employeurs leurs accordent une hausse de salaires en contrepartie car les RTT sont déjà des journées rémunérées. Car en cette période d'important chômage et de manque de visibilité économique, les entreprises risquent d'être très frileuses concernant les salaires.
Mais il faut surtout se dire que cette suppression des 35 heures risque de créer une belle pagaille dans les entreprises, car elles seraient dans l'obligation de revoir tous les contrats de travail et de renégocier les conventions collectives sur l'organisation du temps de travail avec les syndicats. Renégociations qui peuvent se traduire par de longues journées de lutte et de bras de fer.
Il faut se souvenir qu'en 2000, le passage aux 35 heures a été un cauchemar pour les services RH et juridiques. Plus d'un an a été nécessaire pou trouver un accord avec les syndicats et mettre en place cette nouvelle organisation du travail dans l'entreprise. Je ne suis pas sùr que les entreprises, soient très enthousiastes à l'idée de repasser aux 39 heures. Elles sont demandeuses de plus de flexibilité en fonction de leurs carnets de commande, mais je ne suis pas sûr qu'en leur sein le fin des 35 heures soient leur priorité.
En outre les français sont très attachés à leurs RTT, ils sont désireux, je pense, de voir leur pouvoir d'achat augmenter, mais aussi de garder leurs RTT. Or, à mon avis si l'heure légale de 35 heures est abolie, ils les perdront sans aucune compensation financière.
L'hypocrisie de l'UMP qui veut supprimer maintenant les 35 heures !
L'UMP a tiré à boulets rouges sur le détricotage d'une mesure phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy qui est les exonérations fiscales sur les heures supplémentaires, accusant le gouvernement de Jean-Marc Ayrault d'amputer le pouvoir d'achat de millions de salariés. (Voir vidéo ci-dessous).
Et maintenant ils proposent de supprimer les 35 heures pour revenir au 39 heures, ce qui est une hypocrisie monstre de leur part, car cela se traduirait, pour la grande majorité des salariés, par l'amputation de leur pouvoir d'achat. L'UMP veut donc qu'ils travaillent plus pour gagner moins. (voir la démonstration précédente sur les aléas de cette suppression)
Il faut noter que ni Jacques Chirac (qui disait en petit comité que "jamais les Français n'accepteraient qu'on revienne sur ce dispositif', car selon lui, la mesure était trop populaire pour s'y attaquer.) ni Nicolas Sarkozy n'ont finalement souhaité faire disparaître la loi Aubry du droit français.
D'ailleurs en 2008, plusieurs responsables de l'UMP s'en sont agacé, au premier rang desquels Jean-François Copé, qui était alors patron des députés du parti. Mais Nicolas Sarkozy tranchera définitivement en déclarant : "Il y aura toujours une durée hebdomadaire du travail en France qui sera de 35 heures".
Le prochain président de l'UMP, que ce soit François Fillon ou bien Jean-François Copé, promet que le parti mettra fin aux 35 heures à son retour au pouvoir. Devant les militants Fillon a martelé : " Aujourd'hui, on n'a plus le temps de se poser la question d'utiliser la méthode douce. La crise nous oblige à mettre fin aux 35 heures". Quant à Copé lui, il plaide pour "un contrat de travail unique, sans durée légale de travail". C'est selon lui cela sera "un vrai chantier politique".
Il faut noter que ce chantier l'UMP n'a jamais osé le concrétiser pendant dix ans. Et une grande partie des députés de droite ne semblent pas vouloir les suivre sur ce dispositif. ( Voir vidéo ci-dessous).
Salariés français avant de vous prononcer en faveur de la fin de l'heure légale de travail à 35 heures pesez bien le pour et le contre, car si la durée légale passe à 39 heures les heures supplémentaires débuterons après 39 heures de travail , cela se traduira par travailler plus pour gagner moins. Les patrons des entreprises vous supprimerons vos RTT sans augmentation de salaire car ces jours de repos sont déjà des jours rémunérés, et en cette époque où le chômage explose et les carnets de commande se vident, il ne sera pas question d'augmentation de salaire en contrepartie de l'augmentation de la durée légale du travail.
Sources : Le Parisien, Insee, usinenouvelle.com,
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