Le libéralisme, c’est quoi ?
Un terme flou, mais des conséquences assez nettes !
S’il est un terme délicat à manipuler, c’est bien celui-là. Aux États-Unis, « liberals » désigne plutôt des sociaux-démocrates dont l’équivalent français serait plus ou moins l'aile droite du PS, tendance Valls ou DSK. En revanche les « libertariens » américains pratiquent une forme radicale du libéralisme, quasi inconnue ici, qui serait plutôt située entre les mouvements anarchiste et l’extrême-droite en France. La liberté devient un droit absolu, ce qui induit la permission pour un individu d'utiliser de la drogue, de conduire sans aucune limitation de vitesse, de fumer en tous lieux, le droit à l'avortement, au suicide, à la prostitution, au don et à la vente d'organes, d’ouvrir une maison de passe ou de se prostituer, le droit de posséder des armes à feu et de les utiliser pour défendre son droit de propriété, de lever une armée, etc. La privatisation est étendue à tous les domaines : gestion des routes, enseignement, justice, etc. L’acteur Clint Eastwood, ancien maire de Carmel, est libertarien, prônant le non-interventionnisme de l'état ou des collectivités dans la vie des citoyens. Parmi les républicains d'obédience libertarienne, on trouve Arnold Schwarzenegger, favorable à l'avortement et modéré sur l'usage privé des drogues douces. Il a été élu gouverneur de Californie Républicain avec le soutien de certains démocrates.
En Europe, le qualificatif « libéral » n’est pas très bien vu, et revêt une connotation assez péjorative : la gauche parle le plus souvent d’« ultra-libéralisme » pour désigner, tout simplement, le capitalisme. Or, si le capitalisme est compatible avec le libéralisme, il n’en est pas le noyau central.
Parmi les nombreux libéraux historiques, citons John Locke, Adam Smith ou même le philosophe Emmanuel Kant ; en France, il y a une grande tradition libérale, et contrairement à ce qu’on croit, pas seulement de droite : Montaigne, Montesquieu, Diderot, Turgot, Condorcet, Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Raymond Aron, Jean-François Revel.
En France, les centralistes jacobins qui se sont succédé jusqu’à aujourd’hui se sont toujours opposés aux libéraux classiques, pour qui les seules fonctions légitimes de l’État sont celles qui assurent la protection : police, justice, diplomatie et défense nationale, ces fonctions formant l’État minimal limité à ses fonctions dites « régaliennes ». Le libéralisme s’oppose au fond aux théories prônant la régulation de l'économie par l'État.
On peut affirmer sans contredit que la mondialisation actuelle est plutôt d’essence libérale, dans la mesure où elle succède à une longue période (1945 / 1980) où la plupart des pays ont expérimenté avec un relatif insuccès son contraire, c’est à dire l’économie dans laquelle l’Etat joue un rôle central. Peu à peu après 1975 les positions stratégiques de la gauche ont reflué en Europe, et les revers électoraux suivirent. Le manque chronique de résultats du socialisme, l’écroulement du bloc soviétique, l'avènement politique du binome Reagan/ Thatcher, ont fini par produire des effets durables sur les opinions publiques. L’interactivité des économies s’installant avec la mondialisation, la dérégulation libérale a pris le pas sur ce qui avait précédé en économie, entraînant des dénationalisations dans toute l’Europe, et surtout une transformation radicale du rôle de la Bourse. Conçues au départ pour les entreprises (elles venaient chercher des capitaux pour leur dévelloppement, en regard de résultats et de projets) les places boursières sont devenus des casinos spéculatifs, via un ensemble de produits financiers et dispositifs pervers (call, warrants, etc.) qui en ont détourné l'objet.
Ce qui se pose aujourd’hui comme problème, c’est non que le monde ait viré vers un axe libéral, mais que la façon de procéder ait été non contrôlée à tous les niveaux. Cela avait du reste été prédit jadis par Bismark (« Le libéralisme prospère toujours plus que ses partisans le désirent »). L’économiste Maurice Allais a assez bien perçu ce clivage en 2007 : « Pour autant, si la conviction de l'immense supériorité d'une société économiquement libérale et humaniste n'a cessé de se renforcer en moi au cours de ces années, une autre conviction, tout aussi forte, n'a cessé également de se renforcer, c'est qu'aujourd'hui cette société est dangereusement menacée par la confusion du libéralisme et du laissez-fairisme. C'est là un des plus grands périls de notre temps. Une société libérale et humaniste ne saurait s'identifier à une société laxiste, laissez-fairiste, pervertie, manipulée ou aveugle. Tout comme le libéralisme ne saurait se réduire au laissez-faire économique. (…) L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais sans doute il n'est devenu plus difficile d'y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité n'était apparue avec une telle menace d'effondrement général. (…) il faudrait entreprendre une réforme du crédit qui rendrait impossibles à la fois la création de monnaie ex nihilo et l'emprunt à court terme pour financer des prêts à plus long terme. (…) Une réforme du système monétaire international, un nouveau Bretton Woods, est absolument nécessaire. Une monnaie internationale doit être créée. » De manière assez curieuse, les deux principaux candidats de la Présidentielle à venir, Sarkozy et Hollande, n'évoquent jamais ces questions de fond.
31 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON