Les actionnaires ne peuvent plus s’exonérer de la crise
Le 17 février, commentant la suggestion de Nicolas Sarkozy qui préconisait de partager égalitairement les profits entre l’entreprise, les actionnaires et les salariés, la présidente du Medef a évoqué une "confusion intellectuelle" et une attaque contre le principe du droit de propriété. L’étude des faits montre que les pouvoirs publics sont autorisés à contester le mode actuel de répartition des profits, surtout lorsqu’il met les actionnaires eux-mêmes en péril.
Qu’est-ce-qu’un actionnaire ? L’étymologie hollandaise du terme nous révèle qu’il détient une "dette active". Ce n’est pas un rentier mais un co-propriétaire dont la rémunération varie selon les profits de l’entreprise. Sa rémunération est la récompense du risque personnel qu’il prend. Théoriquement il ne saurait prétendre à un revenu fixe, comme on le suppose du salarié.
La pratique récente montre qu’il n’en est rien. Contre toute attente, les dividendes distribués en 2008 par les entreprises ont reconduit ceux de 2007. Faisant fi de la crise, les actionnaires ont reçu environ 55 milliards d’euros auxquels ont peut ajouter 16 milliards versés indirectement par l’intermédiaire de leurs assurances vie. On observe le même phénomène à l’échelle européenne : alors que la capitalisation boursière globale a chuté de 50% au cours de l’année 2008, les taux de dividende (dividendes/capital social) ont doublé passant de 3 à 6%. Les amortisseurs sociaux ne sont visiblement pas les seuls à fonctionner correctement.
Comment expliquer cette étrangeté ? Une incitation fiscale tout d’abord. Le "paquet fiscal" comprend une ristourne d’environ deux milliards d’euros pour les ménages les plus aisés possesseurs d’un portefeuille d’actions. Un effet de signal : lorsqu’en période de crise il est difficile de valoriser avec certitude le capital d’une entreprise, verser de confortables dividendes indique à l’actionnaire qu’elle est en bonne santé.
Cette générosité à contre-courant de la conjoncture économique représente un risque pour les entreprises et leurs actionnaires. En effet, depuis 2004, les dividendes versés par les sociétés non financières dépassent le montant de leur épargne de sorte qu’elles ont besoin d’ un supplément de dette pour continuer à distribuer de tels dividendes, ce qui est peu raisonnable au moment où les conditions de crédit se durcissent. On ne voit pas comment les entreprises pourront reconduire cette politique, à moins de réduire encore plus leurs investissements voire les salaires.
Que Madame Parisot ne s’alarme pas. La règle des "trois tiers" évoquée par Nicolas Sarkozy n’aura pas d’incidences pratiques.On voit mal en effet comment déplacer un tiers des profits vers les salaires sans pénaliser l’autofinancement des entreprises ou sans baisser la composante fixe du salaire. Toutefois, la formule peut présenter une vertu pédagogique. Les actionnaires doivent comprendre qu’ils ne peuvent plus longtemps s’exonérer des conséquences de la crise économique. Il leur faut se préparer à en partager les effets avec les entreprises et les salariés.
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