Millions de chômeurs supplémentaires et guerre civile en Europe ?
Le chômage est devenu un fléau social dans la plupart des pays européens. Certes, quelques pays semblent s’en sortir honorablement. C’est le cas de l’Allemagne mais attention au trompe-l’œil. Outre-Rhin, la bonne santé économique n’empêche pas la société d’être scindée avec un prolétariat sous payé et travaillant à temps partiel. Les statistiques du chômage ne sont pas strictement reliées à une « bonne santé » de la société. Aux Etats-Unis, la mobilité et la flexibilité des salaires ont produit pendant des années un chômage stabilisé et réduit mais avec une part importante de travailleurs pauvres, certains obligés de dormir dans les bus rendus au terminal. La France connaît un chômage élevé depuis deux décennies, voire trois si l’on considère que le million et demi de chômeurs est de trop au moment de l’investiture du président Mitterrand. C’est surtout à la fin de son second mandat que le chômage a flambé pour dépasser les trois millions avec le fléchissement économique amorcé au début des années 1990 puis concrétisé par une légère récession vers 1993. La France, comme l’Espagne ou l’Italie, s’est habituée à une économie où coexistent les emplois hyperqualifiés, les emplois stables, les emplois consolidés et la précarité incluant chômeurs, temps partiels subis et intérimaires.
La crise de 2008-2012 est passée en Europe, sans être solutionnée pour autant. Les dirigeants se demandent comment faire advenir la croissance. Ils ne se posent pas la question du chômage et de la pauvreté. Le chômage est devenu une variable d’ajustement. Qui évolue selon les conjonctures. Le discours officiel prône la croissance pour faire revenir l’emploi. Mais dans les faits, la croissance servira principalement à rembourser la dette. C’est d’ailleurs l’objectif du plan de sauvetage de la Grèce. Prêter afin que ce pays puisse rembourser les dettes qui lui restent après l’effacement partiel négocié avec les banques. Ensuite, gagner du temps, quelques années et espérer qu’il y aura assez de financements pour doter le pays d’un système industriel suffisant pour faire de la croissance et donc rembourser les dettes à long terme. Les individus, pour parler crûment, comptent pour de la merde. Pourtant, la plupart des dirigeants prétendent aimer les peuples et les servir. Oui mais ils laissent le chômage, la précarité et la pauvreté s’étendre. Tout en lénifiant sur cette croissance qui devrait apporter de l’emploi. C’est un mythe qu’il faudra peut-être déconstruire. La croissance peut très bien arriver, mollement et même assurément, sans que le chômage ne baisse. Essayons de le montrer, faute de le démontrer avec des preuves mathématiques.
On considère un grand groupe industriel, oeuvrant dans l’automobile ou l’informatique ou la banque. L’histoire récente nous montre que bon nombre de ces multinationale ont vu leur chiffre d’affaire croître avec des effectifs constants, voire même en baisse. Il y a souvent une relation entre la baisse de la masse salariale et l’augmentation du chiffre d’affaire. Pas seulement avec le mécanisme de délocalisation des productions, comme on le voit chez Apple, Microsoft, ou chez les géants de l’électronique grand public du Japon ou encore d’autres géants spécialisés dans l’électroménager, tous faisant fabriquer leurs produits en Chine, conservant dans les pays d’origine la main d’œuvre très qualifiée dans la recherche, la gestion et la commercialisation. A côté de ces mécanismes, l’augmentation de productivité joue aussi sur la baisse des effectifs, faisant qu’un grand groupe augmente son chiffre d’affaire en baissant ses coûts salariaux. Le processus de baisse de la masse salariale a été mis en place depuis les années 1980. On se souvient des années Mitterrand, quand après les lois Chirac sur le licenciement, des grands groupes, y compris nationalisés, se sont mis en faillite pour licencier des travailleurs vieux et coûteux puis ensuite réembaucher de la main d’œuvre jeune et moins chère. En fait, la transformation du système productif n’a pas eu que des inconvénients. Des objets et services d’un nouveau genre ont été fabriqués et écoulés. Pour évoluer, il faut un peu de souplesse. Et un peu de destruction créatrice pour parler comme Schumpeter. Mais l’évolution trop rapide engendre des crises et des déséquilibres sociaux. Et maintenant, en 2012, le système globalisé est parvenu à un stade où la croissance non seulement ne crée plus d’emploi, mais repose sur la destruction globale de l’emploi et la baisse des coûts salariaux. L’opinion des élites a parfaitement intégré cette donne. La TVA sociale montre que les esprits ont abdiqués, même si cette TVA n’aura pas d’incidence sur l’emploi, contrairement à ce que veut faire croire la propagande mensongère du pouvoir.
Voici maintenant une esquisse de démonstration. Une multinationale augmente son chiffre d’affaire en rognant sur l’emploi. Plusieurs multinationales font de même. Les Etats sont devenus eux aussi, par le mécanisme de l’endettement, des grands groupes pouvant faire du profit. Le processus de convergence économique et d’intégration est en route. Avant, l’économie était à l’intérieur d’un espace public, social et politique géré par les Etats. Maintenant, l’Etat est à l’intérieur d’un espace économique globalisé. L’ensemble de Etat et du système industriel forme une hyper entreprise dont le chiffre d’affaire est calculé comme PIB. L’investisseur dispose de différents produits mis à sa disposition pour faire fructifier son capital. Actions, immobilier, obligations, maisons de retraites, hôpitaux. La loi universelle du profit, dans un système intégré et technologiquement convergent, fait que la croissance du PIB non seulement ne réduit pas le chômage mais repose sur une augmentation du chômage associée à une baisse des coûts salariaux et des coûts sociaux. Il faut s’attendre à voir un million de chômeurs supplémentaires en 2017, en France, et en Europe quelques autres millions de plus. La réforme des retraites ne pouvant qu’aggraver la situation. Quant aux emplois publics, ils répondent aussi à une logique du profit. L’Etat réduit ses effectifs pour rendre attractifs et fiables les emprunts obligataires. Comme dans une entreprise mais ce détail n’avait échappé à personne. Cette démonstration de l’augmentation inéluctable du chômage mériterait un travail de belle facture. Pour l’instant, ce n’est qu’une hypothèse dont on déduira pour finir une conséquence assez triviale en ajoutant la thèse de la convergence technologique et de la croissance sectorisée (par opposition à la croissance fordienne des Trente Glorieuses).
Le véritable problème, c’est l’intégration économique et la convergence technologique qui induit un marché de l’emploi très qualifié, le plus souvent au service de la production de biens et services standing, alors que le niveau de vie des travailleurs se dégrade et que le chômage s’accroît car le système n’a plus besoin de tous les individus pour satisfaire les désirs d’une élite qui tire la croissance avec son haut niveau de revenu et de consommation. C’est clair. La mort sociale et la formation des chômeurs pour le travail forcé, sans obéir forcément à une logique d’inspiration nazie, ressemblent à une solution finale pour ce système oligarchique qui asservit les hommes. Il ne restera plus aux sacrifiés de la mort sociale et de la mort au travail qu’à se révolter et l’Europe connaîtra à nouveau la guerre civile. Ou alors la dictature technocratique et oligarchique.
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