Non, la Grèce n’emprunte pas à 97 % !
Les taux de la dette grecque atteignent la stratosphère, mais cela ne veut pas dire qu'elle emprunte à ces taux. Il s'agit de taux constatés sur le marché secondaire, qui témoignent surtout de la chute du montant du principal. Cette chute pourrait offrir à la Grèce, et à tous les pays ciblés par la spéculation sur la dette publique, l'occasion de se désendetter à bon compte, en profitant de la chute du principal.
Il ne s'agirait pas d'un défaut. Pas plus qu'il n'y a de défaut quand on achète une action à bas coût à l'occasion d'un krach. On l'achète juste, sur un marché secondaire, à un prix spoliateur pour le dernier propriétaire de l'action, qui n'est pas l'entreprise émettrice, prix qui constitue en revanche une aubaine pour l'acheteur secondaire.
Si l'acheteur secondaire se confond avec l'entreprise, c'est à dire si celle-ci rachète ses propres actions à l'occasion d'un krach, elle peut les annuler, ce qui, en principe, la renforce. Même chose en principe pour des obligations : le bas niveau où elles sont tombées peut permettre au débiteur (ou à un ami qui voudrait vraiment l'aider) de racheter des obligations à bas coût, se libérant, non des seuls intérêts, mais du principal, ce qui serait une vraie libération.
La question se pose de savoir pourquoi ces possibilités de rachat au prix du marché ne sont pas pleinement exploitées.
Il n'y a aucune raison, sauf à vouloir faire un cadeau aux banques et aux compagnies d'assurances aux frais du contribuable, de racheter des obligations sur le marché secondaire en les payant à leur valeur faciale ou avec une faible décôte.
Le dernier chiffre cité : 97 % d'intérêts annuels.
Bien entendu, ce n'est pas le taux que paie la Grèce. C'est un taux constaté sur le marché secondaire.
Supposons que j'emprunte 100 euros sur 10 ans à 3 %. Pendant dix ans (dans le cas d'un crédit in fine où l'on rembourse tout à la fin), je paierai tous les ans trois euros qui ne me libèreront pas de ma dette. A la fin, en plus, je rembourserai mes cent euros. En comptant les 3 euros d'intérêts annuels pendant dix ans, je devrai rembourser 130 euros au total.
Maintenant, supposons que mon créancier vende le titre de dette à un autre. Il est obligé de consentir une mauvaise affaire : il le vend 10 euros au lieu de cent à quelqu'un qui n'est pas moi et qui est mon nouveau créancier.
Pour moi rien n'a changé : je dois toujours cent euros de principal, plus 3 euros par an d'intérêts, mais je ne les dois pas à la même personne.
Je ne suis pas miraculeusement libérée de ma dette. Mais je ne suis pas non plus endettée à 30 %, même si les 3 % que je paie (3% par rapport à la valeur faciale de mon emprunt) font 30 % pour mon créancier secondaire.
En effet, mon nouveau créancier a fait l'affaire du siècle : il a payé 10 euros une obligation de valeur faciale 100, et il va toucher 3 euros annuels d'intérêt. C'est à dire du 30 % par rapport aux dix euros qu'il a payés.
Le perdant, dans l'affaire, c'est mon créancier d'origine. Le grand gagnant est le nouveau créancier. Pour moi, jusqu'ici, l'affaire est neutre mais elle a le potentiel de devenir positive.
En effet, si je peux gratter quelques fonds malgré ma pauvreté, je peux faire une super-affaire : je rachète moi-même ma dette pour 10 euros, et je suis définitivement libérée tant du capital que des intérêts, c'est à dire que, pour 10 euros, j'en rachète 130 (voir plus haut). Bien sûr, cet auto-rachat efface la dette. Il ne s'agit pas d'un défaut : j'ai racheté la dette au prix du marché. C'est l'application du libéralisme : celui-ci se régule en faisant faire de mauvaises affaires à certains.
Supposons maintenant que j'aie un vrai ami qui veuille m'aider. Il rachète la dette 10 euros. Il a fait une super-affaire. Bien sur, pour moi, en théorie, je dois toujours 100 euros de principal et 3 euros annuels d'intérêts. Que je les doive à mon grand copain ne change rien, à la base, à mes finances. Mais, s'il veut vraiment m'aider, il peut me faire une remise de dette totale ou partielle sans se ruiner.
On voit donc que les moyens de racheter pour pas cher les dettes des Etats existent, et qu'elles existent d'autant plus que les spéculateurs, par des prophéties auto-réalisatrices qui devraient être mortelles pour eux, font chuter le prix du principal des obligations et augmenter le montant des taux.
Si la BCE rachetait les dettes sur le marché secondaire aux prix de casse où elles sont tombées, elle ferait une super affaire (ou, si elle le souhaite, elle la ferait faire aux pays endettées), et elle ferait passer aux marchés le goût de la spéculation pour longtemps, puisque c'est eux mêmes que leurs rumeurs et autres prophéties auto-réalisatrices auraient obligées à brader leurs titres. De même, ceux qui achètent des CDS en spéculant sur le défaut des Etats en seraient pour leurs frais, car il n'y a pas de défaut quand on rachète un tittre au prix du marché, même si ce prix est bas.
En conclusion : il n'y a rien d'obligatoire à martyriser les Etats et leurs peuples. Il y a juste la décision politique, au niveau de la BCE et des dirigeants européens, d'éviter aux banques et assurances d'assumer le krach obligataire comme elles assumeraient un krach boursier.
Encore une fois, il y a juste la volonté politique de transférer la perte aux Etats et aux peuples.
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