Quel plan de sauvetage ?
Un sénateur américain s’exclamait il y a quelques jours que le plan de sauvetage concocté par l’administration Bush mettait en danger "non seulement l’économie mais également la Constitution" de son pays. Un certain nombre d’observateurs avisés se sont émus d’une "socialisation" des Etats-Unis, accusant quasiment le gouvernement américain de remplacer la faucille et le marteau du drapeau soviétique par un monocle et un haut-de-forme... Pourtant, l’utilisation des fonds publics aux fins de contrôler l’économie et la finance est aussi américaine que peut l’être le Pentagone ou le bureau ovale.
Le problème fondamental se situe dans la substance même de ce plan : en effet, et si - contrairement à ce qui se dit - les difficultés des banques ne provenaient pas tant du fait de la valorisation de leurs actifs à des prix trop bas, mais plutôt du fait qu’elles doivent provisionner des pertes gigantesques qui sont le reflet de l’effondrement de la valeur de leurs actifs ? Auquel cas le plan de l’administration américaine ne serait pas suffisant car certaines estimations relativement sérieuses prévoient que les pertes globales du système financier suite à l’effondrement immobilier s’approcheront du trillion (mille milliards) de dollars... Ainsi, le gouvernement américain, qui se propose d’acquérir ces créances toxiques à un prix légèrement supérieur à leur valorisation actuelle au bilan des banques, ne résoudra-t-il pas le problème à la racine puisque ces mêmes banques seront toujours assises sur des pertes substantielles ! M. Paulson devra alors fatalement reprendre son bâton de pèlerin pour mendier une rallonge.
Une solution nettement plus intelligente d’assainir les banques - et d’investir en même temps l’argent du contribuable - consisterait en l’acquisition par le gouvernement américain d’une partie du capital de ces banques. L’Islande a ainsi procédé hier à l’achat de 75 % du capital de la Glitnir Bank pour 600 millions d’euros, ce qui lui permettra le moment venu de revendre cette participation avec bénéfices tout en soulageant cet établissement par un afflux massif de liquidités.
Par ailleurs, la manière la plus efficace et la plus judicieuse d’aider les contribuables et les propriétaires de biens immobiliers est encore d’éviter une récession... et l’expérience japonaise des années 90 met clairement en garde contre le sauvetage des établissements financiers après une déconfiture du marché immobilier. Ainsi, le gouvernement japonais s’était-il efforcé de soutenir par tous les moyens son secteur bancaire afin d’éviter le traumatisme des faillites au détriment toutefois d’une vraie politique du pouvoir d’achat et de la création d’emplois. Cette récession nippone, souvent appelée "la décennie perdue", qui ne s’est terminée qu’il y a quelques années permet de tirer de précieux enseignements car le diable est dans le détail : s’il est en effet vital de débarrasser les banques de leurs avoirs toxiques, ces plans de sauvetage ne doivent en aucun cas se transformer en "machines à fabriquer des zombies". En d’autres termes, maintenir en vie un établissement virtuellement en faillite ne fait que prolonger le marasme économique.
Comprenons-nous bien : il est néanmoins absolument vital de secourir le secteur bancaire et l’exemple le plus significatif de crise majeure où l’Etat avait tardé à secourir son système bancaire est encore la Grande Dépression ! L’exemple le plus équilibré étant celui de la Suède qui a opéré au début des années 90 une sélection d’établissements dont elle prendrait des participations.
La finance, tout à la fois essentielle et centrale pour nos sociétés modernes, a également ceci de particulier qu’elle porte en elle les germes susceptibles de tuer le développement économique. Elle est un instrument extrêmement puissant qui doit être constamment canalisé et surveillé.
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