Réflexion sur l’endettement de l’État français : Notre dette, notre problème
En 2020, la France c'est une dette à 120% de son produit intérieur. Ce niveau d'endettement est un danger pour la pérennité de notre système économique. Il est aussi symptomatique d’une utilisation intéressée des politiques économiques visant davantage à manipuler un électorat sur le court terme qu’à assurer la santé économique française sur le long terme.
« Une dette est pour l'homme libre une servitude cruelle. » (Proverbe latin).
La dette, du latin « debeo » c’est le « devoir, ce que l'on doit à quelqu'un ». Étymologiquement, s’endetter c’est donc être redevable envers quelqu’un et par conséquent renoncer à une partie de sa liberté Mais, depuis plusieurs décennies la dette publique semble être devenue un concept purement théorique et beaucoup remettent en question les véritables contraintes qu’elle représente : « On entend dire régulièrement qu’au-delà de 100% de dette par rapport à la richesse produite pendant un an (PIB) par le pays c’est la catastrophe. Cela n’a jamais été prouvé. Mais par contre on connaît au moins un pays endetté à plus de 200 % et qui n’en est pourtant loin d’en être mort : le Japon. » Jean-Luc Mélenchon.
Alors la dette, est-ce grave docteur ?
Autrement dit, l’endettement exponentiel est-il un modèle économique viable ? Quelles seront les conséquences à long terme de l’endettement d’aujourd’hui ? Qui paiera ?
Les politiques semblent avoir fait leur choix : la dette n’est pas la priorité. Depuis l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981, l’évolution de la dette publique a été implacable : 21 % du PIB en 1981, 34 % en 1990, 60 % en 2000, 80% en 2010 et enfin plus de 100 % en 2020. Ainsi, même si “la politique n'est passionnante que dans l'opposition ” (Georges Conchon), les politiciens semblent avoir trouvé un terrain d’entente sur l’adhésion aux thèses keynésiennes et la stimulation de la croissance par le déficit publique. Mais, "les crises de demain sont souvent le refus des questions d’aujourd’hui " (Lagadec), et l’on peut se demander si ce choix politique n’est pas davantage le fruit de la pression électorale que du courage politique ?
En janvier dernier Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI déclarait que l’endettement massif des états ne représentait pas un danger tant que les taux d’intérêt seraient inférieurs aux taux d’inflation. La logique est implacable, l’inflation étant supérieure aux taux d’intérêt, elle permet de grignoter l’endettement. L’endettement massif devient non préoccupant et il convient de fustiger ceux qui le fustigent. Aujourd’hui en France, les taux sont négatifs (- 0,20 % en février 2020) et inférieurs à l’inflation, l’état s’endette donc gratuitement et devrait en suivant cette logique continuer de le faire.
Ce raisonnement admet donc comme première nécessité des taux d’intérêts extrêmement faibles. En pensant de la sorte nous nous enfermons dans la nécessité du maintien des taux d’intérêts à leurs niveaux actuels, soit -0.20%. Les états semblent ainsi rêver d’un monde aux taux négatifs ou l’endettement serait à jamais gratuit. Mais « après le rêve, le réveil nous montre la terre peu belle » (Augusta Amiel-Lapeyre) et le rayonnement actuel du taux négatif pourrait s’estomper plongeant notre économie dans une des phases les plus sombres de son histoire.
Car nous enfermer dans une logique de taux négatif serait une négation de toute l’économie et de ses principes fondamentaux. Premier principe : le risque a un coût. Il est impossible pour le créancier d’être sûr qu’il sera remboursé car la solvabilité de tout agent économique n’est jamais totale. Le taux d’intérêt rémunère ce risque en prenant compte de l’inflation. Renoncer au taux c’est nier le risque. Le taux négatif c’est aussi renoncer à l’idée que le temps a une valeur, au célèbre : « Time is money ». Le taux négatif nie le principe économique fondamental que le temps permet de faire fructifier son argent. Il nie la philosophie du progrès. En fait, le taux négatif c’est le nivellement par le bas car il admet la perte d’argent comme normale. L’investisseur investit pour perdre et les entreprises produisent à pertes. L’immobilisme devient l’idéal car il permet de ne pas perdre. Le taux négatif c’est nier l’inflation, le risque et la croissance.
Certains pourraient rétorquer que ces taux, si illogiques soient-ils, n’affectent pas directement Monsieur et Madame tout le monde. C’est une erreur ! Les taux négatifs pénalisent la rentabilité des établissements bancaires et la prospérité de l’épargnant. Ainsi, “les taux négatifs sont comme une supernova qui va exploser” (William H Gross, gestionnaire du fonds PIMCO). Et, loin d’être le paradis de l’investissement et de la croissance, les taux négatifs seraient des étoiles attrayantes mais prêtent à exploser en plein vol.
Même si nous restons dans un monde ou les taux d’intérêt stagnent autour du zéro : aujourd’hui « la dette, c'est 116 millions d'euros par jour » (Archer). Alors, qui va payer ?
Ricardo nous a déjà avertis : « un déficit présent c’est un impôt futur ». La dette c’est ce que nous léguons aux générations futures c’est un lien économique fort qui nous unit et comme le disait notre président : notre dette « ce sont nos enfants qui la paieront ». Nous rêvons tous d’une France ou en mourant ne nous laisserions à nos enfants d'autres dettes que celles de la reconnaissance. Mais pour que cela se réalise nous allons devoir payer ! Et beaucoup… Pour l’économiste Jean Yves Archer, contraindre valablement la dette c’est la ramener aux alentours des 1,000 milliards d’euros. Ainsi, il faudrait dégager aux alentours des 1,700 milliards d’euros, soit 34 années d’effort collectif à hauteur de 5% de nos prélèvements obligatoires. Ces calculs ne constituent que suppositions théoriques. Mais ils nous permettent de comprendre l’ampleur de la tâche qui nous attend, le fardeau que représente cette dette pour les générations à venir et surtout l’incapacité de notre système fiscal à éponger notre dette.
Notre système électoral actuel, voilà l’origine du mal. Pour être élu, un responsable politique doit promettre monts et merveilles à ses électeurs et leurs listes de propositions à la Prévert n’ont souvent pas d’autres financement que l’endettement. Ainsi, depuis le XX ème siècle les dépenses publiques sont passées de moins de 10 % à 57 % du PIB et ce dont nous manquons cruellement c’est de courage politique ! Aujourd’hui un gouvernement passe la première partie du quinquennat à se détacher du bilan des gouvernements précédents et la deuxième moitié à tâcher de se faire réélire. Les politiques économiques gouvernementales sont avant tout des outils de manipulation électorale. L’état n’est plus le « despote bienveillant et omniscient » de Tinbergen mais le personnage « cynique » de Nordhaus. Il est devenu un gestionnaire intéressé du pouvoir menant des politiques économiques court-termistes ayant comme objectif premier la satisfaction immédiate de l’électorat. Je ne veux surtout pas laisser entendre que les électeurs sont des simples suiveurs myopes aisément manipulables. Mais ils sont les victimes directes de ce jeu politico-économique entrepris depuis plusieurs décennies par le plus froid de tous les monstres froids.
La crise actuelle du covid-19 et le plan de relance nécessaire d’environ 500 milliards d’euros à l’échelle européenne pour y faire face vont inévitablement creuser encore davantage notre déficit. Ainsi, aujourd’hui plus que jamais, nous devons prendre conscience du danger que représente notre niveau d’endettement et ne nous pouvons plus remettre à demain les problèmes d’aujourd’hui. D’autant plus que notre soupape de sécurité que représente la zone euro est en en train de se fissurer. Lorsque vous avez une monnaie commune si un pays de la zone s’écroule financièrement, c’est la santé de tous les pays de cette zone qui est remis en question. Or, la situation financière de l’Italie inquiète l’ensemble des acteurs financiers. Et, alors que François Écalle, ancien rapporteur général à la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, parle d’elle comme du « maillon faible » de la zone euro, les créditeurs semblent avoir perdue confiance en sa solvabilité. En effet, l’Italie emprunte désormais à 2,2 %, quand l’Allemagne est à -0,530 % et les mêmes interrogations se posent que pour la Grèce en 2012. L’Italie pourra-t-elle continuer à emprunter ? Si elle n’y arrive plus, que se passera-t-il ? Un retour à la lire ? En tout cas pour la France l’effondrement économique de l’Italie serait une catastrophe car « Si l’Italie tombe. Le prochain domino, c’est la France » (François Écalle).
Notre dette comme celle de beaucoup d’états occidentaux ne fait qu’augmenter depuis plusieurs décennies et même si elle n’est pas encore digne de celle des efforts de guerre elle s’en rapproche dangereusement. Aujourd’hui pour beaucoup de responsables politiques le meilleur moyen de résoudre un problème est de le nier, mais faisons preuve de courage et affrontons cette vérité. Car la lâcheté c’est de projeter sur les autres la responsabilité qu’on refuse et ignorer le problème de l’endettement c’est le rejeter sur nos enfants notre fardeau.
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