Retraites et chômage : alerte incendie, tout le monde à son poste !
Gouverner c’est prévoir, aurait dit Emile de Girardin. Mais gouverner, c’est aussi décider…y compris avoir le courage politique de prendre tant qu’il en est encore temps les mesures les plus impopulaires qui soient pour, en premier lieu, repartir sur d’autres bases saines plutôt que de s’acharner à gérer la pénurie d’un système à bout de souffle comme le montre l’explosive question des retraites.
Selon un sondage Ifop paru ce dimanche 10 janvier 2010 dans le Journal du Dimanche (JDD), http://www.lejdd.fr/sondage/retraites :-les-francais-peu-confiants-154.html , c’est un sentiment d’inquiétude qui domine dans l’opinion. Car même s’ils se disent prêts à faire des efforts - par pragmatisme ou résignation - en déclarant qu’ils accepteraient de travailler jusqu’à quasiment 62 ans, les Français sont 76% à être pas du tout ou plutôt pas confiants quant à la garantie de toucher plus tard une retraite satisfaisante par rapport à leurs revenus.
La question des retraites, avec celle du chômage, points cardinaux et enjeux de la prochaine élection présidentielle, sont les ingrédients qui vont en effet, à moins d’une décision immédiate, conduire à l’explosion de ce quinquennat qui court sur son erre.
Il faut en effet répondre aux multiples défis auxquels l’assurance vieillesse est confrontée : vieillissement de la population, allongement de la durée de vie, départs massifs à la retraite de la génération baby-boom.
Comme l’écrit Hakim El Fattah, ces défis sont incontestablement des tendances lourdes dont les conséquences se vérifient à travers les déficits importants de cette branche. Ainsi, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, le déficit devrait être de 9,5 milliards d’euros en 2009, contre 7,2 milliards prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, et atteindrait, à législation constante, près de 15,7 milliards d’euros en
La branche retraite du régime général est passée en quelques années d’un excédent en 2003-2004 à un déficit important en 2007, de plus 4,5 milliards d’euros. En 2008, ce déficit s’est creusé de 1,2 milliard d’euros pour atteindre 5,6 milliards d’euros et devrait poursuivre sa dégradation en 2009 et dépasser les 8,2 milliards d’euros. Le déficit dépasserait les 10,5 milliards d’euros en 2010 et, selon les projections figurant à l’annexe B du projet de loi, atteindrait, à législation constante, 14,5 milliards d’euros en 2013.1
La crise actuelle n’épargne pas les régimes de retraite ; ainsi, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoyait des recettes à hauteur de 95,3 milliards d’euros pour la branche vieillesse du régime général, les prévisions révisées inscrites à l’article 4 du présent projet sont de 90,7 milliards d’euros, ce qui explique pour l’essentiel l’aggravation du déficit.
Le projet de LFSS pour 2010 ne prévoit pas de dispositions importantes qui auraient pour objectif de répondre aux difficultés de l’assurance vieillesse. L’avenir de cette dernière fera l’objet d’un grand débat national en 2010. Le Président de
Dont acte, mais qu’en sera-t-il dans les faits ? Car la question qui se pose n’a en effet rien à voir avec l’honneur ni même avec la morale, mais tout simplement avec une balance comptable entre des ressources (à l’heure actuelle de l’ordre de l’hypothèse ou du vœux pieux) et des dépenses (bien réelles, quant à elles, et prévisibles dès lors que l’hémorragie est constatée).
La réunion que le Conseil d’orientation des retraites a tenue le 16 septembre
Comme l’expliquent Christophe Albert et Jean-Baptiste Oliveau dans leur rapport intitulé Simulations, à l’aide du modèle PRISME de
Les services de
L’intérêt d’un modèle de micro simulation tel que PRISME , expliquent-ils, est qu’il permet d’analyser les effets en termes de redistribution intra-générationnelle d’un tel changement. Le choix, expliquent-ils encore, est fait dans les simulations qu’ils présentent de se placer autant que possible « toutes choses égales par ailleurs » notamment à solde du régime inchangé, en conservant les éléments non contributifs actuels et avec un niveau de ressources identique. Ce choix permet en effet d’analyser les seuls effets du mode de calcul des droits (en annuités ou en points). Il ne signifie en aucune manière que le passage éventuel à un régime en points doive se faire sous de telles hypothèses. En particulier, la question du retour à l’équilibre financier des régimes se pose dans tous les cas, que le régime soit en annuités, en points ou en comptes notionnels, de même que celle des évolutions possibles des éléments de solidarité actuels.
¹ C’est l’article 75 de
² Dans le régime des comptes notionnels, chaque assuré acquiert un capital virtuel de droits à retraite qui reflète les cotisations versées ; il peut se comparer à cet égard au régime par points. Cependant, dans le premier régime, la valeur du capital varie en fonction de l’espérance de vie de la génération de l’assuré et de son âge au moment du départ en retraite. Ainsi, les notions d’âge légal de la retraite et de durée d’assurance n’ont pas de fondement dans les régimes notionnels à cotisations définies. 2
Mais que le « grand public » peut-il comprendre à ces études remarquablement précises dès lors qu’il n’attend qu’une réponse à la question qu’il se pose : « quand vais-je pouvoir prendre ma retraite, à quel taux, et les revenus qui me seront versés seront-ils en mesure de subvenir à mes besoins ? » Pas grand-chose. A moins qu’on le tranquillise en lui expliquant sereinement, sans fioritures, qu’il existe non seulement un extincteur mais aussi une issue de secours pour peu qu’il veuille bien les utiliser.
Mieux qu’une réponse, la solution existe-t-elle ? Bien évidemment, à ceci près qu’elle suppose l’arrêt complet de l’appareil avec - condition sine qua non - le courage d’une décision immédiate qui consiste à poser comme nécessaire et inéluctable l’obligation de rajuster les retraités présents et futurs à la péréquation d’un revenu unique pour tout le monde, sorte de « période spéciale », le temps de résoudre le deuxième problème : le chômage, lequel requiert pour ce faire une révision et une remise en cause complètes des promesses de campagne formulées en 2007 par le Chef de l’Etat.
Ce qu’il faut comprendre - mais une lecture attentive et préalable du rapport précité s’impose, lecture réellement intéressante - c’est que les graphes retenus permettent en effet d’observer la distribution des pensions de ceux dont la pension serait plus élevée (respectivement plus faible) avec les nouvelles règles, par sexe et pour les pensions liquidées en 2050. En comparant les pensions du régime actuel et celles du régime en points, les auteurs montrent en effet :
- que l’on assiste bien à un « recentrage » des pensions, puisque les pensions avec les règles actuelles de ceux qui seraient désavantagés par la transition sont relativement élevées, alors qu’à l’inverse les pensions avec les règles actuelles de ceux qui seraient avantagés sont plus faibles ;
- que néanmoins, les pensions en points de ceux qui seraient désavantagés par le passage à un régime en points restent supérieures aux pensions en points de ceux qui seraient avantagés par le changement de règles (sauf pour les pensions les plus élevées).
Note :
PRISME (Projection des RetraItes, Simulations, Modélisation et Evaluations) est le modèle de
micro-simulation dynamique créé par
Sources et références :
http://www.dialogue-social.fr/fr/retraite/seniors.html
08-12-2009
L’avenir incertain de l’assurance vieillesse.
25-11-2009
L’Assurance Retraite publie son baromètre annuel sur « Les Français et la retraite ».
02-11-2009
Personnes âgées et handicapées : installation du nouveau conseil de
20-10-2009
Cumul emploi retraite et retraite progressive : un point commun et beaucoup de différences.
20-10-2009
Quelles sont les motivations des départs à la retraite en Europe : situation personnelle, familiale, professionnelle, ou rôle de la protection sociale ?
Retraite : dossier spécial dans Le Nouvel Observateur.
12-10-2009
Le droit à l’indemnité de départ à la retraite.
07-10-2009
Conseil d’orientation des retraites (COR) : les modalités techniques d’un passage éventuel vers un régime en points ou un régime en comptes notionnels.
http://www.cor-retraites.fr/article359.html,
Voir aussi :
" Pour un nouveau système de retraite : des comptes individuels de cotisations financés par répartition", Bozio et Piketty T., Coll. du Cepremap n°14, éd. Rue d’Ulm (2008)
« Le Fonds de réserve pour les retraites, bilan et perspectives », Anne Lavigne http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2008-1-p-187.htm
LAVIGNE Anne (2003), "Pension Funds in
LAVIGNE Anne (2003), "Analysing French Pension Reforms ?",
LAVIGNE Anne (2007), (en collaboration avec Ch. Berger), "A Model of the French Pension Reserve Fund : what could be the Optimal Contribution Path Rate ?", Journal of Pension Economics and Finance, 6(3), 1-18
A consulter à partir de http://www.univ-orleans.fr/leo/pages/articles.htm
1 Hakim EL FATTAH, L’ avenir incertain de l’assurance vieillesse.
Rapport fait au nom de
2 Hakim EL FATTAH, Conseil d’orientation des retraites (COR) : les modalités techniques d’un passage éventuel vers un régime en points ou un régime en comptes notionnels. In Dialogue Social, 07-10-2009.
Documents joints :
Document 2 : questions liées à la transition d’un régime de retraite en annuités à un régime en comptes notionnels.
Document 1 : note de présentation générale.
Pour la lecture et l’étude précise de ces documents, consulter http://www.cor-retraites.fr/article359.html, site du Conseil d’orientation des retraites.
29 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON