Avenir du nucléaire : les industriels contre-attaquent
Le débat sur l’avenir du nucléaire ressemble de plus en plus à un match de boxe : d’un côté, les industriels, de l’autre les anti-nucléaires, en guise d’arbitre l’Etat et dans les gradins, les citoyens qui ne comprennent plus forcément ce qui se passe sur le ring. Jeudi 13 février, Henri Proglio, le PDG d’EDF, a lancé le second round de ce combat : la possibilité de construire de nouvelles centrales.
Un premier round à l’avantage des anti-nucléaires
Travaillé au corps par EELV, François Hollande a répété depuis deux ans que la centrale de Fessenheim serait fermée. Ce sujet a complètement dominé le débat sur l’avenir du nucléaire. Situation qui arrangeait finalement tout le monde : EELV y voyait un signe de son poids politique, le PS contentait son allié, et les industriels gagnaient du temps en vue de la manche suivante.
Le chrono tourne
La question de la prolongation ou du démantèlement des sites nucléaires devient de plus en plus pressante. Le parc français ayant été construit entre le milieu des années 70 et le milieu des années 80, la plupart des centrales se rapprochent de leur quarantième anniversaire.
Mais c’est surtout l’agenda politique qui a précipité une remontée aussi rapide du lutteur Henri Proglio sur le ring. La loi sur la transition énergétique, prévue pour cet été, pourrait en effet contenir des dispositions visant à fermer pour des motifs politiques les centrales, donnant de nouvelles armes aux opposants. Car, pour l’heure, une fermeture ne peut être décidée que par son exploitant pour des raisons économiques ou par l’ASN (autorité indépendante) pour des motifs de sûreté.
Prendre l’adversaire à son propre jeu
Dans ce contexte, les industriels posent la question qui fâche : comment remplace-t-on les capacités de production des centrales fermées ? Le PDG d’EDF a l’intention de prendre au mot le président de la République : « le passage de 75 à 50% de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français ». Selon le raisonnement de l’énergéticien, cela signifie qu’il n’est nullement question d’abandonner l’atome mais d’instaurer un plafond.
Précision supplémentaire d’Henri Proglio, l’évolution de la démographie française et les nouveaux modes de vie (numérique, mobilité électrique…) s’accompagnent d’une hausse de la consommation d’électricité. Dès lors, la capacité électronucléaire actuelle représente à peine la moitié du besoin d’électricité dans dix ans. Donc si aujourd’hui on ferme des centrales, il n’y a pas d’autre choix que d’en construire de nouvelles pour se conformer à l’objectif de 50% !
Des opposants qui marquent le pas
Pendant que les défenseurs du nucléaire préparaient leur revanche, leurs adversaires n’ont pas su se renouveler. Ainsi, Greenpeace ne fait que répéter les mêmes opérations médiatiques pour présenter le nucléaire comme une « énergie du passé », parodiant encore récemment le journal L’Usine nouvelle, renommé « L’Usine ancienne ».
En parallèle, EELV a lancé une nouvelle offensive à l’Assemblée nationale en créant une commission d’enquête sur le coût du nucléaire. L’initiative sent toutefois nettement le réchauffé après les travaux d’une commission analogue au Sénat il y a à peine un an et demi, elle aussi créé par le parti vert.
Principal cheval de bataille des opposants, la catastrophe de Fukushima a été utilisée de manière caricaturale et sensationnaliste : dernier exemple en date, le canular sur la pollution massive de l’océan Pacifique. Sur place, les Japonais ont, eux, choisi d’élire un gouvernement favorable à la reprise du programme nucléaire, lassés par trois ans de rationnement de l’électricité et une explosion de la facture des importations d’hydrocarbures.
Le bras de fer en vue de l’élaboration de la loi sur la transition énergétique, qui doit être présentée cet été, a commencé. Jusque-là, les anti-nucléaires semblaient dominants mais, endormis sur leurs lauriers, ils risquent désormais d’être supplantés par les « pros ». En posant ouvertement la question du remplacement des centrales actuelles, les industriels prennent de court leurs adversaires qui n’ont, pour l’heure, aucune réponse concrète à apporter.
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