S’il est un sujet mal-connu de nos jours, voire méconnu, souvent présenté de façon superficielle, c’est bien celui de la Décroissance.
A la décharge de ceux qui ne voient dans ce terme qu’un retour à l’époque où l’on s’éclairait à la bougie, la médiatisation trompeuse utilisant des images allégoriques y est pour beaucoup. C’est ainsi que l’on a pu voir sur France 2 au mois de janvier lors de l’émission, « Envoyé spécial », une caricature de la décroissance, confusion volontairement entretenue dont d’ailleurs dans le même ordre d’idée M6 nous a gratifié le 25 mars pour disqualifier la décroissance.
Pour ceux qui ingurgitent sans esprit critique la télévision, la décroissance serait essentiellement le fait de consommer moins ou différemment. Je n’épiloguerais pas un passage significatif de l’introduction du reportage de M6 où le journaliste Mardon fait preuve d’un semblant de méconnaissance voulue pour dévaloriser le concept. Simplement pour dire que si la décroissance n’est que le fait d’aller chier dans la sciure de bois et vivre dans une yourte, le sujet politique et écologique de la décroissance soutenable sera vite épuisé et totalement vidé de son sens.
D’abord, il faut élargir le débat, l’époque de la génération des bobos d’après 68 étant de l’histoire ancienne, nous devons donc faire une approche plus politique de nos sociétés. Et y inclure tout de suite la première constatation qui est que la recherche de croissance exponentielle est incompatible avec une écologie salvatrice, et surtout avec le partage des richesses. Aussi, dans le même ordre d’idée, le développement durable qui veut que les avancées scientifiques vont en partie régler les dysfonctionnements, apporter des solutions aux dérèglements planétaires tout en continuant de croître économiquement est une fumisterie de première. Il n’y a donc d’autres perspectives que de combattre le productivisme, quel qu’il soit : capitaliste où communiste à la mode de l’ancienne URSS.
Certes, il ne faut pas négliger l’aspect individuel qui va s’attacher à la préservation de la nature, il a son importance, mais il faut aller plus loin en dirigeant la collectivité un modèle de société ou le partage sera la base du système. A fortiori, pour le système économique !
D’entrée, une constatation s’impose, c’est que nos moyens énergétiques et de fabrications ne doivent plus être essentiellement pompés dans le capital nature, et particulièrement celui non renouvelable. Le capital humain deviendra par la même occasion l’une des priorités conceptuelles. Cela induit donc que la recherche de l’économie d’énergie est essentielle et va par conséquence apporter certaines contraintes, comme dans la construction par exemple où on fait déjà quelques efforts néanmoins encore insuffisants.
Il y a aussi les matières premières utiles à la fabrication des objets courants et indispensables qui sont elles aussi extraites du sous-sol. Il faut de la bauxite pour fabriquer un récipient en aluminium par exemple, mais on peut aussi recycler encore plus, en ne surconsommant pas le matériel jeté suffirait pour le renouvellement.
Toutefois, il ne s’agit pas de le faire à grande échelle comme cela se pratique en Inde avec le démantèlement des paquebots, non, récupération au niveau de la collectivité locale des métaux et transformation par des fours Martin, ne serait-ce que pour citer cet exemple. Fours d’ailleurs que l’on pourrait faire fonctionner grâce à l’électricité fournie par la méthanisation du reste des déchets. Il y a foule d’exemples, comme le retour au verre consigné, etc… Sans parler des amuses gueules totalement inutiles dans beaucoup de circonstances comme le téléphone portable. Pour un toubib, un sauveteur, d’accord, mais pour téléphoner à son concubin pour lui dire d’acheter une boîte de petit pois, c’est chèrement compromettre l’environnement pour un service qui n’en est pas un.
Cela implique naturellement une autre conception sociétale et intellectuelle, la relocalisation en est un, donc des moyens de fabrications plus diversifiés, écologiquement responsables, et cela va de soi, en dehors du système des multinationales. On va donc vers l’autogestion, la nationalisation pour les grosses entités indissociables puisque le capital financier n’est plus une priorité laissant place au capital humain avec une répartition des responsabilités, et une relation tout à fait différente vis-à-vis de la notion de travail, au service cette fois d’une rémunération équitable. Qui plus est, avec la conscience d’être utile à la société, ce qui est loin d’être le cas pour le système productiviste.
Je n’aborderais cet aspect que rapidement, simplement pour dire que lorsque les pays favorisés iront dans la voie de la décroissance, le rapprochement sociétal et le partage des richesses avec les pays défavorisés sera efficient, ce qui mènera à la disparition du colonialisme, et là c’est évident, à des flux migratoires beaucoup moins importants.
Cela va permettre d’envisager aussi de changer notre regard sur les moyens de transport, puisque le rapprochement du lieu de travail sera effectif avec la localisation, et par là même la diminution du parc automobile au profit de la collectivisation des transports, ça c’est de la vraie décroissance ! Allant d’ailleurs à l’opposé de l’image tronquée du supposé « décroissant » qui construit sa maison en bois dans un lieu éloigné et inaccessible, et qui prend sa bagnole tout seul pour faire maints kilomètres pour aller bosser.
De façon succincte, suppression de la pub, des grandes surfaces, un rapport plus direct entre le producteur et le consommateur, un réel commerce équitable….
Ce ne sont là que quelques pistes qui indiquent néanmoins l’orientation de la vraie Décroissance et non celle affichée par quelques spécimens en mal d’exotisme ou de folklore, que sais-je encore…
Mais tout cela demande à l’évidence la refondation de notre société vers une société de partage. Cela ne sera donc possible qu’avec une réelle prise de position politique anti-capitaliste, ce qui implique un engagement à long terme au côté, voire inclus dedans à l’occasion, des partis politiques anti capitalistes réellement responsables.
Pour conclure, je n’ai fait qu’effleurer ce vaste sujet, mais j’espère cependant que cela aura remis quelques idées en place.
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