L’Homme, première victime des changements climatiques depuis un millénaire
Lundi s’est ouvert le 5è Forum mondial sur la "crise de l’eau", à Istanbul : quelque 15.000 participants sont attendus pour une semaine de débats.
Mais ici, nous allons aussi aborder le réchauffement climatique sous l’angle historique en parlant de l’aspect naturel de ce phénomène. Le réchauffement de la planète est cyclique : le climat global de la Terre connaît régulièrement des modifications, suivant différents cycles climatiques alternant réchauffement et refroidissement, qui diffèrent par leur durée et par leur amplitude. Et dans notre histoire récente, les hommes ont déjà eu à faire face à des phases de réchauffement et de refroidissement.
Nous sommes actuellement dans une période chaude interglaciaire et ce, depuis plus de 10 000 ans. Et à l’intérieur de cette période interglaciaire il peut y avoir des périodes de refroidissement et de réchauffement. C’est justement ce qui s’est produit au cours du dernier millénaire.
Du Xè siècle au XIVè siècle environ, nous avons déjà connu une période de réchauffement climatique appelée « optimum climatique médiéval ». Pour illustrer les températures de l’époque, nous allons prendre un exemple historique particulièrement parlant.
En ce temps-là, les Vikings tirèrent avantage des mers libres de glaces pour coloniser le Groenland. C’est Erik le Rouge (950-1001) qui découvrit le Groenland. C’est un riche propriétaire terrien qui fut banni de Norvège puis d’Islande pour meurtre. Il décida alors d’explorer la terre qu’un de ses amis avait aperçue à l’ouest de l’Islande. Son périple le conduisit en 981 jusqu’à cette île qu’il appela Groenland (littéralement « Pays vert »). Si ce nom peut paraître étonnant aujourd’hui pour ce pays, c’est parce que le climat qui y régnait à cette époque était plus chaud.
Néanmoins, selon les sagas, si il nomma cette terre Pays Vert, c’est aussi « car les gens auraient fort envie d’y aller si ce pays portait un beau nom ». À son retour en Islande, il persuada des parents et des amis de le suivre par bateaux entiers afin de coloniser la nouvelle terre.
Puis, du Groenland, il y eut les voyages vers l’Amérique. La découverte de cette nouvelle terre est attribuée à Leif Eriksson, fils d’Erik le Rouge, vers 1001, qu’il baptisa Vinland (« Pays du vin »). Suite à des fouilles menées à Terre-Neuve au Canada en 1961, il a été prouvé l’existence d’un village viking, première trace historique d’une présence européenne en Amérique
Pour citer un autre exemple intéressant illustrant le climat plus chaud, il faut savoir que pendant cet « optimum climatique médiéval », on cultivait la vigne jusqu’en Grande-Bretagne !
Puis pendant la période des Temps Modernes (mi XVIè siècle – mi XIXè siècle), le climat connut une période de refroidissement que les historiens appellent le « petit âge glaciaire ». Le petit âge glaciaire correspond concrètement à un léger refroidissement climatique de l’ordre de moins de 1°C. Cette diminution était suffisante pour provoquer les hivers les plus rigoureux du millénaire qui affectèrent plus ou moins directement et violemment, la vie des populations : cela ralentit les activités humaines, notamment la production agricole. Cela a aussi un mauvais impact sur la faune et la flore : les animaux meurent car on ne peut plus les nourrir.
Pour les historiens, cela est une explication de la disparition des Vikings du Groenland à cette époque, après environ 400 ans de colonisation grâce à un climat appréciable. En effet, le refroidissement climatique y rendit impossible l’agriculture et fit disparaître les forêts. Les colonies du Groenland perdirent ainsi peu à peu de leur intérêt, de nombreux colons quittèrent l’île, et la malnutrition, le froid accélérèrent la mortalité. Le Groenland est abandonné au début du XVe siècle. Un navire allemand se rendant au Groenland un siècle plus tard en 1540 ne trouve que des fermes abandonnées et dans l’une d’elle, un cadavre non enseveli : il devait être le dernier survivant des colons vikings !
Autres exemples illustrant la chute des températures : en janvier 1709, la température sous abri se maintint à Paris aux environs de -20 °C. Le thermomètre s’abaissa jusqu’à -16,1 °C à Montpellier et -17,5 °C à Marseille ! Ces hivers rigoureux furent accompagnés de disettes et de famines. Les années 1693 et 1694 virent près de deux millions de français mourir sous le règne de Louis XIV, autant que durant la Première guerre mondiale !
En Savoie, au milieu du XVIIe siècle, les glaciers des Alpes suisses avancent rapidement, engloutissant fermes et villages !
En Angleterre, la Tamise gèle (pour la première fois en 1607, pour la dernière fois en 1814) ! De la même façon, les canaux et rivières des Pays-Bas se muent en glace lors de plusieurs hivers : par exemple durant celui de 1794-95, la cavalerie française menée par le général Pichegru, lors des campagnes révolutionnaires, s’empare de la flotte hollandaise prise dans les glaces.
Lors de l’hiver de 1780, la zone fluviale de New York (New York Harbor) devient solide : on marche entre Manhattan et Staten Island !
Plusieurs théories d’ordres naturelles ont été avancées pour expliquer l’existence et surtout la persistance du petit âge glaciaire.
- Il est connu que les cendres et nuages de poussières expulsés par un certain type de volcan peuvent nettement diminuer l’efficacité du rayonnement solaire. Or, en 1913, un météorologue américain établit un rapport entre le froid de 1816 et une série d’éruptions volcaniques, notamment celle du Tambora en Indonésie actuelle. L’éruption de ce volcan en 1815 a été la plus importante de l’histoire. Elle éjecta près de 200 milliards de tonnes de cendres dans la haute atmosphère. La circulation de la poussière et des gaz entraîna dans le monde un changement climatique général. L’année 1816 est connue comme « l’année sans été ». En effet, le voile épais a suffi à arrêter une partie des rayons du soleil. En Amérique du Nord, en 1816, la neige tomba en plein été. La même année, il faisait 26,7°C à Williamstown (Massachusetts) le 5 juin. Le 6 au matin, il ne faisait plus que 7,2°C et le 7 juin, il neigea ! Cependant, cette thèse n’explique pas tout puisque le petit âge glaciaire avait débuté dès le XIVe siècle.
- Une seconde explication, pas nécessairement contradictoire, serait à trouver dans l’activité du Soleil. L’activité solaire depuis l’an 900, est aujourd’hui mesurée par la variation de quantité de carbone 14 par rapport à l’actuel, dans le bois (plus il y avait d’activité solaire et moins il y avait de carbone 14 produit dans l’atmosphère et le bois de l’époque, car les vents solaires dévient les rayons cosmiques qui produisent le carbone 14). Et il semble qu’elle ait été particulièrement faible sur une bonne partie de la période du petit âge glaciaire.
- Le climat dépendrait aussi des variations des paramètres de l’orbite terrestre, qui influent sur le rayonnement solaire reçu par la surface terrestre (théorie de Milanković).
- Enfin, une altération du Gulf Stream est parfois évoquée comme cause possible du petit âge glaciaire : si les courants marins ralentissent, les couches supérieures de la mer s’acidifient plus rapidement et la mer absorbe moins de CO2, voire en relargue, et ainsi augmente les taux atmosphériques de gaz à effet de serre, ce qui augmente la température de l’hémisphère nord, ainsi que la fonte des glaciers.
Après un réchauffement climatique du Xè au XIVè siècle, puis un refroidissement du XVè au XIXè, nous connaissons donc aujourd’hui une nouvelle phase de réchauffement climatique, ce qui pourrait apparaître tout simplement naturel. C’est ce que pensent d’ailleurs certains scientifiques très minoritaires.
Mais ce qui n’est pas naturel c’est la vitesse du changement qui s’opère sous nos yeux (graphique). Nous pouvons trouver un lien de cause à effet entre la fin du petit âge glacière et le début du réchauffement climatique actuel. En effet, le petit âge glacière s’arrête au XIXè siècle, c’est-à-dire au moment même où commence la Révolution industrielle en Europe, là où les Hommes se mettent à émettre des gaz à effet de serre dans l’atmosphère par leurs activités. Un siècle après (seconde partie du XXè siècle), nous constatons clairement le réchauffement de la planète. Selon les climatologues, la dernière décennie du XXe siècle et le début du XXIe siècle constituent la période la plus chaude des deux derniers millénaires. Selon une étude américaine, les dix années les plus chaudes depuis 1880, sont toutes des années comprises entre 1995 et 2007 !* Notre époque serait donc plus chaude de quelques dixièmes de degrés par rapport à la période de l’optimum climatique médiéval.
Ce qu’il faut dire c’est que avec ou sans nous, les changements climatiques se produiront. Mais nous devons faire attention à ne pas les précipiter, voire les provoquer. Ces cycles naturels ne doivent donc pas nous faire oublier nos responsabilités vis-à-vis des générations futures. Car l’activité de l’Homme contribue à ce réchauffement ; d’où l’urgence de la mise en œuvre de politiques de développement durable. Heureusement, ces politiques rentrent dans les mœurs de nos dirigeants, et même aux Etats-Unis avec le nouveau président Obama. Mais seront-elles suffisantes ?
Face à ce défi, l’Homme a la capacité de bâtir un monde nouveau tourné vers le développement durable ; il a déjà commencé, cela prendra beaucoup de temps, plus de temps que l’échelle d’une vie, mais l’Homme y arrivera parce qu’il a toujours su s’adapter à son milieu, mais aussi parce qu’il n’a pas le choix s’il veut, en tant qu’espèce, survivre sur Terre…
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