L’Ifremer assigné en justice par des ostréiculteurs
L’huître fait partie des grands classiques à retrouver dans les menus de fêtes. L’huître est un régal pour les amateurs. Ce mollusque bivalve vit dans les eaux salées et on le trouve le long de toutes les côtes françaises. Toutefois, les professionnels français s’inquiètent !
L’association "Ostréiculteur traditionnel", qui regroupe des producteurs d’huîtres nées en mer, avait saisi en début du mois d'octobre 2014 le tribunal administratif de Rennes en référé.
Remontés par la crise de la surmortalité des huîtres, les ostréiculteurs traditionnels qui élèvent des coquillages nés en mer et non en écloserie, sont en guerre avec l'Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) qui a lancé une huître fine toute saison à croissance rapide, grâce à des manipulations génétiques.
L’association "Ostréiculteur traditionnel" se demande si la triploïde ne conduit pas à un affaiblissement du capital immunitaire de l'huître, voire si elle n'est pas à l'origine de la mutation de l'herpèsvirus OsHV-1.
L’Ifremer a "mis au point" l’huître triploïde dotée de trois paires de chromosomes en 2007. Elle a été obtenue par croisement entre une huître femelle diploïde (deux paires de chromosomes) et une huître mâle tétraploïde (quatre paires). Stérile, la triploïde est aussi appelée “l’huître des quatre saisons” : elle plaît au consommateur notamment l’été car elle ne produit pas de laitance.
Les naissains d’huîtres connaissent une mortalité massive, due à un virus depuis 2008. L’association Ostréiculteur traditionnel, qui regroupe des producteurs d’huîtres nées en mer, assigne Ifremer en justice pour négligence et défaut de surveillance. Enjeu : une forme d’industrialisation de la culture du mollusque.
L’association, qui avait déjà déposé une requête contre l’Ifremer en 2010, estime que l’institut n’a pas mis en garde le ministère de l’agriculture sur les risques importants de diffusion du virus et n’a pas suggéré de mesures de prévention et d’éradication de ce virus, pourtant identifié dès 1991.
Plus grave : les producteurs soupçonnent les chercheurs d’avoir contribué à la fragilisation de l’espèce naturelle via la création et la commercialisation d’huîtres biologiquement modifiées : les triploïdes. Selon eux, cet appauvrissement du patrimoine génétique du bivalve serait à l’origine de l’hécatombe. Car, avant 2008 le virus (inoffensif pour l’homme) existait mais ne tuait pas les coquillages.
L’association dénonce « les promesses fallacieuses d'Ifremer et des écloseurs qui ont introduit des modifications génétiques. Lesquelles ont détruit l'ADN des huîtres traitées avec des produits mutagènes. D'un autre côté, poursuivent les ostréiculteurs de Saint-Philibert, les techniques d'élévation brutale de la température de l'eau dans les écloseries ont augmenté la puissance des virus ».
La casse, pour François Gouzer et Yannick Stéphan (tous les deux membres de l'association “ostréicultrice traditionnelle”) , est à l'avenant : des huîtres terriblement affaiblies, incapables de résister sur le plan biologique. « Les juvéniles seront morts à 90 % à la fin de l'été », tempêtent les ostréiculteurs en se défendant de jouer les oiseaux de mauvais augure...
Mais comment en est ont arrivé là ?
« Le virus a été découvert en écloserie en 1991, et rien n'a été fait pour le stopper. Il y a le choc thermique des températures de l'eau supérieures de 6 à 10°, l'utilisation de produits chimiques (la cythocalasine B et le 6-DMAP). Un bouillon de culture » selon François Gouzer ( association “ostréicultrice traditionnelle”) où se complaît un virus devenu incontrôlable.
« Pourtant, une directive européenne oblige ceux qui utilisent ces produits à faire la preuve qu'ils ne sont pas dangereux pour l'environnement, l'animal et l'homme ».
Plus de 70 professionnels de toute la France regroupés au sein du réseau “Ostréiculteur traditionnel” voient d’un mauvais œil cette créature qu’ils n’hésitent pas à comparer aux OGM.
Annie Castaldo, “ostréicultrice traditionnelle” sur le bassin de Thau (dans l'Hérault) n’est pas loin de mettre la mortalité de l’huître sur le compte de la triploïde : « La mortalité est arrivée en même temps que la triploïde. "On a déjà fragilisé le milieu naturel, maintenant on risque de le stériliser".
Elle pointe du doigt l’Ifremer “juge et partie” dans cette affaire. Pour elle, la triploïde n’a qu’un but, « favoriser les écloseries au détriment du milieu naturel ». Elle dénonce « ces manipulations chromosomiques » et réclame un moratoire sur la triploïde avant qu’il ne soit trop tard. Enfin, elle estime que l’étiquetage des huîtres est une priorité absolue « afin que le consommateur sache ce qu’il mange, s’il s’agit d’une triploïde ou pas ».
Un PATRIMOINE GÉNÉTIQUE APPAUVRI qui favorise l'emprise du virus ?
L'association reproche à l'organisme Ifremer de s'être intéressé trop tard à l'herpèsvirus OsHV-1, repéré en 1991.
Elle dénonce une « surveillance essentiellement passive » ; des résultats d'analyses confidentiels qui n'ont pas permis à la profession de prendre la mesure de l'épizootie ; une communication brouillonne, « emprisonnée dans les doutes respectables du chercheur ».
L’association "Ostréiculteur traditionnel" refuse d'élever des mollusques nés en écloserie et surtout pas les triploïdes créées par l'Institut français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer. Ils les soupçonnent de jouer un rôle dans la surmortalité des jeunes huîtres apparue en 2008.
Depuis 2008, la mortalité des huîtres de moins d’un an, les naissains, affecte entre 60 et 90 % de la production dans la plupart des sites ostréicoles français. Une hécatombe due à un variant de l’Herpès virus de l’huître ( OsHV-1 ), qui n’a cessé de se développer malgré les appels à l’aide des ostréiculteurs.
Le virus touche tous les ostréiculteurs, traditionnels ou pas. Mais l’association "Ostréiculteur traditionnel" se demande si la triploïde ne conduit pas à un affaiblissement du capital immunitaire de l'huître, voire si elle n'est pas à l'origine de la mutation du virus.
L’association "Ostréiculteur traditionnel" a aussi demandé au laboratoire Frank Duncombe de chercher un lien éventuel entre triploïde et surmortalité.
La mutation du virus OsHV-1, présentée comme responsable de la surmortalité massive des jeunes huîtres, est apparue plusieurs années avant la date de 2008 admise jusqu'à présent, selon des résultats de recherches rendus publics par un laboratoire de Caen.
Selon des chercheurs, le phénomène a pu être accentué par des facteurs tels que la pollution ou l'élévation de la température de l'eau de mer, des concentrations plus fortes des jeunes huîtres dans les parcs, ou encore l'arrivée d'une huître génétiquement modifiée ... affaiblissant les huitres du milieu naturel.
Les ostréiculteurs craignent une disparition de leur huître naturelle. Ils ont observé qu'à proximité des triploïdes, les diploïdes ont parfois du mal à se développer. Et ils redoutent de perdre leur indépendance.
Qu’est-ce qu’une triploïde ?
Le bébé huître (naissain), est issu du croisement d’une huître diploïde (normale donc, comme vous et moi, 2 paires de chromosomes), et d’une tétraploïde (4 paires de chromosomes). Cette tétraploïde est produite par choc chimique sous brevet d’IFREMER. Ce brevet tombe dans le domaine public en 2015 et pourrait passer aux mains d’autres laboratoires privés…
La triploïde, issue de ce croisement, a 3 paires de chromosomes et donc est censé ne pas se reproduire. Elle serait stérile.
Les triples X ne sont pas des organismes génétiquement modifiés, car ce ne sont pas les chromosomes eux-mêmes qui sont modifiés mais leur nombre, comme pour les clémentines sans pépins. Le procédé, rare pour les animaux, est utilisé pour la truite.
Le point de vue de Bruxelles sur les huitres
Selon Bruxelles, il faut avoir une traçabilité jusqu’aux père et mère de l’huître, donc une traçabilité possible uniquement sur les huîtres de laboratoire ; Un comble : les huîtres nées en mer ne seraient donc pas « bio » selon les critères de Bruxelles !! Le lobbying à la Commission européenne permet "aux intéressés" à mettre en cause l'évolution naturelle, cela est également valable pour les semences naturelles...
Un parfum d'OGM
Les semenciers, comme par exemple la société américaine Monsanto, ont introduit un gène de stérilité, " Terminator " dans les semences ce qu'empêche les agriculteurs de reproduire des semences (agissement ainsi contre la nature) créant également une dépendance des agriculteurs vis à vis des grands fournisseurs semenciers (les quelles déposent des brevets sur leur OGM) tout en restreignant l'accès aux semences naturelles...
Voire mon article sur les semences que j'avais écrit en 2013
Nouvelle législation européenne sur le commerce des semences
L'Ifremer a repris "le modèle commercial des multinationales américaines" sur le principe de stérilité des semences et l'applique désormais aux naissains (bébés huîtres) ! C'est un marché juteux pour l'avenir des sociétés exploitent ses techniques (à partir de 2015 à la fin du brevet) ! On peut s'attendre à une flambé du prix des huitres qui deviendront un produit de luxe dans un proche avenir.
Annie Castaldo, ostréicultrice installée à Marseillan (Hérault), accuse l'Ifremer :
" L'institut a favorisé la situation actuelle. Il y a un brevet pour la tétraploïde, et c'est avec un ça qu'on fait la triploïde. Avec ses huitres ayant subi des manipulations chromosomiques, on peut augmenter la production durant l'été. Stériles, elles ne produisent pas de laitance, au contraire de l'huitre naturelle. On nous dit à l'époque que s'était pour plaire aux consommateurs estivaux qui ne supportent pas la laitance", explique Annie Castaldo. "Mais au final, c'est le signe des lobbys qui visent à interdire la reproduction des animaux dans le milieu naturel au profit d'entreprises qui vont ensuite fournir "la semence"..." Dans le droit fil, donc des accusations portées à l'égard des OGM.
"On est des éleveurs, mais on veut laisser faire la nature le plus possible. Avec la triploïde, on est en train de dénaturer un animal sauvage au risque que ça se retourne contre nous", explique Annie Castaldo.
L'association Ostréiculteur traditionnel s'apprête à lancer son propre étiquetage "Huîtres nées en mer" sur les marchés et réclame une traçabilité.
La demande légitime d’étiquetage et de traçabilité des huîtres provenant de ces laboratoires-écloseries ayant échoué, nous avons estimé nécessaire et juste d’identifier les ostréiculteurs qui ne produisent que des huîtres issues du captage traditionnel.
http://www.ostreiculteurtraditionnel.fr/qui/qui.html
L'accusation d'Annie Castaldo contre l'état français et l'Ifremer est sévère :
"Du fait d'avoir stérilisé les huitres on a fragilisé toutes les huitres qui sont des huitres sauvages au départ, de tout le littoral français, et on a voulu modifier les chromosomes pour rendre les huitres stériles. Par le fait d'avoir stérilisé les huitres on a fragilisé toutes les huitres ; on a installé un produit modifié dans un milieu naturel ... les huitres ne peuvent pas vivre dans un milieu confiné comme les poissons, eh bien on les a mis dans le milieu naturel et maintenant toutes les huitres sont fragilisées !"
Ecoutez le témoignage suivant d'Annie Castaldo à partir de la 7ème minute ...
http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/prise-de-terre/5016186-dossier-prise-de-terre-a-la-mer-3-4-03-08-2013.html?f=player/popup
Parle-t-on d’OGM pour les huîtres ?
Non, car il n’y a pas de manipulation du génome, seulement un changement de paires de chromosomes. D’après Bruxelles, la triploïde n’est donc pas un OGM. Néanmoins, de nombreux scientifiques parlent d’Organisme Génétiquement Maltraité.
Peut-on différencier une huître naturelle d’une huître triploïde ?
Oui, mais au microscope ! Un professionnel aguerri pourra parfois la différencier au coup d’œil (présence d’un talon recourbé vers le haut en forme de bec d’oiseau). Seule une traçabilité et un affichage (non obligatoire) peuvent le faire.
Ifremer : La recherche laisse place à l’activité commerciale
Benoît Le Joubioux, président d’Ostréiculteur Traditionnel, rappelle que « l’institut Ifremer, en tant qu’Epic (Etablissement public, industriel et commercial) se consacre pour près de 30 % à des activités commerciales, telles que la vente des super géniteurs (les huîtres tétraploïdes) auprès d’écloseries. Les tétraploïdes sont vendues par Ifremer 1000 euros pièce aux écloseries. Ce mâle peut féconder une quinzaine d’huîtres diploïdes femelles et donner ainsi naissance à trente millions d’huîtres triploïdes ».
Un marché intéressant qui représente une manne financière importante pour l’établissement Ifremer.
« L'ifremer, qui doit faire face à la diminution des fonds publics, abandonne petit à petit la recherche fondamentale au profit d’activités commerciales et lucratives comme le développement de brevets », constate Pierre-Yves Matel, avocat des plaignants.
La redéfinition des rôles d’Ifremer, via une mission d’information parlementaire, permettrait peut-être de savoir si l’établissement est à même de remplir ses missions de service public au niveau des épizooties (maladies touchant les animaux) qui frappent le littoral français, car le problème s’étend désormais aux moules et aux coquilles St Jacques.
Pour Joël Labbé sénateur du Morbihan apparenté EELV « la prolifération des triploïdes pose des questions cruciales : elles présentent un danger pour le patrimoine génétique de l’huître, car elle s’avère non stérile à 100 % contrairement à ce qui a été annoncé. Et leur production rend les ostréiculteurs dépendants des écloseries. » Dans une logique qui n’est pas sans rappeler celle du brevetage du vivant façon Monsanto.
« L'Ifremer consacre beaucoup de temps aux questions de rentabilité. Résultat : les ostréiculteurs sont devenus dépendants des écloseries qui les fournissent en triploïdes, comme les agriculteurs vis-à-vis de Monsanto. »
Comment réagit l'Ifremer face aux accusations de l'Association (plainte au tribunal en oct. 2014) ?
L'Ifremer a-t-il « favorisé indirectement le développement » d'un virus qui décime les parcs à 60 %, voire 90 % ?
A-t-il « mis en place tous les moyens de recherche pour comprendre l'origine de cette mortalité » et en suivre l'évolution ?
« Nous sommes parmi les premiers chercheurs dans le monde à avoir publié sur ce virus », se défend Jean-Pierre Baud, coordinateur transversal conchylicole à l'Ifremer. « Nous avons mis en place des observatoires de la mortalité depuis 1993 mais nous ne sommes pas chargés de la gestion des maladies dans les parcs, renchérit Tristan Renault, responsable de l'unité santé, génétique et microbiologie des mollusques. C'est le rôle des services de l'Etat que nous avons régulièrement informés de nos travaux. » Pour l'Ifremer, l'affaire est embarrassante. L'herpèsvirus est en train de décimer l'huître creuse Crassostrea gigas qui représente 90 % de la production mondiale.
L'Ifremer se dédouane de toute faute, renvoyant la responsabilité notamment à la Direction départementale des affaires maritimes.
Encore un nouvel cas de "Responsable mais pas coupable" ?
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Mes sources :
http://www.europarl.europa.eu/document/activities/cont/201411/20141117ATT93441/20141117ATT93441EN.pdf
http://www.ledauphine.com/environnement/2013/11/14/l-huitre-triploide-source-de-polemique
http://leshuitresnaturelles.wordpress.com/2013/08/03/le-faux-tremblement-de-terre-ostreicole/
http://www.ultra-marine-mas-castaldo-picardy.fr/actualit%C3%A9s/
https://www.youtube.com/watch?v=D3ZtkPdn9Lo
http://www.labo-frank-duncombe.fr/fr/surmortalite-des-huitres-gc84.html
http://www.notre-planete.info/forums/discussion.php?id=69599
http://www.ostreiculteurtraditionnel.fr/qui/qui.html
http://www.dailymotion.com/video/x67qi1_mortalite-des-huitres-annie-castald_news
http://aquaculture-aquablog.blogspot.fr/2009/10/qui-dit-ostreiculteur-traditionnel-dit.html
http://www.republicain-lorrain.fr/france-monde/2011/06/25/en-guerre-contre-l-huitre-dopee
http://www.ostreiculteurtraditionnel.fr/ou/ficheOstrei.php?id=37&dep=&nomDep=&typeTri=nom
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