Le « retour » du Cohn-Bendit ou l’écologie au pouvoir
On se souvient qu’au Parlement européen, où il siège,"Dany-le-rouge" avait, il y a un mois, interpellé le président en exercice, Nicolas Sarkozy, de façon provocante au sujet de sa démission humanitaire face à la Chine.

On sait depuis que la peur de voir la France et l’Europe se taire et refuser de voir les atteintes aux droits de l’homme en Chine n’a fait que se confirmer. L’interdiction faite par la Chine au président Sarkozy de recevoir le Dalaï-Lama vient d’être suivi d’effet. La France s’agenouille et obéit, toute honte bue.
Cohn-Bendit semble rebondir alors sur ce qui ne semblait être qu’un moment d’émotion et un rappel moral en lançant un appel solennel tendant par-delà les clivages politiques à rassembler sous sa houlette tout ce que la France compte non seulement d’écolos, mais aussi de déçus de Grenelle.
Il n’est pas inutile, en abandonnant la vision que nous pouvons avoir de l’écologie politique, de resituer la problématique.
La sensibilité écologique en France est née au tout début des années 70. Grâce en grande partie à Charlie Hebdo, à la rubrique de Fournier, aux dessins de Cabu. Certes il y avait eu des voix fortes telle celle de Dumont, mais elles parlaient dans le désert de notre entendement. Il fallut attendre 68. L’écologie en est l’héritière. Elle rejoignait alors, chez les jeunes, un sentiment diffus qui tendait pour la première fois à questionner le progrès et la modernité. Les « Trente Glorieuses » s’achevaient sur le désenchantement, les embouteillages urbains, la critique de la consommation. Van Illich, depuis le Mexique, pointait les incohérences et les errances d’un système que nous apprenions à nommer. L’installation, en France, du nucléaire, à la hussarde, levait mille autres craintes et armait maints combats. La sensibilité écologique se teintait alors de « retour à la nature », collective (« les communautés » comme Bambois) ou individuelle, de désir d’hygiène (nourriture végétarienne, bio, etc.) et de protection d’un environnement compris comme Nature (déforestation, rejets polluants, protection des espèces en voie de disparition, respect des systèmes naturels, bémols à la volonté démiurge de l’homme qui veut « domestiquer »
Car à partir des années 90 les données ne sont plus les mêmes.
Il ne s’agit plus de nuisances - dont on peut négocier l’arrêt -, mais du système qui les produit, qui, lui, demeure largement intouchable.
Qui peut s’opposer aux flux tendus (avions, camions) qui génèrent une pollution atmosphérique, sonore, esthétique, énorme et surconsomment des énergies non renouvelables ?
L’« arrivée » de
Théorème dit théorème de Pessiot :
Si la moitié du monde consommait la moitié de ce que consomme aujourd’hui un Américain, la vie deviendrait impossible sur Terre.
Conclusion : c’est à la fois le problème de la croissance exponentielle mondiale, et le système démocratique qu’il faut questionner. Que peuvent les citoyens pour enrayer un système de production qui nous conduit rapidement vers le néant ?
Car il s’agit de cela. Rien de moins. Aussi n’est-il pas, comme Joffrin dans Libération et sur France-info veut nous le faire accroire, « surprenant » que les gens soient à ce point mobilisés. Aussi n’est-il pas surprenant qu’ils s’étonnent que tant de réflexions et de temps de tant de têtes pensantes et de responsables écologiques aient abouti à ces « grenellettes » d’où toutes les questions qui fâchent sont évacuées. Comment peut-on comprendre que les OGM soient « interdits »… jusqu’en janvier ? Autant interdire aux gens de fumer pendant leur sommeil. Quid du nucléaire et de l’EPR ? Quid des déchets nucléaires ? Quid des pesticides et des nitrates ? Quid de la dépollution en particulier en Bretagne ? Quid de l’eau, de la gestion des espaces à l’heure où le TGV reprend de la couleur et surtout quid de la croissance ? ... Quand enfin posera-t-on la question de la croissance entre les partisans convaincus et médiatiquement muets de la décroissance et les artisans et partisans d’une croissance la plus élevée possible car elle est synonyme, pour eux et sans débat possible, d’emplois, de bénéfices, d’investissements, etc. ?
C’est sur cette peur, c’est sur cette confusion que chassent les manipulateurs de tout bord qui par exemple répondent au CO² par l’éthanol – qui est une catastrophe écologique – comme ils répondent par l’éolien sous des formes et des propositions souvent irrecevables… quand ils ne répondent pas comme souvent par de nouvelles techniques. La technique au secours de la technique. Le médicament au secours des effets indésirables du médicament et le médicament au secours des effets indésirables des effets indésirables du premier médicament, etc. Seule la pédago peut lutter contre la démago toutes les démagogies.
Aussi – est-ce le projet de Dany Cohn-Bendit ? – est-il de plus en plus urgent de lancer par-delà les affirmations d’une droite sans idée et sans complexe et d’une gauche paralysée par ses stratégies internes le débat et les bases de l’action qui prennent en compte les défis d’aujourd’hui. Car un autre monde n’est pas seulement possible il est indispensable.
Pour deux raisons.
La première, sociale, est liée au fait que le libéralisme, même bien tempéré, a produit depuis vingt ans qu’il fonctionne dans tous les pays, qu’ils soient riches ou pauvres du premier du deuxième ou du troisième monde, où il est le fondement de l’économie, avec une indéniable augmentation de la richesse globale une non moins indéniable masse sans cesse grandissante d’exclus de tout type, paysans sans terre, chômeurs industriels, migrants déracinés…
La croissance de cette masse à la démographie galopante va poser très rapidement au sein des villes où ils se regroupent des problèmes sanitaires (accès à l’eau potable, évacuation des eaux usées, épidémies…) et surtout de sécurité dont le coût sera tel qu’il ne pourra plus être pris en compte par les institutions ou les collectivités entrepreneuriales.
La deuxième raison est d’ordre écologique.
Si grâce à la croissance libérale la moitié du monde atteignait un niveau de consommation égal à la moitié de la consommation moyenne américaine (50, 60 ans ?)… il n’y aurait sur Terre plus de bois, plus d’eau potable, plus de pétrole, de charbon, de cuivre, de bauxite, de fer… plus rien.
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