Les éoliennes du Fayé
Une étude préliminaire pour l’installation d’éoliennes sur le Fayé, dans le Territoire de Belfort, a été commandée par Gérard Guyon, président de la communauté de commune du Pays sous-vosgien. Un projet qui divise la population. A cet effet, une conférence était organisée le 10 septembre dernier à Rougegoutte par le maire de la commune pour en débattre.... Il est dommage qu’une conférence qui aurait pu être constructive se soit transformée en discours orienté où une série de faits est assénée sans que ceux qui y assistent puissent disposer d’éléments contradictoires.
Le projet d’installation d’éoliennes à Rougegoutte et Grosmagny, pour l’heure à l’état d’étude, rencontre déjà une opposition palpable sur les deux communes situées au pied du Fayé. Guy Miclo et Maurice Leguillon, les maires des deux communes défavorable au projet, ont organisé cette conférence en faisant appel à Jean Dhers, membre de l’académie des technologies. Très favorables aux économies d’énergie, il ne considère toutefois pas les énergies renouvelables comme une option systématiquement intéressante.
La conférence, qui devait être sur l’opportunité d’installer des éoliennes sur le Fayé a plus largement abordé la thématique de l’énergie éolienne en général. Jean Dehrs explique avec beaucoup de pédagogie le contexte énergétique mondial et quels avantages nous pouvons tirer des énergies renouvelables en fonction des contraintes techniques qui leurs sont attachées. En abordant la question des éoliennes, le discours ressemble de plus en plus à une liste de reproches et l’académicien conclut son exposé par l’idée que l’éolien n’a décidément aucun avantage dans le contexte français, et que le solaire ne vaut pas mieux. On est en droit de se demander si Jean Dhers accorde bien toute l’attention qu’il se doit à toutes les formes d’énergie...
L’inadéquation de la production d’électricité éolienne à la demande ?
L’irrégularité de la production est le principal reproche technique que Jean Dhers oppose à l’éolien. Cette irrégularité forcerait à produire de l’électricité avec du pétrole ou du gaz naturel, émetteur de gaz à effet de serre, pour combler le déficit lors des périodes sans vent.
Des exemples déjà largement éprouvés en Allemagne, en Suisse ou au Danemark montrent une voie possible à suivre, par l’utilisation de la biomasse (source : Ludwig Boelkow Foundation, Danish energy agency). Avec une région comme la Franche-Comté couverte à 42 % par de la forêt, une centrale à biomasse - c’est à dire au bois - serait des plus judicieuses. L’énergie électrique basée sur le bois reste l’énergie renouvelable la moins chère après l’hydraulique. Quel est l’intérêt de l’éolien dans ce cas ? L’éolienne installée sur ces centrales combinées est utilisée comme un moyen d’économiser de la biomasse. Les jours favorables, l’énergie est produite principalement par le vent et permet à l’installation de remplir sa mission plus efficacement d’un point de vue environnemental.
Le sujet n’a malheureusement pas été abordé. Le débat s’est enfoncé sur les possibilités de stockage d’énergie, limitées par notre technologie et sur le micro-hydraulique, intéressant mais limité également, alors que nous n’exploitons que peu nos forêts.
La dette énergétique de l’éolien.
Pour la construction d’une éolienne de taille moyenne, soit d’une puissance d’1 mégawatt, Jean Dhers estime qu’il est nécessaire d’amener 1000 camions de 10 tonnes de béton pour la construction du socle. La production de l’acier est également évoqué, pour une installation qui ne durera que 20 à 25 ans. La dette énergétique serait donc très importante, cependant aucun chiffre n’est donné. L’ "Elsam Engineering", agence danoise spécialiste de l’énergie, peut nous apporter les informations dont nous avons été privés : une éolienne n’a que 6 à 10 mois de dette énergétique, selon le potentiel du lieu où elle est implantée, et ce malgré les quantités impressionnantes de béton et d’acier employées.
Le prix compétitif du nucléaire ?
L’avantage supposé du nucléaire en matière de prix disqualifierait en grande partie les énergies renouvelables. Le coût de production de l’énergie nucléaire exposé, de 3,2 cts par kilowattheure, correspondait au coût de production avec un prix de l’uranium au cours de 2001 : cf. le Centre de recherche atomique, à qui laisser en ligne des informations vieilles de bientôt 10 ans ne fait pas peur. Nulle mention n’est faite de l’augmentation du prix du combustible, passant de 10 $ la livre à plus de 60 $ actuellement, faisant augmenter à terme le coût de production de près de 30 % (source : Ludwig Boelkow Foundation). L’uranium suit donc bien la même courbe que le pétrole et pourrait devenir une énergie coûteuse à l’avenir. C’est d’ailleurs ce qu’ont conclut de nombreuse études menées par le MIT, la chambre des Lords ou la commission européenne. Pour une centrale construite actuellement, en tenant compte de l’augmentation du prix du combustible, le coût de production du Kwh nucléaire sera compris entre 8,3 cts et 11,1 cts, contre 5,5 cts pour l’éolien US (sources : Keystone Center. Agence indépendante US). On est donc très loin des 3,2 cts du Kwh nucléaire évoqué par Jean Dhers sans plus de précision.
Des emplois pour la région.
L’éolien, comme les autres énergie renouvelables, compte un autre avantage d’ordre social. Un kilowatt-heure produit avec des énergies renouvelables nécessite beaucoup plus de travail, qualifié et souvent bien payé, que le même kilowatt-heure produit avec une énergie fossile ou nucléaire. Ces emplois sont pour une grande partie non délocalisables. En période de crise c’est un argument qui ne manque pas de poids.
Un débat sans éléments de contradiction.
Il serait douteux de croire que Jean Dhers soit de mauvaise foi, mais il ne croit pas à ce type d’énergie et se faisant ne se donne pas toute la peine qu’il faudrait à une réflexion objective. Nous sommes toujours influencé dans nos analyses, que nous le voulions ou non, par nos opinions. Mais pourquoi les élus de Rougegoutte et de Grosmagny n’ont ils pas organisé un débat contradictoire ? Pourquoi n’avons nous pas parlé des résultats de l’étude préliminaire que Gérard Guyon, président de la communauté de commune et maire d’Etueffont, avait pourtant amené avec lui ?
Jean Dhers est un spécialiste orienté sur la technique. Ses connaissances sur la politique suivies par d’autre pays en matière d’énergie renouvelable ou sur les contraintes du marché, sont partielles. Contrairement à ce qui a été dit, les Etats-Unis continuent d’installer de nombreuse éoliennes et le Danemark a un gigantesque projet de ferme éolienne off-shore de 400 gigawatts (US departement of energy, Danish energy agency).
La plupart des administrés présents à la conférence se sont révélés très critiques vis-à-vis du discours "à charge" de Jean Dhers. Un discours aussi peu favorable aux énergies renouvelables ne passe pas. Gérard Guyon, a tenu à intervenir plusieurs fois pour défendre le projet, mais n’a pas pu parler de l’étude préliminaire. A la fin du débat, Etienne Butzbach, maire de Belfort, prend la parole et insiste sur la nécessité d’explorer toutes les possibilités. La seul chose que demande Gérard Guyon, est qu’une étude plus fine soit effectuée pour mieux appréhender le potentiel des lieux. Nous ne débattons donc pas pour l’installation d’éoliennes, mais pour produire ou non une étude !
Étueffont : l’exemple.
Gérard Guyon est un maire engagé. La liste des actions menées sur sa commune pour économiser l’énergie et promouvoir les énergies renouvelables est longue : la commune dispose d’un véhicule utilitaire électrique, des bâtiments municipaux chauffés au bois, une piscine municipale modèle d’économie d’énergie, la géothermie - encore si rare - utilisée sur la commune pour chauffer un immeuble de 700m²,des panneaux solaires sur l’école primaire de la commune... les projets ne manquent pas. Que restait il à faire si non mettre des éoliennes ? Gérard Guyon voit sont action avant tout comme un exemple qui encouragerait ses administrés à faire des choix responsables : "Nous devons faire tout ce qui est possible. Je suis persuadé que nous n’avons plus le temps ! Nous devons agir vite ou nos enfants en paieront le prix !". Et contrairement à Jean Dhers, il ne pense pas qu’il faille choisir entre les économies d’énergie et les énergies renouvelables.
Avons nous vraiment la possibilité de nous passer d’une forme d’énergie ? Avons nous encore le temps d’attendre une solution miraculeuse ?
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