Un Hiver Nucléaire
Sous le poids de la neige, et à cause de vents violents, le toit et des murs de la centrale dévastée de Tchernobyl, viennent de s’effondrer.
26 ans après la catastrophe, le nucléaire n’en finit pas de montrer ses limites et sa fragilité.
Bien sûr, en haut lieu, et comme d’habitude, on se veut « rassurant »… pas plus de radioactivité que d’habitude…même si par mesure de sécurité Bouygues et Vinci ont évacué la petite centaine d’ouvriers qui œuvrent depuis des mois à la fabrication d’un nouveau sarcophage, prévu pour durer en principe une centaine d’année.
Thierry Charles, directeur général adjoint de l’IRSN (institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire) le CHNPP (Tchernobyl Nuclear Power plant) opérateur de la centrale signale tout de même que « le rayonnement de fond, à proximité des structures de bâtiments endommagés (…) est de 1000 fois la dose normale ».
Pour information, par rapport à la limite officielle fixée à 1 mSv/an, à Tchernobyl on se situe dans une fourchette de 1220 à 1750 fois la « dose réglementaire ».
D’ailleurs l’IRSN souligne que « l’écroulement du vieux sarcophage aboutirait à la mise en suspension de poussières radioactives qui pourraient à nouveau contaminer le voisinage du site », ce qui ne facilitera pas le travail des ouvriers s’employant à mettre en place le nouveau sarcophage. lien
Pour un prix de 432 millions d’euros, l’arche métallique qui devrait recouvrir le réacteur dévasté, pèse 3 fois la Tour Eiffel, pour une hauteur de 105 mètres, et une longueur de 150 mètres. lien
Sauf que les délais sont manifestement dépassés, et que le prix le sera aussi, puisque, le chantier lancé en 1998 avait été évalué à 870 millions d’euros, soit le double de ce qui est annoncé, et qu’il était prévu que le sarcophage soit mis en place avant la fin 2010. lien
Les dégâts provoqués par la neige et les vents violents couvrent une surface de 600 m² et d’après les services de communication de la centrale, les constructions effondrées ne « constituent pas une partie substantielle de l’enceinte de confinement », mais ne faut-il pas rester prudent face à cette déclaration rassurante ? lien
On se souvient que la catastrophe s’était produit le 26 avril 1986, à 1h 23’ et 44’’ du matin, et que lorsque le réacteur N°4 de la centrale nucléaire a explosé, celui-ci n’avait que 3 petites années d’existence. lien
L’explosion avait dispersé dans l’air en 10 jours 12 milliards de milliards de becquerels, projetant la dalle de 2000 tonnes du réacteur et polluant pour des siècles un territoire de 160 000 km², jusqu’à ce que le nuage radioactif touche une bonne partie de l’Europe, sur une superficie de près de 4 millions de km², malgré les affirmations rassurantes de Valery Giscard d’Estaing, ex-président de la république à l’époque.
Evoquant « une technologie rustique » Il affirmait à la télévision que « l’accident » serait « sans dangers pour la population ». lien
C’est l’occasion de rappeler que ce même président est à l’origine du développement nucléaire dans notre pays, et qu’il avait épousé une certaine Anne Aymone, de la famille Schneider, l’un des puissants barons du nucléaire en France. lien
Outre la zone d’exclusion de 30 km totalement interdite et délimitée autour de la centrale, 55 000 km², dont 25 000 de forêt, ont été contaminée par le Césium 137 en Ukraine, ce qui concerne 2 300 villes ou villages.
En Russie, ce sont 50 000 km² et 1 500 000 personnes qui sont concernées, et en Biélorussie, 20% de la population (dont 700 000 enfants) vivent sur les 18 000 km² les plus contaminés. lien
Chez les liquidateurs, on comptait déjà en 2010 125 000 morts, 200 000 invalides, et d’après l’Académie des Sciences de New York, il y aurait plus de 985 000 victimes dus à cette catastrophe nucléaire, bien loin des « 50 morts, et 9000 décès potentiels au total » déclarés par l’OMS et l’AIEA. lien
336 000 habitants et 60 000 animaux ont été déplacés dans le plus grand secret, et la catastrophe aura couté aux 3 pays les plus touchés 365 milliards d’euros.
C’est intéressant de découvrir 1/4 de siècle après, l’avis d’un « expert », le physicien nucléaire russe Boulat Nigmatouline, sur les causes de l’accident : « dans le système de commande du réacteur, il y avait une éventualité potentielle d’accident » a-t-il déclaré, (lien) alors que nous savons que si la catastrophe a eu lieu, c’est parce que les erreurs humaines, au nombre de 8, se sont succédées : d’abord la décision de procéder à un test sur un réacteur en train de produire de l’énergie.. Puis Anatoly Dyatlov, responsable de la salle de commande, décidant de débrancher l’alarme du système de refroidissement du réacteur, ensuite les erreurs se sont enchaînées jusqu’à la catastrophe finale. lien
Au-delà de ces épisodes tragiques, aujourd’hui tout danger n’est pourtant pas écarté, car le premier sarcophage, réalisé à la hâte part en brioche : le béton devient poreux sous l’effet des rayonnements, et finira par laisser s’échapper les particules radioactives présentes dans l’air et le sol, émanant du corium, d’une masse de 2000 tonnes hautement radioactif.
Pire, l’eau de pluie s’infiltre dans cette chape de béton et selon Lise Barnéoud, journaliste scientifique, l’association de combustible radioactif et de l’eau pourrait conduire a un redémarrage d’une réaction en chaine, donnant naissance à un Tchernobyl bis. lien
Ce drame a freiné pendant quelques temps les appétits des lobbys nucléaires, et puis tout à recommencé…jusqu’à ce que la catastrophe de Fukushima se produise le 11 mars 2011.
A Tchernobyl, devant le délabrement de la centrale accidentée, il avait été décidé de construire, dès le printemps 2012 un nouveau sarcophage, afin d’éviter, ou de freiner les rejets radioactifs, puisque le cœur du réacteur fondu continue, en sous sol, de rejeter la pollution radioactive.
Qui n’a pas entendu le message maintes fois propagé, expliquant mensongèrement que l’accident était seulement du à une mauvaise technologie, et qu’en France on était à l’abri de pareille situation.
Ce serait oublier l'épisode cocasse des toits de la centrale dite « SuperPhénix », qui s’étaient effondrés sous le poids de la neige (photo illustrant l’article)…oublier aussi la fuite de sodium, dont la probabilité était estimée à 1 fois tous les 100 000 ans, et qui s’est produite au bout de quelques mois, fuite à laquelle les techniciens sur place n’ont pas voulu croire, cherchant en vain un défaut d’alarme, avant de réaliser que depuis un mois, 500 litres de sodium liquide fuyaient chaque jour dans l’espace inter-cuve.
Rappelons que le sodium liquide s’enflamme spontanément au contact de l’air et explose au contact de l’eau, rendant problématiques les possibilités de l’éteindre, surtout quand, comme à Malville il y en a près de 6000 tonnes. lien
On se souvient aussi qu’à la centrale nucléaire du Blayais, on était passé à 2 doigts de la catastrophe au point qu’Alain Juppé, maire de Bordeaux, avait envisagé d’évacuer toute sa chère ville (lien) et de la fonte partielle du cœur du réacteur de St Laurent des eaux. lien
Plus près de nous, Fukushima continue de prolonger le suspense avec sa piscine du réacteur N°4 fragilisée par les explosions, les séismes, remplie de 1535 assemblages, soit 264 tonnes de combustibles, qui doivent rester absolument immergés, pour éviter le pire, et ses coriums en balade…lien
S’il faut en croire l’INRS, un accident identique à celui de Fukushima se produisant en France couterait 430 milliards, ce qui ne serait pas une bonne nouvelle au moment ou la Cour des Comptes pointe du doigt les fragilités budgétaires françaises, alors que le pays s’enfonce dans la récession. lien
D’ailleurs Pierre-Franck Chevet, fraîchement élu à la tète de l’ASN, affirme qu’il faudra 30 milliards d’euros pour démanteler une seule centrale française, soit 600 milliards d’euros à provisionner pour les 20 centrales nucléaires françaises, espérant qu’il n’y aura pas trop de débordements. lien
Et puis, à la lecture d’un article du « Canard Enchaîné », du 13 février 2013, on apprend que le patron d’EDF, Henri Proglio, déjà inquiété pour avoir négocié secrètement avec la Chine, est accusé par l’ASN de « prêt de main d’œuvre, marchandage…travail dissimulé ». lien
Le 13 février 2013, les responsables des principales ONG écologistes ont écrit à Mr Jean Marc Ayrault, en se plaignant : « la transition énergétique doit aller au-delà des discours ».
De la fondation Nicolas Hulot, à Greenpeace, en passant par les Amis de la Terre, le CLER, Ecologie sans frontière, le réseau Action Climat, le réseau Sortir du Nucléaire, ATTAC, et beaucoup d’autres, ils s’inquiètent du cap fixé, et manifestement pas tenu. lien
Combien faudra-t-il de Tchernobyl, de Fukushima pour qu’en France, et ailleurs, on décide de tourner au plus vite la page du nucléaire ?
L’avenir nous le dira, et comme dit mon vieil ami africain : « le chien a beau avoir 4 pattes, il ne peut emprunter 2 chemins à la fois ».
L’image illustrant l’article provient de dissident-media.org
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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Une vidéo qui mérite le détour sur ce lien
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