Europe et Nations

Quelle idée saugrenue, en ces temps tourmentés où la passion a pris le pas sur la raison, que de placer la question nationale au cœur des débats sur l’Europe. Gare au commentateur qui se risquerait de parler de primauté de
Pourtant cette question doit être au cœur des débats du moment, sous peine de voir l’Europe telle que nous en rêvons, dans l’idéal d’entraide et de paix entre les Nations, disparaître sous les coups de canon du capitalisme financier, piloté à distance par une élite de plus en plus destructrice, et apatride. Une élite dont les membres se disent cosmopolites, et se ressentent comme citoyens du monde. Mais quelle curieuse vision de la citoyenneté, où l’infinité des droits dont ils s’autoproclament investis, n’a d’égal que les devoirs qu’ils imposent d’autorité à une masse de moins en moins silencieuse.
Ne vous y trompez pas et évitez les contre-feux, la question primordiale qui doit être posée aux futures présidentielles est la place des Nations dans l’ensemble européen. Mario Draghi vient de nous le rappeler tristement à l’occasion d’une interview que le Capo a accordé au Wall Street journal[2] : le modèle social européen doit être enterré. Rien que ça ! Peut être avait il apprécié le sacre de Meryl Streep aux oscars pour son rôle dans
Pourtant Monsieur Draghi,
Conséquence d’une lutte acharnée menée par nos ancêtres, ce principe fondamental est en train d’être piétiné par l’armée de technocrates bruxellois, sous couvert jadis de modernité mondialiste, aujourd’hui d’urgence économique.
Le parti pris à l’occasion de la construction européenne a été de grignoter progressivement les diverses prérogatives nationales dans l’objectif de soumettre les différents pays européens aux dogmes ultra libéraux adoptés par les instances européennes. Déjà en 1992 à l’occasion des débats autour du Traité de Maastricht, le ver était dans le fruit. Le mémorable discours de Philippe Seguin à la tribune de l’Assemblée nationale est là pour faire foi[3].
Cette conception d’un certain mondialisme a aujourd’hui montré ses limites. L’ouverture anarchique des capitaux, les dumpings salariaux et fiscaux en résultant, et l’allégeance idolâtre à une finance complètement dérégulée a eu raison du contrat social français. L’ensemble des décisions adoptées main dans la main par la droite et la gauche a eu pour effet de compartimenter la souveraineté nationale, qui a été peu à peu retirée des mains du peuple français. « L’anti 1789 » a atteint son apogée, les privilégiés ont repris le pouvoir.
L’Europe paraît ainsi être à la croisée des chemins.
Soit la résignation s’empare de l’opinion publique, qui devant la profusion des informations se succédant, semble paradoxalement être encore moins consciente des périls tapis dans l’ombre : une Europe sans Nations verra le jour, une Europe de la gouvernance par la dette, une Europe sans âme, sans substance, et sans projet commun.
Soit l’opinion publique relève fièrement le regard, et tient la dragée haute aux instances décisionnelles actuelles : pour cela nous devons replacer les Nations au cœur du dispositif européen, en exigeant que ce débat ait lieu, et qu’il ne soit pas amalgamé à un desiderata de l’extrême droite.
Essayons de voir le verre à moitié plein, et anticipons le déroulement de la seconde hypothèse. Elle se traduit forcément par une punition électorale. La droite et la gauche doivent rendre des comptes pour avoir mené une action de concert dans la construction européenne actuelle. Les présidentielles ou les législatives doivent consacrer la mort politique de ces deux partis faussement opposés et véritablement en accord idéologique sur cette question fondamentale.
Une fois les « représentants » en France de
L’Europe se fera en prenant en compte les différences entre les Nations, ou elle ne sera pas.
L’Europe existera dans l’élaboration de projets d’intérêts généraux dans l’énergie, le spatial, la recherche, et l’environnement. Des projets qui bénéficieront à l’ensemble des citoyens européens. Des projets qui feront naitre une fierté européenne, et permettra de souder les différentes Nations en créant des ponts entre elles.
Vouloir régir le quotidien de 500 millions d’européens est une hérésie. Cette technocratie européenne doit cesser. La profusion de décisions et autres règlements émanant de l’Union européenne enferme jour après jour cette dernière dans une bureaucratie administrative mortifère qui n’a rien à envier à l’ex URSS. Et au profit de qui sinon des institutions bancaires et financières mondiales ?
Le processus décisionnel nous a été retiré insidieusement, ce sera à nous de le reprendre. Et pour cela, il faut reconsidérer notre vision de
« Bientôt, les gouvernements et leurs spadassins qui se sont eux-mêmes attribués par la violence, un pouvoir illégitime, seront voués à l’élimination ou à la mort s’ils n’entendent pas, dans le lointain, les grondements de la tempête qui monte et dont le souffle va les balayer.
Sans une évolution programmée par des Etats déterminés à s’appuyer sur la raison et le génie de leur peuple pour promouvoir une politique novatrice, le capitalisme financier et ses hommes de main continueront inexorablement à étendre le tissu des lois et règlements qui leur permettent d’étrangler dans l’œuf la plus légère velléité de transformation.
Or, de rares exceptions prouvent, a contrario, qu’une volonté étatique, appuyée sur une organisation sociale et économique qui catalyse et coordonne les forces vives de la nation, peut parvenir à s’abstraire des nuisances du capitalisme financier grâce au choix déterminé d’un type différent de société en termes de production, de gestion et de répartition des richesses ».
Extrait de l’ouvrage
« Un terrorisme planétaire, le capitalisme financier »,
de Claude Mineraud
[2] http://online.wsj.com/article/SB10001424052970203960804577241221244896782.html
http://www.presseurop.eu/fr/content/article/1553891-draghi-enterre-le-modele-social-europeen
[3] http://www.dailymotion.com/video/xiphz5_conspiration-du-silence-extrait-du-discours-de-m-philippe-seguin-le-5-mai-1992_news
[6] Proposition tiré de l’ouvrage « Pour éviter le krach ultime » de Pierre Larrouturou
[7] Voir à ce sujet l’ouvrage « Le commerce des promesses » de Pierre-Noël Giraud
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