Grèce : de Charybde en Scylla
L'accord extorqué à Tsipras après une longue nuit de garde à vue européenne apparait de façon quasi unanime comme une mise sous tutelle de la Grèce.
Même le Président normal n' a pas osé revendiquer une victoire de la Grèce, tout au plus une victoire de l'Europe !
Même les chiens de garde Chazal et Poujadas trouvaient cet accord bien dur pour les Grecs qui avaient pourtant massivement rejeté par le référendum du 5 juillet des mesures moins contraignantes !
Voici un extrait de l'accord/ (traduction du blog Les Crises)
" La Grèce adoptera d’ici le 15 juillet des mesures de simplification de la TVA et en élargira l’assiette, réduira les retraites et l’institut de la statistique Elstat deviendra indépendant.
* La Grèce réformera d’ici le 22 juillet son système judiciaire civil et mettra en oeuvre les règles de l’Union monétaire sur le renflouement des banques hors appel aux finances publiques (“bail-in rules”).
* La Grèce demandera une poursuite du soutien du FMI à partir de mars 2016.
* La Grèce fixera un calendrier clair pour mettre en oeuvre les mesures qui suivent :
- Réforme ambitieuse des retraites.
- Réforme de l’activité économique, autorisant notamment le travail du dimanche et touchant en particulier les pharmacies, laiteries et boulangeries.
- Privatisation du réseau de distribution électrique.
- Réforme des règles de négociation collective, du droit de grève et des licenciements collectifs.
- Renforcement du secteur financier, notamment en prenant des mesures sur les crédits improductifs ; suppression des interférences politiques.
* La Grèce devra également :
- Mettre en oeuvre des mesures de privatisation, en transférant notamment des actifs à un fonds indépendant basé en Grèce qui devra planifier une collecte de 50 milliards d’euros d’actifs dont les trois quarts seront utilisés pour recapitaliser les banques du pays et réduire la dette.
- Réduire le coût de la fonction publique et réduire l’influence qu’a sur elle la sphère politique. Les premières propositions en la matière devront avoir été transmises d’ici le 20 juillet.
- S’assurer d’obtenir l’accord des créanciers pour les textes législatifs d’envergure avant de les soumettre à référendum ou au Parlement.
Les critères ci-dessus sont le minimal exigé pour que s’ouvrent des négociations avec les autorités grecques sur les points suivants..."
Tsipras a donc accepté que son pays devienne un protectorat de la Commission Européenne et n'ait d'autres choix que d'appliquer les divers oukases (six-packs et two-packs) du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'UEM (TSCG), version grecque assortie des mesures éxécutoires ci-dessus dans la semaine et de privatisations à venir au compte des banques !
Il a donc choisi d'affronter ce monstre Scylla pour éviter de sombrer dans le Charybde du Grexit. Le choix n'était certes pas facile de passer sur l'expression démocratique du peuple qui avait refusé massivement des mesures pourtant moins dures et sous les fourches caudines de la Finance. Ce choix, nos dirigeants français l'avaient déjà fait à propos du référendum du TCE !
Choisir Scylla, c'est donc pour un Peuple donné abdiquer son droit à déterminer ses options politiques et économiques et subir des régles gestionnaires strictes d'équilibre financier établies et controlées par un cartel de banques.
Ce sont ainsi deux domaines constitutifs de l'Etat Républicain qui sont remis en cause : souveraineté populaire et souveraineté monétaire. Certes, la Grèce s'est retrouvée endettée parce qu'elle a mal suivi les dites régles gestionnaires ; mais pas uniquement. Car ces régles ont été édictées par et pour l'Allemagne, c'est à dire pour un peuple du nord, a forte cohésion, en position centrale et une économie dominante très structurée. Ce n'est pas le cas de la Grèce, en périphérie, avec une économie plus locale peu performante qui a été déséquilibrée par l'entrée dans la zone euro et qui est devenue de plus en plus déficitaire. La crise de 2008, puis la guerre spéculative de l'euro et des taux d'emprunt à cinq ans atteignant 28% ont fini de couler le pays et necessité "l'aide" de la Troïka.
Mais cette aide accompagnée d'une austérité-cohérente, dans ce contexte-a plongé le pays dans un puits sans fond, achevant de détricoter les bases de son économie. Toute proportion gardée, c'est un peu ce qui se passe chez nous où le tissus économique se délite de plus en plus.
Le présent accord grec ne régle donc rien et, à la prochaine poussée spéculative, les taux de la dette grecque s'envoleront à nouveau pendant que le peuple grec continuera de s'enfoncer dans la misère et le sur endettement !
Alors fallait-il choisir Charybde et la sortie de l'euro (volontaire ou non) ?
Indiscutablement, d'un point de vue tactique, en tout cas, il fallait en accepter le risque dans la discussion et s'y préparer.
Il faut déjà observer qu'en l'état actuel le PIB grec a retrouvé en euro ou drachme constant son niveau d'avant l'entrée dans l'UE mais avec un taux de chômage bien plus élevé. Alors le risque de sortir de l'euro et de reprendre sa souveraineté monétaire en drachmes doit être relativisé. Mais ce plongeon dans un certain inconnu nécessite un minimum de ruptures abruptes et simultanées : faire défaut sur la dette, bloquer et contrôler la circulation des capitaux et reprendre la souveraineté monétaire en drachmes en contrôlant provisoirement les banques. L'économie grecque locale pourra alors retrouver déjà son marché intérieur et éventuellement devenir plus compétitive à l'export.
La transition peut durer deux ou trois ans et la difficulté se porterait surtout sur l'acquisition de devises pour les importations. Alors comme dans la légende, Ulysse, accroché à son figuier, au dessus du goufre, pourrait récupérer armes et bagages quand Charybde vomirait à nouveau son butin...
Et l'Odyssée se poursuivrait...
40 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON