Le référendum est-il un sondage comme les autres ?
A l’heure du Non au référendum irlandais, on peut se poser la question : le principe même du référendum est-il mort ? A l’instar du Non français, il ne fait aucun doute que le Traité de Lisbonne sera appliqué, aux Irlandais comme aux autres. Alors aujourd’hui, le référendum vaut-il mieux qu’un simple sondage ? La question a un sens...

Le Non irlandais au référendum, un simple "incident" pour Nicolas Sarkozy, prochain président de l’Europe. Avant même le référendum irlandais, Kouchner l’avait annoncé, il faudra revoter. Avant même le référendum, de subtiles tactiques étaient aussi mises au point pour essayer de ratifier le Traité de Lisbonne en Irlande hors de tout cadre référendaire, sous forme de simples amendements. Avant même le référendum français, Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre belge, et ancien vice-président de la Convention du Traité constitutionnel européen l’avait déjà annoncé : "Si le résultat est non, il faudra revoter, car il faut absolument que ce soit oui". Il y a quelques semaines, Jean-Claude Juncker l’avait déclaré "j’emploie le mot ’Aventure’ à dessein car, même si le référendum est démocratique, il entre dans cette catégorie imprévisible". Jolie invention démocratique, mais peu efficace, cette roulette russe de Référendum !
Alors bien sûr, on peut aussi trouver de belles déclarations, pleines de bravoure et d’absolu, comme celle de Nicolas Sarkozy en 2004 : "A chaque grande étape de l’intégration européenne il faut donc solliciter l’avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple". Bien sûr, promis-craché, il n’y a jamais eu de plan B et, en cas de refus, c’est l’Europe qui risque d’en mourir et le peuple reste maître de son destin. Mais, à chaque refus, des parades et des petits arrangements avec le règlement sont subtilement mis en place...
Une question posée au peuple, mais dont la réponse n’a aucune incidence politique... un simple sondage, en fait ?
Les sondages auraient-ils plus d’effets sur la classe politique qu’un référendum ? Absurde... ou pas. Qui a dit, se gaussant des sondages génialissimes qui l’auréolaient alors, "aller contre moi, c’est aller contre l’opinion" ? Nicolas Sarkozy au JDD en septembre 2006 ! Pour notre actuel président, les sondages donnent une légitimité démocratique. Dont acte. Qui a demandé aux grévistes, en novembre 2007, de reprendre le travail, arguant que "deux sondages coup sur coup montrent que plus de 60 % des Français sont pour la réforme des régimes spéciaux et souhaitent que la grève se termine" ? Le Premier ministre François Fillon.
Et, plus généralement, à chaque fois qu’un sondage est positif, les dirigeants (de droite comme de gauche) s’en servent comme argument politique. A contrario, quand un sondage est négatif, soit on en pervertit l’interprétation ("les Français veulent que l’on aille plus loin, plus vite, c’est pour ça qu’ils ne nous aiment pas"), soit on le passe sous silence (sondage sur le comportement des chômeurs, par exemple).
A l’heure où la Constitution française n’est guère mieux considérée qu’un vieux bouquin de papier jauni, c’est aujourd’hui le référendum qui trinque et, avec lui, une petite parcelle de la démocratie. Si le référendum est autant décrié, autant rabaissé, autant dénié, autant déligitimé, pourquoi un jour ne pas remettre en cause une élection politique et demander au peuple de revoter, en leur demandant de mieux réfléchir ? Les sondages, au moins, on peut s’en arranger...
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