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Les ponts de Tancarville

Dans la perspective hypothétique d’un engorgement des équipements de franchissement de l’estuaire havrais de la Seine, on encourage le transport routier sans apporter de solution à l’enclavement de Port 2000 et de sa métropole à vocation européenne.

Il y a de quoi être atterré à la lecture de l’article paru dans la presse havraise de ce samedi 13 janvier 2007 ; il y est fait état de la position de nos autorités locales en faveur du doublement du pont de Tancarville et du transport routier en général. Quelques réflexions personnelles sur le sujet.

1- Il serait bon, dans ce type d’article, de mettre en exergue les principes directeurs de la politique que l’on a l’intention de mettre en œuvre, quitte à heurter les sensibilités partisanes de quelques lobbies : en l’occurrence, clamer haut et fort qu’en matière de transport massif, la route est une mauvaise solution pour plusieurs raisons : le transport routier, par rapport à ses concurrents ferroviaire et fluvial, est plus dangereux (la radio fait état tous les jours de l’implication systématique de poids lourds dans les accidents les plus graves et les statistiques confirmeraient sans doute ces informations), plus polluant et dévoreur d’énergies stratégiquement précieuses (rappelons que le train fonctionne à l’électricité, celle-ci étant essentiellement d’origine nucléaire), plus cher aussi sans doute (un seul gros camion dégrade la chaussée comme plusieurs milliers de véhicules légers ; or, en matière de péage par exemple, les poids lourds n’acquittent pas de montants eproportionels aux coûts qu’ils génèrent ; l’usager particulier subventionne donc indirectement et involontairement le transport par camion, français et étranger ; et la situation est identique en ce qui concerne l’investissement et la maintenance dans le réseau routier public).

2- Il serait bon également de ne pas tout mélanger et de faire passer des messages compréhensibles pour le public : le contournement par l’ouest de la région parisienne devrait être dévolu, soit au pont de Normandie, en cohérence avec le réseau d’autoroutes liées, en cours de développement, soit à une zone plus proche de la capitale, vraisemblablement en région Ile-de-France. Tancarville, mal raccordé, et l’estuaire de la Seine n’ont apparemment pas grand-chose à voir avec la question.

3- Il serait bon de replacer les choses dans un contexte : rappeler par exemple que, pour Port 2000, l’impasse a été faite à l’origine (volontairement ?) sur la desserte fluviale (apparemment, les barges fluviales, à défaut d’écluse en fond de bassin, ne peuvent actuellement rejoindre ni le canal ni la Seine, pour des raison de passage obligé par quelques centaines de mètres de mer) et que les engagements de la SNCF en matière d’équipement n’ont pas été tenus (les rames de chemin de fer de Port 2000 sont obligées de passer par Soquence, point de rebroussement proche du centre ville). Or les problèmes techniques sont des prétextes trop commodes : à qui fera-t-on croire que la Suisse, championne du ferroutage, a un espace plus facile à aménager que l’estuaire de la Seine ? Bien entendu, il serait de mauvais goût d’en rajouter et d’évoquer les performances modestes, voire lamentables, de la desserte voyageurs de la métropole havraise, à vocation européenne.

4- Il serait bon enfin de prêter une oreille attentive aux idées atypiques, généralement jugées irréalistes par les technocrates au nez dans le guidon. C’est ainsi que l’on se rappelle avoir entendu un brillant sénateur dénoncer le projet du pont de Normandie, auquel il aurait préféré un tunnel, eusse-t-il été exclusivement ferroviaire... Tant que nous y sommes, et puisque l’on parle d’un franchissement problématique, pourquoi n’a-t-on pas pensé à faire les installations portuaires rapides sur l’autre rive, côté Honfleur ? Peut-être est-il encore temps de réfléchir à un nouvel investissement, quitte à jeter un voile pudique sur le niveau d’activité d’un Port 2000 très enclavé, comme on le fait si bien sur celui d’Antifer (investissement gigantesque, qui accueille un nombre si modeste de pétroliers...). En effet, on entend parler, sur cette rive deauvillaise, du développement d’activités logistiques en rapport direct avec les activités portuaires de la zone. Allons jusqu’au bout de nos idées ébauchées.

Et l’on en vient finalement à un problème important dans notre démocratie, à la veille de l’échéance présidentielle : la multiplication des centres de décision met trop souvent en cause la cohérence des projets à dimension nationale, voire européenne. Dans le cas du franchissement de l’estuaire de la Seine (avec la perspective hypothétique d’un engorgement dans quelques années), le risque est évidemment de prendre au coup par coup des décisions qui éloignent finalement d’un objectif reconnu par tous : le développement durable.


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10 réactions à cet article    


  • gem gem 16 janvier 2007 14:51

    Bof... Le transport, et spécialement le transport maritime, c’est très compliqué. En matière de transport massif, Le Havre (et plus généralement la France) est hors jeu : si on doit faire un train, autant passer par Rotterdam !

    Le Havre, tentative de sauver Rouen au port trop petit, est un échec, imaginer une « vocation européenne » pour ce machin qui a perdu l’envergure nationale qu’il avait, c’est encore une histoire de grenouille...


    • Madrugada 16 janvier 2007 20:18

      Quel défaitisme dans votre réaction ! Si votre attitude est celle d’une majorité de français, notre avenir est bien sombre... Je suis moins pessimiste que vous et je pense qu’une partie de la solution réside dans l’implication des citoyens que nous sommes dans les décisions de nos élus (qui pratiquent trop souvent la « décision molle » nous mettant à terme devant le fait accompli). Pour en revenir au port du Havre et à la desserte de son hinterland, disons simplement ceci :
      - l’activité portuaire (notamment sur le segment des containers) se développe, même si ce n’est pas aussi vite que ce serait souhaitable,
      - Le Havre conserve bien un rôle national, puisqu’il est, selon les critères de classement, le premier ou le deuxième port de l’hexagone,
      - Le Havre a l’avantage naturel décisif d’être un des seuls sites en eau profonde de notre façade maritime européenne,
      - Rouen, dont l’activité portuaire est réduite et avec qui les synergies se développent globalement assez bien, peut être passé sous silence dans ce débat,
      - les acteurs économiques du Havre ont « repris le moral » depuis quelques années et le mérite en revient aux élus actuels (j’en parle d’autant plus à l’aise que je ne suis pas sûr d’adhérer à la même idéologie...). Pour cet ensemble de raisons, je pense que la partie est loin d’être perdue et vaut la peine d’être jouée pour l’avenir de nos enfants. La condition est de contribuer à l’orientation correcte des options à long terme ; mon propos consistait seulement à dire que le doublement du pont de Tancarville (et pourquoi pas les 3 ou 4 ponts supplémentaires à envisager d’ici à la fin du siècle !...) et l’encouragement inconditionnel au transport routier me semblent relever d’une politique « à la petite semaine ». Nous n’en voudrons pour preuve que l’exemple d’Antifer, si désert, conçu et construit en prolongeant les courbes de consommation pétrolière des trente glorieuses (mais heureusement, après tant d’années, l’implantation d’un terminal gazier permettra peut-être de se « raccrocher aux branches »).


    • Renaud D. (---.---.83.11) 16 janvier 2007 22:21

      En matière d’aménagement du territoire, c’est plié : l’intérêt économique des régions concernées est complètement anecdotique. Ce qui compte, c’est la valeur future des banques qui financent les projets et regardent, quant à elles, au niveau européen. Le Havre, par sa situation géographique, est située à la position idéale pour capter le trafic à destination de l’Europe du Nord-Ouest. Les navires mettent une journée de plus pour rejoindre Anvers ou Amsterdam - et autant au retour. Cela représente une voire deux rotations de plus par an par navire pour ceux qui viennent de l’Atlantique, une demi rotation pour ceux qui proviennent d’extrême orient. Des sommes importantes pour les armateurs. Une bonne et intelligente desserte ferroviaire permettrait aux marchandises débarquées au Havre de parvenir au centre de l’Europe une journée plus tôt que celles débarquées sur l’Escaut ou sur le Rhin. Des sommes importantes pour les clients. Au total, un intérêt économique évident, profitable à l’emploi en France. Sur le long terme, l’aménagement des dessertes du port du Havre procurerait un vrai jackpot pour la Normandie. Le passage au grand gabarit prévu pour le canal Seine-Rhin va dans ce sens. Bravo aux politiques qui ont pris cette décision courageuse. Notons cependant qu’il n’est justifié que pour sa desserte de Paris en matériaux de construction, et non pour favoriser les relations des ports normands avec leur hinterland naturel.

      Hélas, ce n’est pas suffisant. Il manquera toujours la ligne de chemin de fer adéquat, trop coûteuse pour l’état et pour les grosses banques d’investissement. Sans compter la gestion calamiteuse du fret ferroviaire en France, dont l’incurie est cachée derrière le misérable cache-sexe du « c’est la faute au lobby routier ». En fait, au lobby bancaire. Pourquoi s’embêter à financer une ligne de chemin de fer traversant le nord de la France (quiconque a fait Le Havre Lille en train se souvient du trajet !) alors que les infrastructures des ports Belges et Hollandais existent déjà : canaux, lignes de chemin de fer, autoroutes, tout est déjà en place depuis longtemps. Autant améliorer ce qui existe : c’est beaucoup moins cher.

      Par contre, les investisseurs sont à la recherche de niches rentables (ou de poulaillers rentables puisqu’il s’agit de trouver des poules aux œuf d’or). Le projet d’un doublement du pont de Tancarville, apte à capter un trafic important, procède de cette logique qui a prévalu également à la privatisation des autoroutes. Sur Lyon, la stupide A 45 qui doit doubler l’autoroute Lyon-St Etienne résulte de ces mêmes calculs purement financiers. Le trafic existe : c’est sans risque. On prend ce qui existe, on saupoudre des financements (en centaines de millions d’euros quand même) et on encaisse pendant cinquante ans. Voilà de la bonne valeur future pour l’argent employé !

      Vous avez dit aménagement du territoire ? Mais on aménage, mon bon monsieur, on aménage. On ne crée rien de nouveau, on n’apporte aucune plus-value réelle aux populations concernées (qui ne sont pas desservies, faute d’échangeur, comme sur l’A29), on aménage juste la ligne péage des comptes des institutions financière, promise à un avenir radieux.


      • Madrugada 17 janvier 2007 10:11

        Grand merci pour la pertinence de la réponse et compliments pour la lucidité des propos. Pour être positif, je retiendrai que l’action déterminée des citoyens auprès des politiques peut faire bouger les choses (à la marge..., en remettant à l’honneur l’utilisation intelligente des fonds publics, comme celà a été fait pour l’aménagement du réseau routier breton). Tout espoir n’est pas perdu, d’autant que les responsables politiques locaux sont, je crois, motivés pour le développement des activités portuaires havraises (au grand bénéfice de l’ensemble du pays).


      • gem gem 17 janvier 2007 20:02

        Je ne suis pas défaitiste, je suis lucide et informé. Le plus grand port de France, ça n’est plus le Havre, c’est Rotterdam ! (oui, je sais, ce n’est pas en France : et alors ?). Et ça sera encore plus vrai quand on aura fait le canal à grand gabarit qui est dans les cartons, entre le réseau belgo-hollandais et la seine.

        Renaud D. a relativement bien expliqué pourquoi : on développe l’existant, c’est moins cher et plus rentable

        Le Havre ne disparaitra pas, il lui restera des niches (comme Rouen a garder le commerce des céréales, pour lequel il est bien suffisant, plus proche des zones de production). Et puis on ne sait jamais : si les gens du nord craquent (ou sont victime d’une calamité quelconque, c’est à la mode...) , si la France redémarre (c’est à dire : si des « citoyens » arretent de faire chier les gens qui bossent sous prétexte de divers actions « citoyennes ») ... il ne faut jamais abandonner la course, car c’est à ce moment et seulement à ce moment qu’on est sur de n’aboutir à rien.


        • Madrugada 18 janvier 2007 11:22

          Merci pour ce commentaire qui apporte des éléments intéressants de la part d’un citoyen bien informé sur le sujet, mais que l’on sent exaspéré par un contexte plein de contradictions, entre une solidarité dont chacun souhaite garder les avantages et un égocentrisme grandissant qui est la marque de nos sociétés (« on mutualise les pertes et risques et confisque les avantages et profits ») : l’enfer c’est encore et toujours les autres, mais l’essence de la vie en société n’est faite que de limites (volontairement consenties si possible) à la liberté de mouvement de chacun. Aussi serait-il intéressant de savoir ce que vous entendez par actions « citoyennes » entreprises au détriment des autres...J’ai parfois la tentation de réagir vivement, comme vous, mais je me dis (sans doute naïvement) que la période pré-électorale notamment est propice pour forcer nos candidats à prendre position et ainsi faire avancer quelques idées ; le problème du « tout-transport-routier » pourrait être un bon exemple.


        • Michel Duval (---.---.196.72) 28 janvier 2007 14:34

          Comment ne pas s’étonner, en 2006, alors qu’il existe deux franchissements routiers de la Seine à moins de 35 kilomètres du Havre, qu’il n’y ait pas encore un franchissement ferroviaire ?

          Comment ne pas s’étonner que, pour cette raison, et alors qu’on évoque une réunification des basse et haute Normandies et un renforcement de la coopération entre les trois principales métropoles normandes, le trajet Le Havre - Caen soit de 250 km par le train, contre moins d’une centaine par la route ?

          Comment ne pas s’étonner que les voyageurs qui souhaitent se rendre en Bretagne ou dans le grand ouest par le train soient obligés de passer par Paris (en payant à la SNCF des km de trajet excessifs) alors que la ligne Le Havre - Paris est surchargée depuis des années ?

          Contrairement à ce que certaines autorités locales prétendent, un franchissement ferroviaire entre Le Hode et Berville n’aurait pas un coût sensiblement plus exorbitant qu’un ... troisième franchissement routier et correspondrait aux impératifs contemporains de multimodalité des transports et de développement durable.

          Entre les réseaux ferroviaires de desserte des deux rives de la Seine, la distance n’est que d’à peine 6 km (entre Z.I. du Havre et Honfleur) ou 13 km (entre Z.I. du Havre et Pont-Audemer par la vallée de la Risle). Si le procédé de franchissement utilisé est celui d’un tunnel composé de caissons immergés dans le lit du fleuve, le dénivelé entre chaque plaine alluviale et le fond du tunnel ne serait que d’environ 25 m. Les rampes d’accès auraient environ 1 km de longueur avec une pente de 3%. Il existe un ouvrage préfigurant l’éventuel franchissement sous-fluvial de la Seine à Rostock (Allemagne), à travers l’estuaire de la rivière Warnow. Lorsqu’il a été réalisé, entre 2000 et 2003, son coût était de 156 millions d’euros.


          • (---.---.17.187) 28 janvier 2007 14:51

            Le profil type sur le plan local de toutes les études qui peuvent être réalisées fait il émerger une seule tedance de translation ferroviaire ?

            Tout est dans la multimodalité des transports qui est pour certain un principe premier de la gestation des nouveaux moyens de franchissement.

            Quand on voit le profil type du citoyen reporter en 2007, on est mieux à même de juger des meilleurs moyens de prendre part au débat participatif.


          • (---.---.17.187) 28 janvier 2007 15:02

            Et ce d’autant plus mis en exergue par certain entrepeneurs qui ont pu dire à ces citoyens : monsieur ça s’appelle la puissance de l’argent ça !

            Le péquin tout petit, il pense encore à l’irruption des cousins corses, et il espère que le destin ne voudra pas que son testament soit livré avant que la faucheuse ait décidé paisiblement de son trepas.

            Cela reste une question en suspens.


          • Fox (---.---.221.39) 18 février 2007 23:48

            Beaucoup de communes de l’Eure s’inquiètent de ce doublement des voies. Notamment dans le canton de Montfort-sur-Risle qui est en plein sur l’axe Tancarville - Bernay et Evreux ! Le traffic dans la vallée devient de plus en plus important et commence à l’asphyxier. Les élus et l’association écolo du coin se sont prononcés contre cette mesure, proposant plutôt l’équilibrage des prix entre les deux grands ponts (Augmentation de Tancarville et baisse de Normandie) afin que le traffic ne s’oriente plus en fonction du prix mais de la simplicité. Malheureusement, je crains que la très faible mobilisation à Montfort-sur-Risle puisse faire bouger les choses...

            La déviation de Beuzeville est en marche par contre...

            A suivre

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