Paris changé de l’extérieur ?
Pendant que Paris s’arc-boute à sa doctrine des 37 m de hauteur maximale pour tous les bâtiments à l’intérieur de la zone intra-muros, le paysage de la capitale va-t-il se transformer par sa périphérie, et laisser une enclave figée en son centre ? Des projets tout en hauteur pointent juste à l’Ouest de la capitale où Patrick Balkany annonçait, la semaine dernière, un projet de construction de deux tours en bord de Seine : 150 m de hauteur pour 42 étages. 80 000 m2 de bureaux, 1600 places de parking, un centre commercial, un hôtel, un parc paysager de 13 000 m2... Les tours, si leur permis de construire est accordé en juin prochain, devraient être achevées en 2009. Le chantier est confié au promoteur espagnol Fadesa, qui a déjà des intérêts dans la société financière Rive Gauche, porteuse du projet. Le maire de Levallois explique que les deux tours s’insèrent « dans le projet d’aménagement du quartier Collange-Front de Seine de la ville de Levallois » et qu’il a souhaité que « ces deux tours s’inscrivent au mieux dans le paysage urbain et ne gênent personne. » On peut ainsi lire sur le site de la ville que l’ensoleillement des habitations proches sera préservé, car les ombres « porteront le matin, sur la Seine, l’après-midi, sur le cimetière ». D’accord pour la "ville" de Levallois, mais qu’en sera-t-il de l’horizon parisien ? On se souvient de la polémique qui avait marqué l’érection de l’Arche de la Défense, « fermant » la perspective Caroussel, Concorde, Champs-Elysées, et Arc de Triomphe de l’Etoile.
France Info, commentant ce projet, soulignait une concurrence nouvelle pour La Défense, qui a déjà du mal à remplir ses bureaux, et ajoutait que parmi les sociétés contactées pour s’installer dans les futures tours de Levallois, Danone, présent sur la zone à réaménager, avait déclaré préférer s’installer à Saint-Ouen, dans le 93 voisin. France Info faisait aussi remarquer que La Défense ressortait pourtant en ce moment son projet de tour de 400 m de hauteur. Le secteur est d’ailleurs en pleine rénovation, les Quatre Temps sont en travaux pour un programme d’agrandissement, avec nouveaux restaurants et pas moins de 16 salles de cinéma, mais surtout Bernard Bled, directeur de l’EPAD, annonce un programme d’un million de m2 supplémentaires pour 2015-2020.
Des projets qui verront le jour, peut-être, ou peut-être pas. Je n’ai pas de sympathie particulière pour Monsieur Balkany, loin de là, et je ne suis pas non plus un fervent admirateur du système de dalle comme à la Défense. En revanche, je dois dire que ce type de projets, peut-être mégalos de la part de leurs promoteurs et hors considérations sur les possibles à-côtés d’une telle opération immobilière, sont assez séduisants, tant par l’audace architecturale que par le dynamisme qui les animent. Pourquoi des tours ? Bertrand Delanoë, le maire de Paris, a bien fait une tentative en proposant avec beaucoup de précautions la possibilité de construire des tours dans les quartiers périphériques de Paris, pour pallier l’absence de superficie disponible. Mais peut-être a-t-il aussi une autre idée. Pourquoi la hauteur et la modernité seraient-elles des tabous à Paris ? Changer l’image de la ville, ou lui redonner un élan pour la faire sortir de sa teinte de plus en plus sépia, photo jaunie et jolie gravure ancienne, muséification dénoncée, mais pourtant si réelle. A force de façadisme et de néo en architecture, on finirait par se demander si Paris a définitivement stérilisé toute innovation architecturale, et n’ose plus oser.
D’autre part, même si je ne suis pas favorable à une concentration de l’activité économique sur Paris intra-muros, il faut se dire que si l’on veut attirer de l’activité, il faut aussi proposer des surfaces et des immeubles adaptés. Les tours sont certainement une solution.
Il est vrai que le ratage de la tour Montparnasse, et celui à peine plus réussi de la tour de Jussieu, ont de quoi modérer l’enthousiasme. Enfin, même s’il serait mal venu de construire une tour au droit fil du Louvre ou de Notre-Dame, il ne faut pas négliger l’aspect esthétique et l’intérêt touristique et symbolique que les tours peuvent donner à une ville. La Défense n’est pas fréquentée que par les hommes d’affaires ou les employés, c’est aussi un des pôles touristiques de la capitale. Et sans arriver à une telle transformation de la ville, personne ne peut nier l’émotion qu’on ressent la première fois qu’on aborde Manhattan, l’extraordinaire exaltation, et l’énergie qui se dégage de ce paysage urbain étonnant.
Et ceux qui ont vu Pudong, le nouveau Shanghaï, peuvent témoigner de ce même sentiment. Et sans aller si loin, pourquoi ne pas citer les nouveaux paysages urbains de Londres ou de Francfort ? Alors n’oublions pas la tour Eiffel, que les Parisiens voulaient détruire parce qu’elle défigurait la ville à la fin du XIXe siècle, et qui en est devenue l’emblème quelques années plus tard, et son monument le plus visité ...
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