300 millions d’Américains espionnés par la NSA avec l’appui des majors du numérique
Il y a plus d’un demi-siècle, les observateurs du monde évoquaient le développement des sociétés avancées autour du complexe militaro-industriel. L’objectif s’insérant dans un ordre géopolitique d’affrontement des puissances et bien entendu la guerre froide en premier lieu. En fait, les pionniers du complexe militaro-industriel furent le Japon impérialiste et l’Allemagne nazie. Les Etats-Unis ont dû alors plus que doubler la mise sous Roosevelt pour l’emporter contre l’Axe. 70 ans plus tard, la guerre froide est loin derrière alors que l’axe du mal est devenu fluide pour ainsi dire. Fini les Etats militarisés, place aux nébuleuses désignées comme terroristes, traquées par les drones mais aussi surveillées lorsque ces nébuleuses sont pressenties par les agences de l’Etat parano au sein même du territoire. Voilà pourquoi nous parlerons d’un complexe numérico-industriel.
Le journal britannique progressiste Guardian vient de se procurer un document secret où il apparaît que la non moins secrète agence NSA a développé le programme PRISM pour espionner les citoyens américains à partir du Net et plus précisément de données fournies par les majors du numérique que l’on connaît bien. Juste un mot sur cette NSA fondée en 1952 par Truman pour des raisons de renseignement militaire et qui a vite dérivé pour devenir une agence qui surveille tout, grâce à ses relais satellitaires et ses filiales parsemées sur le globe. Depuis le 11 septembre, la surveillance a été renforcée mais comme certains parlementaires sont taquins, pour ne pas dire sourcilleux des garanties individuelles, GW Bush aurait répondu en 2007 que la surveillance non autorisée avait cessé. Mais depuis 2008, il semble que sous l’administration Obama ce petit jeu ait continué au point de s’intensifier avec les nouveaux réseaux. Ainsi, deux troubles-fêtes, les sénateurs Widen et Udall, eurent l’outrecuidance de demander récemment combien de citoyens avaient été espionnés par la NSA. La réponse de l’administration fut des plus claires, puisqu’il n’y eut pas de réponse. On croit savoir pourquoi. La NSA ne peut pas espionner les gens puisque la NSA, contrairement à la CIA ou au FBI, n’a pas d’existence officielle.
Ce qui n’a pas empêché le Guardian d’avoir accès à une note Powerpoint à usage interne et spécifiant les modalités de ce programme qui permet d’entrer dans les serveurs Internet et d’accéder à diverses informations comme des mails échangés, des fichiers téléchargés, des requêtes effectuées, des historiques de pages consultées, des chats et autres données partagées sur les forums avec bien évidemment les adresses IP. Les entreprises qui « collaborent » ont pignon sur le Web ; elles sont très connues et même appréciées par les Internautes. D’après les infos du Gardian, voici les entreprises qui collaborent avec leur date d’entrée dans le dispositif.
2007, Microsoft. 2008, Yahoo. 2009, Google, Facebook, Paltalk. 2010, Youtube. 2011, Skype, AOL. Fin 2012, Apple. La liste étant amenée à s’étendre. Interrogés par le Gardian, les responsables de ses entreprises ont juré qu’elles ne participaient pas à ce programme d’espionnage ou alors, si c’est le cas, c’est vraiment à leur insu. Mais on ne sait pas comment il faut entendre cela car il y a l’insu authentique et l’insu de son plein gré. D’ailleurs, Microsoft, la première compagnie sur la liste, avait déployé comme slogan, votre sécurité est notre priorité. Ce qui ne l’empêchait pas de communiquer (comme d’autres compagnies) des données mais sur des bases légales, sans pouvoir s’y opposer dès lors qu’une demande officielle et justifiée par les autorités est formulée. Or, ce qui est semble-t-il nouveau, c’est que la NSA peut entrer dans les serveurs pour collecter des données, un peu comme au temps du KBG, les agents soviétiques pénétraient dans n’importe quel domicile sans avoir de justificatif à fournir. Un autre billet du Gardian évoque les propos d’un ancien de la NSA déclarant que ce qui s’annonce est d’une ampleur systémique qui défie l’imagination. Ce qui n’a rien d’étonnant pour qui connaît la puissance atteinte par les processeurs et les mémoires d’ordinateur.
Maintenant, que la NSA puisse agir ainsi ne nous étonne guère à l’ère de l’hyper surveillance et du fascisme numérique. Si les informations livrées par le Guardian s’avèrent exactes, alors ce devrait être une sacrée bombe médiatique outre-Atlantique, à moins que les citoyens et les médias de masse aient définitivement abdiqué face aux libertés fondamentales. Ce qui serait le signe d’un tournant inquiétant de la civilisation. Et en France, sommes-nous protégés d’une telle éventualité ? Allez, espérons qu’un député taquin s’amusera à poser la question au gouvernement lors des séances du mardi ou mercredi. Quant à Obama, sans doute certains doivent regretter de lui avoir accordé le Nobel de la paix…
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