Corruption au Venezuela : la honte
La honte ! Dans l’indice 2007 des perceptions de la corruption dans le monde (IPC) que publie Transparency International, le Venezuela figure en 162e position sur 179 pays.
Seul Haïti fait pire en Amérique latine. Pas vraiment brillant... Bien sûr, le rapport ne calcule pas la corruption en tant que telle - bien difficile à évaluer -, mais seulement la perception de corruption. Il n’empêche, cela ne trompe pas : la corruption est ici partout.
Partout ? Oui, du plus haut au plus bas de l’échelle sociale, il existe au Venezuela une véritable culture de la corruption. Au plus haut, c’est le fonctionnaire qui prélève au passage son pourcentage (jusqu’à 30 %, dit-on !) sur les contrats publics qu’il accorde et, en face de lui, l’entreprise qui prévoit ce surcoût dans son devis. Au plus bas, c’est l’automobiliste en infraction qui « arrange la chose » avec le policier.
Plus symptomatique encore : je connais le cas, dans une école primaire, de gamins chargés par l’instituteur de surveiller momentanément la classe qui se font payer par leurs camarades pour ne pas dénoncer leurs petites incartades... Une culture, je vous dis, qui s’apprend et s’internalise dès le plus jeune âge. C’est comme la potion magique d’Obélix, on tombe dedans quand on est petit.
Il y a aussi la corruption institutionnalisée. Si vous avez besoin d’un quelconque document administratif, on vous demande si vous le voulez habilitado. Il s’agit d’une invite presque légale à agilizar le processus : moyennant un supplément parfois conséquent, vous recevrez votre document dans des délais raisonnables. Sinon, bonne chance...
Impossible donc de vivre au quotidien au Venezuela sans avoir trempé, un jour ou l’autre, dans une affaire de corruption, petite ou grande. Et n’oublions pas que dans toute affaire de corruption, il y a au moins deux intervenants : celui qui demande et celui qui accepte ; celui qui offre et celui qui reçoit. L’un et l’autre partagent un sentiment de culpabilité, à un degré divers, mais de culpabilité tout de même. Cela n’incite pas, évidemment, à faire se délier les langues.
Racines historiques
Il existe bien entendu des racines historico-anthropologiques à de tels comportements. Bolivar lui-même dénonçait déjà en son temps le mauvais usage des fonds publics par l’administration. La faiblesse de l’appareil d’État, au XIXe siècle, n’a fait que renforcer la tendance, imprimant la corruption dans son fonctionnement même.
Au XXe siècle, l’économie du pétrole a permis à la corruption d’atteindre de nouveaux sommets. Désormais, on traitait en dollars, et qui plus est avec des multinationales désireuses de s’assurer une part du gâteau pétrolier vénézuélien, quel qu’en soit le prix. Le prix, c’est la corruption. Cela n’aide pas les pratiques éthiques...
Et au XXIe siècle ? Avec le prix du barril de pétrole qui atteint des sommets inégalés, il n’y a jamais eu autant d’argent dans le pays. Le contrôle des changes, dont l’effet est de créer un dollar parallèle valant plus de deux fois le dollar officiel, ne fait qu’aggraver les choses. Finalement, l’arrivée, avec Hugo Chávez, d’un nouveau personnel politique longtemps écarté des affaires et désireux de prendre enfin sa revanche (À moi le tour !), facilite encore cette course à l’argent facile.
Officiellement, on parle de combattre la corruption. Hugo Chávez a même dit qu’il allait se charger personnellement de ce dossier. Mais rien n’y fait, pas même la « morale socialiste ». On reste à la case départ, comme avec les gouvernements précédents. Trop d’amis, sans doute, sont impliqués, maintenant comme avant.
Dans l’opposition, on crie au scandale : jamais, selon ses représentants, la corruption n’a été aussi élevée. En fait, on a plutôt l’impression que ce qui les dérange, c’est que ce ne sont plus eux qui en profitent, mais de nouveaux venus sur le marché...
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