L’Iran perd sa bombe pour relancer le parti républicain
L’importance de menace iranienne varie selon les impératifs de la politique intérieure américaine. Éminemment variable selon les points de vue, elle devra se faire discrète le temps de passer les élections présidentielles de novembre 2008, aux Etats-Unis comme en Iran.
A l’approche des prochaines élections, Bush a fort à faire pour sortir des impasses dans lesquelles il a engagé son parti. C’est que le bilan n’est pas très bon. A l’actif, des budgets en croissance constante pour les entreprises de défense et un prix du pétrole qui fait jaillir des dollars dans l’industrie pétrolière. Tout cela, malheureusement, ne compte que pour du beurre pour la très grande majorité des électeurs. Au passif, une pauvreté grandissante, un recul des libertés individuelles, une économie sans tonus, une crise financière qui risque d’exploser d’un jour à l’autre, une monnaie en perdition et une politique étrangère qui n’a jamais été aussi déplorable de l’histoire des Etats-Unis. On frise le dépôt de bilan, les sondages clignotent en rouge.
Le fiasco de la politique étrangère américaine de ces huit dernière années est plus apparent que réel. Les objectifs n’ont pas été atteints : l’Afghanistan reste imprenable, l’Iran n’a toujours pas signé d’allégeance, l’allié pakistanais vacille. Observons cependant que pendant ce temps, les Etats-Unis sont parvenus à une première phase : déstabiliser complètement le Moyen-Orient et y implanter de nombreuses bases qu’ils ne quitteront pas de sitôt. L’influence occidentale sur le trajet du pipeline BTC qui traverse l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie est consolidée. Les Turcs ont avalé la couleuvre des armes livrées via l’Irak au PKK et sont rentrés dans le jeu de la Maison-Blanche en lançant des opérations dans le Kurdistan irakien. Le taux de la monnaie américaine contraint les Européens à délocaliser leur industrie aéronautique et le savoir-faire qui l’accompagne. Vu de l’administration républicaine à Washington, le chaos ne s’organise donc pas si mal.
L’arrivée de la campagne électorale marque la fin du round et offre un repos contraint, mais salutaire à l’équipe en place. La tactique de la Maison-Blanche consiste à consolider les acquis, à nettoyer le désordre apparent le temps que se déroulent les élections avant que ne sonne à nouveau la cloche.
La politique étrangère s’étant introduite de façon inhabituelle dans la compagne électorale - le règlement de l’affaire iranienne est le premier argument porté en avant par Hillary Clinton - l’équipe Bush en dévalorise l’enjeu et se proclame pacifiste.
Bush a convoqué la conférence d’Annapolis afin de permettre à Israël de résoudre l’épineux problème du Hamas et de donner des garanties à tous les Etats de la région qui ne demandent qu’à y croire. Il se rendra en Israël en début d’année pour encaisser les retours d’image de cette politique.
Toutes les offensives prévues contre l’Iran sont gelées, mais Bush insiste auprès de ses électeurs sur la nécessité de rester vigilant. L’agence Xinhuanet rapporte que "Bush s’est dit sûr que la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et la Russie voyaient le programme nucléaire iranien comme un ’problème’ nécessitant des pressions sur Téhéran. ’Ces pays comprennent que la question du nucléaire iranien est un problème et continue d’être un problème qui doit être réglé par la communauté internationale’ ". Un message simple : la "communauté internationale" partage ma politique, dont elle est bonne.
Du coup, la bouteille du nucléaire iranien que l’on disait à moitié pleine se révèle à moitié vide ! Ce changement radical de perspective face à une situation inchangée permet à Olmert de maintenir la pression. Bon élève, Ehoud Barak affirme qu’ "Il semble que l’Iran a arrêté pendant une certaine période en 2003 son programme nucléaire militaire, mais, pour autant que nous le sachions, il l’a probablement repris".
En novembre 2008, les élections présidentielles iraniennes devraient porter au pouvoir un modéré, Ahmadinejab n’ayant pu se rendre populaire dans le monde arable qu’au prix d’un profond discrédit auprès de ses propres électeurs. Son insistance à chanter les progrès de l’industrie nucléaire nationale dont il fait son fer de lance vient de perdre l’élément essentiel de son argumentation : ses adversaires en dévalorisent la menace. Ses cris de victoire sonnent comme un rire jaune. Du même coup, l’équipe Bush redonne du poids aux mollahs dans le combat larvé qui les opposent au président iranien.
Le trublion évincé, ce qui tient du probable, il deviendrait possible de parler raisonnablement pétrole et pipeline avec des mollahs qui ne demandent que cela depuis le début du siècle. Et qui tiennent suffisamment aux revenus que leur procure la théocratie iranienne pour ne pas les perdre dans un conflit maladroitement provoqué. Coincés entre le marteau d’une menace de raids israéliens et l’enclume des pressions économique - auxquelles la Chine elle-même commence à souscrire - il est probable qu’ils pourront se montrer plus coopérants avec Washington et moins avec Moscou dont le principal atout, le soutien par la vente d’armements contre une agression américaine, vient de se trouver sérieusement émoussé.
L’annonce permet également de marquer une pause dans l’implantation des missiles en Europe occidentale, officiellement destinés à d’inexistantes ogives nucléaires iraniennes. Inefficaces et destinés à une menace imaginaire, ils sont le prétexte à une observation du ciel russe jusqu’à l’Oural et pourront sans difficulté être remplacés par des missiles nucléaires balistiques. L’arrivée de Donald Tusk au poste de Premier ministre en Pologne et son rapprochement avec la Russie risque de modifier la donne. Il est préférable de se donner le temps de rien risquer qui compromette cette implantation.
Dans ce domaine également, les échéances électorales procurent à l’administration Bush-Cheney l’occasion de se parer d’une peau de mouton pour préparer l’avenir et se consacrer à l’essentiel : porter au pouvoir le candidat qui défendra le mieux leurs intérêts.
Renaud Delaporte
53 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON