La cause palestinienne, ou l’art de transformer une défaite en victoire
Le conseil de sécurité de l’ONU ne s’est pas encore prononcé sur la demande de reconnaissance d’un état palestinien, que déjà Mahmoud Abbas est reparti dans son QG à Ramallah. Une foule nombreuse l’attendait drapeau à la main pour acclamer son nouvel héros. Pour la rue palestinienne, pas de doute, Mahmoud Abbas est le grand vainqueur de la semaine. Pourtant, on est en droit de se se poser la question suivante : qu’a obtenu Mahmoud Abbas de son séjour à New York ?
La reconnaissance d’un état palestinien par le Conseil de Sécurité de l’ONU ? Absolument pas. La démarche de Mahmoud Abbas au du conseil de sécurité est vouée à l’échec du fait du veto américain. Pis encore, Mahmoud Abbas pourrait subir un camouflet de taille : celui de ne même pas obtenir les neuf voix requises. Cette hypothèse semble de plus en plus probable compte tenu de la proposition du Quartet et de l’abstention annoncée du Nigeria. Soit dit en passant, il est étrange que Mahmoud Abbas demande à l’ONU de reconnaitre « le droit légitime des palestiniens à l’auto-détermination » alors dans le même temps il refuse au peuple juif ce même droit en ne reconnaissant pas Israël en tant qu’Etat juif (Mahmoud Abbas n’est plus à une incohérence pres).
De nouvelles concessions de la part de l’Etat hébreu ? Retour des (pseudos) refugiés palestiniens, fin du blocus de Gaza, arrêt des constructions juives en Judée Samarie…la liste des demandes palestiniennes est longue mais Israël n’a rien cédé sur le fond. Bien au contraire, sauf rebondissement de dernière minute, il semblerait qu’Israël soit sorti renforcé de cet épisode onusien. Renforcé par le discours inattendu d’Obama (même si je doute de sa sincérité, élection américaine oblige) et la promesse américaine d’user du droit de veto si besoin est. Renforcé aussi par le nombre croissant de chefs Etats qui se sont ralliés aux positions Israéliennes en réclamant une reprise sans conditions préalables des négociations (la France notamment).
Une réconciliation inter-palestinienne ? Ce serait plutôt le contraire. La démarche unilatérale de Mahmoud Abbas fut critiquée dès le début par les dirigeants du Hamas. Elle est encore à ce jour un sujet de discorde entre les factions rivales. Pour le Hamas, la libération de « toute la palestine » passe par la « résistance armée ». Paradoxalement, les péripéties de Mahmoud Abbas à New York semblent avoir donné raison au Hamas. A l’inverse, Binyamin Netanyahou bénéficie actuellement d’une bonne cote de popularité dans l’opinion Israélienne et a marqué d’importants points sur la scène internationale.
Une reprise des négociations ? Queneni ! Malgré la main tendue de Binyamin Netanyahou et les propositions de Nicolas Sarkozy, Mahmoud Abbas est reparti à Ramallah. Il est vrai que Mahmoud Abbas n’est pas intéressé par une reprise des négociations car négocier c’est faire des compromis. Un mot qui n’est visiblement pas dans le vocabulaire de Mahmoud Abbas.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions définitivement sur cet épisode, la (cruelle) vérité pour Mahmoud Abbas est qu’il n’a rien obtenu de tangible. Tout au plus, obtiendra-t-il un strapontin d’observateur à l’ONU. Ce strapontin lui permettra certes de poursuivre (à sa guise) Israël auprès du TPI, mais cela ne l’aidera certainement pas à obtenir un état. C'est un bien maigre lot de consolation. On peut donc dire que Mahmoud Abbas, arrivé a New York en vainqueur, est en fait le grand perdant de la semaine.
Comment alors expliquer les acclamations de la rue palestinienne pour son chef ? N’ayant rien obtenu de tangible, c’est dans la posture de Mahmoud Abbas qu’il convient de trouver la réponse.
La défense de l’honneur arabe contre « l’humiliation infligée par l’occupant sioniste » tient une place de choix dans la rhétorique palestinienne. L’intransigeance est donc souvent perçue comme une vertu dans les sociétés arabo-musulmanes. Mahmoud Abbas le sait. C’est pourquoi il tint tête aux grandes puissances (en particulier aux Etats-Unis), refusant d’écouter leurs contre-propositions qui lui ont été faites. Son jusqueboutisme le conduit à tenter sa chance auprès du conseil de sécurité (pourtant une voie sans issue) plutôt qu’a l’assemblée générale.
Cette posture intransigeante a plu, elle a été applaudie dans les rues de Ramallah. A l’inverse, un retour à la table des négociations aurait été perçu comme une marque de faiblesse et une humiliation supplémentaire - impensable !
Il convient de rappeler que la reconnaissance d’un état palestinien par le Conseil de Sécurité de l’ONU aurait signifié la mort des accords d’Oslo et donc la fin des avantages économiques et politiques dont bénéficient les arabes de Palestine. Cela aurait probablement signifié l’arrêt des aides financières américaines. En d’autres termes, l’état palestinien aurait été un état mort-né.
C’est pourquoi, et aussi paradoxal que cela puisse paraitre, les arabes de Palestine feraient mieux de remercier leur chef d’avoir échoué dans cette quête insensée.
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