La communauté internationale t-iran-isée ?
En décidant la reprise de la recherche nucléaire, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, prend le risque de voir son pays placé au banc des Nations par la Communauté internationale. Mais cette dernière a-t-elle réellement les moyens de ses ambitions ?

C’est le dernier coup de force de Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien : la reprise de la recherche nucléaire. L’Iran a, en effet, retiré mardi les scellés sur ses installations de recherche nucléaire de Natanz (centre), en présence d’inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Téhéran compte ainsi enrichir de l’uranium, à petite échelle, dans le cadre de ses expériences sur le cycle du combustible nucléaire, a précisé l’agence.
Par cette décision, le président iranien témoigne manifestement de sa volonté de croiser le fer avec la communauté internationale. La question du nucléaire constitue un sujet hautement sensible. Les grandes puissances ont fait immédiatement part de leurs plus vives inquiétudes, et condamnent cette décision. Les États-Unis se sont empressés de brandir l’éventualité d’une saisine du Conseil de sécurité. Bien, mais après ?
Tel est le talon d’Achille des grandes puissances, actuellement, face à la stratégie du fait accompli du président iranien et devant son arrogance. En effet, elles sont conscientes que leur marge de manoeuvre, face à la volonté de puissance iranienne, en l’occurrence nucléaire, est extrêmement limitée. Elles peuvent condamner, mais c’est bien leur seule arme de dissuasion capable de faire reculer le président iranien. Elles n’ont pas les moyens de leurs ambitions, elles ne peuvent mettre à exécution leurs éventuelles sanctions.
L’adoption d’une résolution à l’unanimité au Conseil de sécurité de l’ONU, plaçant au banc des Nations l’Iran, est fortement improbable, en raison de la menace de l’usage du droit de veto par la Russie et par la Chine. Ces deux dernières ont trop partie liée avec l’Iran, même si la Russie a pris ses distances en exprimant sa "profonde déception". En effet, l’Iran achète la plupart de ses armes à Moscou et à Pékin. La Russie a presque achevé le réacteur nucléaire de Bushehr, dans le sud de l’Iran, et devrait en construire d’autres à l’avenir dans le pays. La Chine, grande consommatrice d’énergie, passe des accords pétroliers avec Téhéran.
Autre option : l’embargo économique. Exclu, car sur la communauté internationale plane encore le spectre de celui imposé à l’Irak, au lendemain de l’invasion du Koweït. Un fiasco retentissant et sans précédent, qui s’est soldé par une terrible catastrophe humanitaire et une corruption à grande échelle, récemment mise à jour.
Ne reste donc plus que la solution militaire. Irréaliste. Aucune nation ne prendrait le risque d’une telle initiative. D’autant plus qu’aucune n’en a les moyens. Quant aux États-Unis, les seuls à même de déclencher une telle opération, ils ont grillé leur dernière cartouche en Irak. Par ailleurs, "chat échaudé craignant l’eau froide", cette fois-ci, les États-Unis réfléchiront à deux fois.
Parfaitement au fait des faiblesses de la communauté internationale, le président iranien en profite pour pousser les feux. La seule incertitude et, donc, crainte, est qu’Israël pourrait très bien décider une opération militaire unilatérale, éclair et punitive, en détruisant les sites nucléaires. Mais, pour l’heure, avec la vacance du pouvoir politique et les prochaines élections en mars, Israël a d’autres préoccupations.
Cependant, la communauté internationale semble prêter des intentions au président iranien en matière de nucléaire. Jusqu’ici, nulle trace en effet, dans ses discours et déclarations, pourtant provocateurs, qui font croire à la conduite d’un programme nucléaire à vocation militaire. La communauté internationale a donc seulement une présomption. Cette présomption suffit-elle à condamner un pays ? Certainement pas. Tel est la quadrature du cercle, à laquelle est confrontée la communauté internationale. Le président iranien le sait, voilà pourquoi il avance ses pions, sûrement. Cependant, croire que l’Iran n’est animé d’aucune ambition en matière de nucléaire militaire, c’est faire preuve d’angélisme et de naïveté.
Le président iranien a mal joué en tenant des propos de la pire espèce sur Israël, en souhaitant que le pays "soit rayé de la carte", et en émettant des doutes sur la réalité de la Shoah. Une rhétorique fascisante, qui a légitimement avivé les pires craintes sur les futures intentions des autorités iraniennes, notamment dans le nucléaire, parmi les grandes puissances. En effet, comment considérer que l’Iran s’en tient à un programme exclusivement à des fins civiles, après la tenue de propos si outrageusement belliqueux ?
C’est sans compter aussi sur la volonté de s’imposer comme une puissance régionale, d’asseoir son leadership, une constante dans la politique des autorités iraniennes. Une ambition exhumée et plus que jamais brandie comme le vecteur de l’exaltation nationaliste, le ferment d’une unité d’un peuple, au moment même où son plus grand rival, l’Irak, a un genou et demi à terre.
Afficher son ambition (économique, politique, géographique...) n’a rien d’irréprochable en soi. Parfois, c’est le choix des moyens pour y arriver qui est discutable, voire critiquable. Tel est le problème de l’Iran aujourd’hui.
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