Le scandale du navire russe « Shtandart » dans le port de La Rochelle
Le dimanche 12 juin 2022, un petit groupe d’Ukrainiens a réalisé une « flash-mob » dans le port de La rochelle, devant le Shtandart, pour demander son départ. Il s’agissait de la première vague d’une mobilisation grandissante, en raison de la détresse que ressent la communauté des réfugiés ukrainiens de Charente-Maritime à la vue d’un navire russe accueilli au cœur de la ville, alors que le drapeau qu’il arbore réveille de terribles traumatismes, résultant des violences et des deuils subis. Sur les réseaux sociaux, la diaspora ukrainienne prend fait et cause pour ses ressortissants. Elle est appuyée par un large tissu de sympathisants français. L’affaire du Shtandart à La Rochelle, aura-t-elle l’ampleur internationale du scandale des Mistral à Saint-Nazaire ? On ne peut pas se prononcer pour l’instant, mais les mêmes mécanismes semblent bien se mettre en marche.
Texte initialement paru sur le blog de Bernard Grua
Flash mob devant le Shtandart, 12 juin 2022
Flashmob devant le Shtandart, 12 juin 2022
La frégate Shtandart battant pavillon (морський прапор) et flamme de guerre (вимпел війни) russes mène habituellement une double activité commerciale.
Elle réalise des opérations de charter en embarquant des passagers payants. Elle se rémunère, aussi, en faisant rétribuer, par les organisateurs, sa participation à différents événements nautiques dans l’ouest de l’Europe. Elle s’inscrit dans le « soft power » russe en donnant une image « acceptable » mais trompeuse d’un drapeau et d’une culture, qui mènent une invasion meurtrière en Ukraine, en multipliant les crimes de guerre, voire les crimes contre l’humanité. De nombreux Etats se sont exprimés sur ce qu’ils appellent le génocide russe du peuple ukrainien. L’Assemblée générale de l’ONU a suspendu, le 7 avril 2022, la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme après des informations sur des violations flagrantes en Ukraine. Le 20 mai 2022, la Cour internationale de justice a accueilli favorablement la demande de l’Ukraine contre la Russie. Elle a appelé la communauté internationale à examiner toutes les options pour soutenir l’Ukraine dans sa requête. Les pays de l’Union européenne ont interdit, l’accostage des navires russes dans les ports de son territoire à partir du 17 avril 2022.
Prestations payantes du Shtandart -Source Page Facebook Shtandart Project
Grâce à l’intervention du président des Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, le Shtandart a pu contourner les sanctions pourtant votées par l’ensemble des pays européens. Le quotidien régional Sud Ouest, rapporte, le 9 juin 2022, les propos de Madame Oleksandra Sergeiva, présidente d’Ukraine-Amitié Bordeaux. Elle disait : « Les sensibilités peuvent être heurtées par cette présence (du Shtandart) ». Elle résumait ainsi la position de la majorité des membres de son association opposés à la venue du Shtandart. Elle ajoutait : « Nous considérons que cela reste un symbole, celui d’un navire de guerre. Même si c’est une réplique [du premier navire de combat la flotte de Pierre Le Grand], ce n’est ni le lieu, ni le moment pour ça ». L’élue bordelaise déléguée au tourisme, Madame Brigitte Bloch tranchait, pour sa part : « On ne sait pas quelle utilisation les Russes feraient de cette venue, en terme de propagande ». En conséquence, le Shandart a été exclu de la fête du vin à Bordeaux , comme il avait été exclu des fêtes maritimes de Sète (avril 2022), comme il sera écarté de « Lorient Océans » (Juillet 2022) et de la « Tall Ships Race » (été 2022 : Aalborg et Esbjerg au Danemark, Anvers en Belgique et Arlingen aux Pays-Bas). Rappelons que le même 9 juin 2022 , Vladimir Poutine donnait raison à Madame Brigitte Bloch lorsqu’il a justifié la guerre en Ukraine en reniant les prétextes précédemment invoqués. Il a comparé sa politique à celle du tsar Pierre le Grand lorsque ce dernier avait combattu la Suède, envahissant une partie de son territoire, ainsi que la Finlande, une partie de l’Estonie et de la Lettonie, afin de s’ouvrir un large espace sur la Baltique et d’y établir Saint-Pétersbourg, lieu de construction du Shtandart. C’est cette histoire que porte et célèbre ce navire de guerre.
Aujourd’hui, la Russie détruit systématiquement le patrimoine historique de l’Ukraine par des bombardements qui le cible délibérément. Les territoires sous son contrôle subissent, de plus, une russification à marches forcée. Plus d’un million deux cent mille Ukrainiens ont été déportés en Russie contre leur gré, dont plus de trois cent mille enfants. Certains séparés, de leurs parents, sont remis à des familles russes pour des adoptions illégales Les rues, les places, et même les villes sont renommées. Quand elles ne sont pas en ruine, les bibliothèques sont vidées de leurs ouvrages historiques et culturels relatifs à l’Ukraine. Les manuels scolaires sont expurgés de tout ce qui a trait à l’Ukraine, quand leur contenu n’est pas transformé en un sens révisionniste afin de diaboliser l’histoire de ce pays et de son peuple. Il est donc logique que les manifestations promouvant la « culture » russe soient de plus en plus contestées. À titre d’exemple, à Nantes, les partenaires (région, département, ville, université) se sont désengagées du festival du film russe « Entre Lviv à l’Oural ». Il a été annulé. Pourtant, les arguments invoqués étaient quasiment les mêmes que ceux mis en avant pour le commandant du Shtandart, Vladimir Martus.
Traduction : « Je vais exprimer mon opinion personnelle : il me semble que la photo montre l’évolution de la carrière de la même actrice. Eh bien, ou du moins les deux événements sont dirigés par la même école. Nous créons nos propres univers, dans notre cerveau. Ce que nous « laissons entrer » là-bas, c’est ce que nous vivons.Je ne laisserai pas la guerre entrer dans mon univers. … Qui ne sait pas – mon père est ukrainien. Et ma mère est russe. Et j’ai beaucoup de parents à Donetsk qui sont très aimés. »
Post Facebook Vladimir Martus
Bien qu’ayant accès aux médias occidentaux, Vladimir Martus a d’abord nié la réalité de la guerre en reprochant à la femme ensanglantée d’être une actrice. C’était faux. Il s’agit d’Olena Kurilo, enseignante ukrainienne à Chuguev dont la maison a été détruite par un missile russe le 24 février 2022. Ensuite, il s’est aligné sur un discours anti-guerre comme tout Russe entendant poursuivre ses affaires en Europe occidentale. La stratégie a particulièrement bien fonctionné au point de pouvoir parler en lieu et place des Ukrainiens présents à La Rochelle.
Nous croyons que La Rochelle est l’objet d’une « maskirovka » créant une grande confusion. Il est fait un large usage de l’alibi humanitaire. Ceci ne devrait pas surprendre ceux qui se sont penchés sur l’histoire récente de la Syrie, victime des mêmes agissements. En tout état de cause, suite aux manœuvres de Monsieur Ludovic Pacciarella , l’association Aidons l’Ukraine 17 est maintenant sous le contrôle d’éléments russes et pro-russes. Cette association de droit français se positionne en lobby pour la présence permanente du Shtandart à La Rochelle, qu’elle est allée jusqu’à présenter, au micro d’Aunis TV le 5 juin 2022, comme son « navire associatif« , bien qu’il soit sous pavillon russe. Il nous semble y avoir confusion, voire abus, de bien et d’objet associatif lié à un potentiel conflit d’intérêt. C’est ce qui fait que la majorité, si ce n’est l’intégralité des membres ukrainiens de l’association l’ait quittée ou ait été révoquée. Monsieur Ludovic Pacciarella se déclare tantôt président, tantôt co-président, d’Aidons l’Ukraine 17 tout en se présentant comme « officier de liaison » du Shtandart. Le choix de ce terme n’est pas anodin. Soulignons qu’un « officier de liaison » est théoriquement un militaire qui joue le rôle d’intermédiaire entre les armées de deux pays.
Nous appelons à la vigilance en mentionnant les observations issues du Portugal sur la façon dont les réseaux russes ont infiltré l’aide humanitaire ukrainienne et sur le danger que cette infiltration représente pour les ressortissants ukrainiens. Nous avons connaissance du fait que l’alibi humanitaire, la mise en scène voire le détournement de l’aide aux réfugiés ou aux victimes de la guerre russe en Ukraine, les trompeurs discours de paix, l’inversion victimaire, les parentèles ou origines ukrainiennes opportunément révélées et les faux statuts de dissidents exploités par les réseaux russes ne se limitent pas au Portugal. Nous considérons que ces risques ne peuvent raisonnablement pas être écartés à la Rochelle.
Aunis TV proclame, que la venue du Shtandart est « un exploit réalisé par Ludovic Pacciarella et son réseau associatif Aidons l’Ukraine 17… ». Notons le « SON réseau associatif ». Concernant l’interdiction d’entrer dans le port de Sète, Monsieur Ludovic Pacciarella précise : « On avait déjà été accueilli à Port-de-Bouc, ça avait été limite, mais ils ont fait ce premier pas, puis on s’est dirigé vers l’Espagne [Pasia] où on a trouvé une astuce pour accoster ». Il ne s’étend pas sur la nature de « l’astuce » mise en œuvre en Espagne ou à la Rochelle.
Nous suggérons aux autorités de la ville de la Rochelle et du département de Charente-Maritime d’obtenir plus d’information sur les réels propriétaires du Shtandart, construit, au moins en partie, avec des fonds du gouvernement russe. En effet si, le navire n’est pas retourné dans son pays depuis 2009, c’était parce qu’il craignait une saisie, comme le disait son capitaine, il y a quelques années. Ce n’était pas au nom d’une éventuelle dissidence invoquée aujourd’hui. Il y a bien un litige entre l’administration russe et Vladimir Martus. Nous pensons, de plus, qu’il conviendrait de connaître précisément les sources de financement du Shtandart, de son capitaine Monsieur Vladimir Martus, et de son « officier de liaison » Monsieur Ludovic Pacciarella. Il serait judicieux d’en contrôler le statut au regard du droit fiscal, IR et TVA notamment, ainsi qu’au regard des cotisations sociales. Il serait pertinent de connaître les certificats professionnels dont le Schandart et son capitaine disposent pour embarquer des passagers payants à partir de La Rochelle. Le statut juridique de son personnel étranger embarqué devrait, aussi, être examiné. En effet, puisque le Shtandart est, de facto, un navire quasiment stationnaire du port de La Rochelle, et non un navire étranger en simple et courte escale isolée, nous pensons que son équipage devrait être muni des visas autorisant le séjour sur le territoire français ainsi que des permis de travail requis par la législation française.
En ce qui concerne l’association Aidons l’Ukraine 17, il convient de lever l’opacité prévalant actuellement. Il parait indispensable de s’interroger sur son fonctionnement, sur la transformation de son objet associatif, sur les rapports de pouvoir qui y prévalent, sur les changements intervenus régulièrement ou non dans la composition de son bureau et dans la répartition de ses membres. Enfin, il est indispensable de s’assurer de l’enregistrement exhaustif des fonds reçus ainsi que de leur réel usage au profit des bénéficiaires invoqués.
Nous avons lieu de croire que le résultat de ces examens pourrait sérieusement remettre en question le projet du Shtandart d’acter le fait que La Rochelle soit devenu son port base. Et ceci sans préjuger des éventuels délits et abus de confiance, voire détournement de biens, qui pourraient être constatés.
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