Les femmes votent... et votent islamistes

Mais on n'est pas à une contradiction près. Cela découle du matraquage des esprits :
l'islam a amélioré la condition de la femme, la religion lui donne des droits et j'en passe et des meilleurs.
Elles pensent sincèrement que la religion est de leur côté. Elles oublient que la religion met l'homme en situation d'être à la fois juge et partie vis à vis de sa femme. Les cas exceptionnels où le coran fait mention de médiateurs pour résoudre les difficultés dans le couple sont rarissimes, mais il n'est absolument pas fait mention du juge pour départager les protagonistes. Le juge est presque une hérésie de point de vue de l'orthodoxie des textes sacrés. Dans les affaires du couple, le mari a légalement le dernier mot, y compris par la violence, légitimée, d'autres diront encadrée. Sans parler d'une inégalité de droit à tous les niveaux.
Mais le slogan qui cartonne le plus est de dire qu'un bon musulman est toujours juste, et en premier avec sa femme.
Et on oublie de se poser une question fondamentale, est-ce que l'homme est juste parce qu'il est juste indépendamment de sa religion, ou l'est-il par la pratique de la religion qui le transforme en quelqu'un de juste ?
La première hypothèse signifie que l'homme qui a un sens aigu de la justice aura un comportement qui atténue de l'iniquité de la religion ou tout autre système injuste.
Tandis que la deuxième hypothèse, la plus répandue chez les gens dans les pays musulmans, la pratique, par l'application des recommandations, on évacue la question de justice pour ne plus s'occuper que du respect des interdits et des impératifs, la question de justice ne se pose plus.
D'abord, les rôles sont déterminés et il ne faut pas chercher à les discuter. Ne pas discuter un commandement est ainsi interprété comme un signe de foi. Et l'acceptation des conséquences du commandement est une preuve tangible de la sincérité de la foi. L'acceptation silencieuse de l'injustice devient pour les défenseurs du système un argument. Si tout va mal, les gens se seraient révoltés.
Ensuite, comme la foi est étroitement et impérativement confondue avec la pratique du culte (les rites et l'ensemble des interdits et des impératifs), d'après les salafistes, il n'y a pas plus dérangeant pour eux que les soufis qui s'affranchissent de la pratique ou en créent une adaptée à leur foi. Il est communément admis que la foi, synonyme de la pratique du culte dans l'esprit des gens, est de ne pas remettre en cause les commandements de la religion. Le silence et la continuité des traditions confortent les fondamentalistes dans leur croyance (et même les modérés) que la religion musulmane est juste envers les femmes, la nouveauté est toujours interprétée comme perversion, et comme ils disent : bid'a .
La pratique du culte, dans le sens de suivre des rites et des cérémonies cultuelles, est souvent vécue comme un moyen pour exorciser ses angoisses intimes et profondes et sur lesquelles l'on n'a pas beaucoup d'emprise, une sorte de catharsis. Que cette pratique soit d'ordre individuel ou d'ordre collectif, elle n'apporte ni la foi et ne rend pas plus juste. Croire que la pratique du culte et l'application stricte des précepte de l'islam apporteront une solution aux problèmes sociaux, économiques et politique c'est évacué d'un trait la psychologie humaine, très complexe, en pensant que la religion supprime par magie la jalousie, la haine, l'envie, la cupidité, l'égoïsme, l'indifférence, la méchanceté et en un mot, tous les vices dont souffre l'humanité. C'est également un déni de la réalité des rapports humains d'ordre politique et économique avec tout ce qui les sous-tend comme rapports de domination et d'exploitation. L'accès au pouvoir économique et politique, la question de classe, ne sont plus discutée chez les islamistes. Les questions fondamentale ne sont pas discutées, parce que les salafistes (comme les communistes en leur temps) disent qu'une fois l'islam est appliqué à la lettre, on n'est plus en présence de classes sociales et de rapports de force, mais dans un cadre d'obéissance aux interdits et aux impératifs, face à la prédestination. Ils détournent les yeux sur une réalité sociologique tenace et quasi universelle : tout système génère une nomenklatura qui domine et assure sa pérennité, par la force s'il le faut. Comme l'est actuellement le capitalisme ultra-libéral avec sa nomenklatura, ce qui compte pour le bonheur de la masse c'est la croissance, la consommation et la compétitivité. On a beau répété que le système est injuste, elle nous répond qu'il faut ajouter encore une dose de libéralisme et de compétitivité.
On nous explique parfois que le problème n'est pas la religion mais la mauvaise application et l'interprétation des uns et des autres. Voilà un argument typique des extrémistes et notamment des salafistes, qui prétendent que la corruption et tous les maux de la société musulmane sont dus à la mauvaise lecture et à une application déviante de la religion.
Les problèmes de la société seront résolus si l'on applique ou interprète correctement l'islam. Par ce genre d'argument, la pensée unique s'impose trop facilement puisque entre deux choix, l'islam présenté comme LA SOLUTION à tous les maux, et le reste des solutions décriées comme incapables d'apporter la justice sociale, d'éradiquer la corruption etc. Les gens se doivent dans leur intérêt de voter pour le vert. Il est intéressant de voir ainsi que la religion devient l'alpha et l'oméga, l'horizon de ceux qui la souhaitent, mais elle s'impose également à ceux qui n'en veulent pas. L'autre franche de la population qui ne veut pas de religion dans sa vie se trouve inévitablement marginalisée et inaudible, et pire, obligée d'adopter la conduite moutonnière de ceux qui applaudissent aux salafistes, aux islamistes, peu importe l'appellation, disons tout simplement ceux qui prônent la charia. Que ces derniers interprètent comme ils veulent le coran et la sunna, on s'en moque, mais loin de nous et sans conséquence sur nos vies.
Les femmes qui votent pour les islamistes (en dehors de celles emportées par une sorte de mysticisme et l'exaltation de leur foi et qui sont à mon avis très minoritaires), adoptent l'état d'esprit des bobos, qui cherchent du folklore oriental, l'exotisme et le dépaysement ici même en Occident. Pour elles, la charia c'est anodin et sans danger. Ce sont les femmes, de par leur éducation, qui sauvegardent le socle de la tradition, et quoi de bien naturel que d'aller dans le sens des islamistes. Elles vivent une ambivalence très forte entre des aspirations d'autonomie et de liberté et le soutien à une identité arabo-musulmane cantonnée à l'image d'une femme porteuse de valeurs morales et de piété et symbole de l'honneur de la famille, symbole fixé dans le subconscient collectif tandis que l'image de la femme inégale et inférieure à l'homme est vite mise en arrière plan, à peine visible et comprise. C'est ce symbole mis au goût de jour, que les islamistes ont travaillé dans leur vocabulaire. On ne parle plus de soumission de la femme à l'homme, mais de la soumission de la femme à son Dieu, voire une communion avec lui. Le voile n'est plus présenté comme un commandement des hommes mais celui de Dieu. C'est l'aboutissement d'une évolution mentale et spirituelle, par ailleurs beaucoup de femmes justifient le non port de voile par le fait que la réflexion et le cheminement spirituel ne sont pas encore aboutis, tout en laissant sous-entendre que le choix naturel devrait se faire à l'avantage du voile islamique. Elles s'approprient la rhétorique islamiste, présentant le voile comme un aboutissement, une réalisation dans la spiritualité, une libération. A contrario, celles qui ne portent pas le voile sont inachevées, dans l'égarement, non libres et donc soumises à des forces, malveillantes et nuisibles. Et ainsi de suite.
Ce qui était auparavant demandé de manière brutale et sans ménagement, a vu une révision dans son explication et son interprétation. Le langage a bien changé. Mais le but est le même. C'est une propagande soft des islamistes à destination en premier lieu aux femmes partagées entre l'autonomie, et le « reniement » des traditions, de la religion, et en deuxième lieu leur discours s'adresse à l'Occident pour rassurer, avec le chantage à l'islamophobie et au racisme. Leur stratégie est gagnante, ils gagnent du terrain.
On se moque des explications, pour la plupart de simples hypothèses et a posteriori pour faire passer la pilule bien amère sur la condition de la femme, et au-delà, c'est le clientélisme et le clanisme, ce sont là des rapports antidémocratiques qui s'imposeront tôt ou tard. la Libye nous donne déjà des signes qui ne rassurent pas. Des rapports en phase avec le capitalisme ultra libéral. Devrons-nous nous étonner que l'oligarchie occidentale qui a fait l'apologie du capitalisme débridé ne voit en l'islam qu'une expression de multiculturalisme enrichissant. Autant le communisme fut un réservoir d'idées pour s'opposer aux capitalisme, autant l'islamisme est un allié naturel au capitalisme. L'argument tel que l'islam est le dernier rempart contre le capitalisme est purement une escroquerie intellectuelle.
L'Arabie Saoudite et les monarchies du Golfe sont le temple du capitalisme. On consomme la religion sans protester, comme on consomme un produit sans se poser de question. L'opposition entre capitalisme et islam est très artificielle. Elle a même ceci de particulier, elle donne une aura aux islamistes pour avoir plus de monde.
Pourtant, des gens d'origine musulmane (quoique moins nombreux) le disent très explicitement, l'islam des origines n'a plus sa place dans nos sociétés modernes, à moins d'avoir une préférence pour des valeurs qui remontent à plus de 14 siècles. Sans compter ceux qui restent neutres par peur, par honte etc, et peu importe leurs raisons, ce n'est pas là un sujet pour ne pas relever les contradictions et les insuffisances dans le discours islamiste.
D'aucuns ramènent le problème des sociétés musulmanes au niveau sociologique, économique voire politique (analphabétisme, illettrisme, pauvreté, corruption etc), mais beaucoup de confusion et pas suffisamment de rigueur dans les analyses. Les causes sont souvent confondues avec les conséquences par exemple. Il y en a ceux qui s'appuient sur l'exégèse des uns pour s'opposer ou contredire celle des autres. Mais qu'importe les exégèses des uns et des autres, on n'a pas besoin d'explication de texte, la première qualité d'un texte légal est sa clarté, sa temporalité qui fait qu'il n'est pas immuable. Le débat d'idées en théologie n'a pas à s'inviter dans la société civile, laquelle cherche des solutions pratiques, pragmatiques en phase avec l'évolution des sociétés et non figées dans le temps. La discussion devrait concerner la société civile et ses aspirations lesquelles doivent être régies par un droit laïc, humain, moderne et rationnel, celui que la majorité libre vote. non un droit atavique que la majorité devra accepter après un endoctrinement acharné comme sa destinée, son horizon indépassable.
A mon avis on n'a pas à suivre les islamistes dans leur voie, cela ne mène nulle part, soit on accepte leur logique : on se soumet, soit s'opposer à eux et c'est le clash. Parce qu'ils ne cherchent ni le débat, ni la liberté religieuse. Personne ne les prive de pratiquer leur religion, ici en Occident ou ailleurs, mais ils cherchent à instaurer et imposer un ordre social et religieux. Beaucoup de gens ne le comprend pas ainsi et c'est bien dommage.
Certaines femmes sont incrédules et sont complices de leur propre malheur. Et l'histoire se répète en Tunisie et en Égypte, comme auparavant ce fut le cas en Algérie.
S'il n'y avait que des hommes qui votent, cela aurait rendu l'affaire moins complexe. On accuserait les hommes de tous les maux. Mais il y a des femmes, et en nombre important, qui votent pour les islamistes. Les Tunisiens résidant en France ont voté islamistes pour plus de la moitié d'entre-eux. Combien de femmes ? C'est une question qui mériterait qu'on s'y penche.
La femme vote pour l'islam dans une sorte de schizophrénie, la seule liberté qu'elle manifeste c'est celle que les hommes lui ont donné, pardon ! que Dieu lui a accordé. Ses droits et libertés sont ceux de l'islam. La liberté et le droit prennent une signification que la religion leur donne. C'est la nouveauté de la novlangue d'une franche des radicaux comme Tarique Ramadan. Dire les mêmes choses mais de manière moderne moins brutale, plus diplomatique. Pour résumé, ils n'hésitent pas à utiliser les méthodes de marketing pour vendre leur idéologie. Comme d'autres utilisent la philosophie et la protection des civils pour assassiner et saccager tout un pays.
Il aurait été moins difficile de confronter un seul adversaire, les islamistes et leur idéologie. Mais la difficulté la plus grande réside dans le comportement de la femme elle-même.
La femme dans les pays musulmans doit avoir un sacré courage pour faire face à trois grandes difficultés, voire menaces :
en premier lieu, il faut confronter sa propre famille. Cela signifie une rupture définitive ou l'éloignement pour éviter les tensions et les pressions de toutes sortes à commencer par le chantage affectif. Sans autonomie matérielle et professionnelle cela reste de l'ordre de l'impossible de se libérer de sa famille et par conséquence s'y opposer. Combien d'entre elles sont-elles prêtes à payer le prix fort ? Et combien d'autres s'arrangeant avec leur conscience pour aller dans le sens des attentes et aspirations familiales, quitte à se les approprier comme les leurs ? La femme est détentrice de l'honneur de la famille (l'honneur est un concept bien flou et changeant temporellement et spatialement, par ailleurs chacun peut en avoir sa propre conception), y porter atteinte c'est donc trahir, et que mérite le traître ? Par métaphore c'est un peu comme si on dépossède quelqu'un de ses biens et on lui assigne la fonction de les garder, avec comme distinction de le gratifier de titre de loyal s'il réussit sa fonction de gardiennage. Souvent la femme ne voit et ne cherche que cette distinction. Elle ne se pose pas de question sur ses biens, mais sur la distinction qui devient un objectif de vie. C'est en cela que l'attitude de Caroline Foureste est maladroite, et ne peux que froisser la femme qui s'est focalisée sur la distinction au lieu du bien dépossédé (qui n'a plus autant d'importance que le prestige de la distinction). Foureste restera inaudible, et agacera la femme prise dans cette aliénation de personnalité, et échouera lamentablement face à un Ramadan qui parle de liberté de la femme à faire son choix entre ses biens dépossédés et la distinction dans sa fonction de gardienne à l'avantage de l'homme, pardon ! gardienne de ce que Dieu lui a assigner de garder. Ramadan passe pour un défenseur de la liberté et Foureste pour une autoritaire, incapable de mesurer et d'accepter le choix individuel d'une autre femme quand il va à l'encontre de ses propres choix idéologiques.
La deuxième menace c'est la société. Une société, qui considère la femme en fonction de son appartenance à une famille, et la famille ici c'est bien sûr l'homme. Une femme qui s'affranchit (d'affranchir ne veut pas dire être contre la famille) volontairement ou non de sa famille, (elle gagne sa première victoire), mais il n'est pas sûr de sortir indemne face à une société qui la considère comme une chose publique, n'importe quel homme peut s'en saisir. Cette réalité, non dite, mais largement ancrée dans le conscient collectif, pose problème aux femmes dans l'espace publique. Les femmes savent pertinemment qu'en dehors de leur famille, de moment où elles ne dévient pas de ligne tracée pour elles, la vie risque de devenir un enfer. Elles sont pour ainsi dire reconnaissantes à leurs protecteurs, les hommes de la famille. Il ne faut pas les décevoir ni les trahir.
Il n'est pas évident pour une femme ancrée dans son quotidien, dans son environnement de prendre une distance des codes sociaux, à commencer par la hiérarchie entre homme et femme, elle joue le jeu avec les cartes qu'elle a en main, consciemment ou non. Elle peut tenir un discours (souvent entre femmes très proches quand les tabous et les interdits ne font pas craindre une liberté de ton) qui n'a rien à envier à celui de n'importe quelle féministe engagée, alors que dans son quotidien elle donnera raison à Ramadan.
Enfin, supposons que la femme se retrouve libérée de la contrainte de la famille, qu'elle se retrouve dans un environnement social plus respectueux, elle doit confronter sa solitude. Entre une liberté au prix de la solitude, et une relative servitude entourée de gens qui l'aiment malgré tout et qu'elle aime, que pensez-vous que la majorité des femmes choisissent ? S'il n'y a pas de soutien familiale, une compréhension de la part de ses proches, si la société n'accorde aucune protection, aucune considération à la femme, la vie est vite transformé en une continuelle lutte de tous les instants. Une guerre dont elle n'est pas sûre de sortir ni gagnante ni grandie, et encore moins respectée. N'est pas Foureste qui veut. Alors que la route de la figure de la femme pieuse est déjà balisée, moins compliquée. Par ailleurs, les islamistes, notamment leurs idéologues comme Ramadan, ne se trompent pas quand ils s'approprient ces remarques pour en faire une lecture qui leur convient et notamment défendre le voile en Occident. Ils décrivent, et ainsi donnent aux femmes qui portent le voile intégral ou non le sentiment d'être une sorte de martyrs, de combattantes, des figures héroïques, à l'image de celles des temps immémoriaux. On fait d'une pierre deux coups. On reproche indirectement à la femme qui vit dans les pays musulmans de ne pas suivre l'exemple des martyrs du voile alors qu'elle se doit de l'être dans un pays par essence musulman. Et on démontre ainsi que le voile est un choix mûrement réfléchi, de moment où la question de spiritualité est posée, la femme ne peut ne pas opter pour le voile. Que la spiritualité cache d'autres motivations, cela reste secondaire pour les islamistes.
On glorifie un combat qui au final n'en est pas un. Être verbalisée (payer une amende tout au plus) pour port du voile intégrale et être lynchée pour indécence ou atteinte à l'honneur, le courage ou la témérité s'il y en a, le statut de victime ne se trouvent de toute façon pas de côté de la femme qui vit en Occident il faut se le dire, relativiser ainsi ce que certaines considèrent comme un combat.
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