« Les mesures de Raùl Castro sont du maquillage »
Le gouvernement de Raùl Castro a cédé à certaines des demandes de longue date des citoyens cubains. Premières mesures dans le sens d’un assouplissement annoncé du régime castriste.
Depuis le 1er avril, les habitants de l’île ont le droit d’accéder librement aux hôtels, jusqu’alors réservés aux touristes. Ils peuvent aussi, s’ils en ont les moyens, se procurer des ordinateurs, des téléphones portables, des postes de télévision et louer des voitures.
Pour Jesus Zuniga, sociologue et journaliste cubain exilé à Paris, il ne s’agit pas d’une véritable avancée vers une libéralisation du régime, mais d’un procédé de « déguisement » visant à amadouer l’opinion internationale pour mieux continuer à opprimer le peuple cubain.
Jesus Zuñiga a été reporter pour la presse cubaine puis pour des journaux internationaux (Herald Tribune, USA Today...) pendant une vingtaine d’années. En 2006, il est forcé de quitter Cuba. Ses reportages qui révèlent les aspects sombres de la vie sur l’île (la prostitution, la censure, la corruption, le trafic de drogue) déplaisent au gouvernement castriste. Il est jeté en prison et torturé avant d’être invité à choisir entre vingt et un ans de prison et l’exil. Réfugié en France, Jesus Zuniga vit séparé de sa famille qui n’a pas le droit de quitter l’île. Il continue de dénoncer la dictature cubaine et continuera de le faire jusqu’à ce qu’elle soit renversée.
MJ : Qu’est-ce que les récentes levées d’interdictions décidées par Raùl Castro vont changer pour le peuple cubain ?
JZ : Absolument rien. Les Cubains vivent dans la misère et personne n’a les moyens de s’acheter un ordinateur ou de louer une voiture. Ils ont à peine de quoi manger.
Le pays est en crise économique. 25 % de la population reçoit de l’argent de l’extérieur, ce qui lui permet de manger correctement. Le reste gagne un salaire de misère. Un médecin par exemple gagne 25 euros par mois, ce qui est considéré comme un bon salaire. La quasi-totalité des Cubains est payée en pesos alors que tous les produits importés, parmi lesquels des produits de première nécessité comme le lait, sont vendus en « pesos convertibles » dans les magasins pour touristes. Le peso convertible est environ vingt fois plus fort que le peso cubain.
Par ailleurs, les téléphones portables ne fonctionnent qu’à l’extérieur de Cuba, et ils datent des années 90, il en est de même pour les ordinateurs.
Enfin, le libre accès aux hôtels n’est rien d’autre qu’une légalisation de la prostitution. Le gouvernement le cache, mais Cuba est un paradis sexuel, surtout pour ceux qui sont attirés par la prostitution infantile. Les habitants de l’île ne peuvent évidemment pas se payer l’hôtel. En revanche, les touristes pourront à présent entrer librement dans des hôtels avec des prostituées, ce qui développera le secteur.
MJ : Est-ce que l’on peut y voir un signe d’une volonté de Raùl Castro de donner plus de libertés aux Cubains que son prédécesseur ?
JZ : Je ne crois pas. Nous savions tous depuis notre naissance qu’au moment où Fidel Castro se retirerait, son frère prendrait la relève. C’est une dynastie.
Fidel Castro est politiquement mort depuis dix-huit mois. Pourtant celui qui le remplace n’a pas commencé la moindre réforme. D’ailleurs Raùl Castro a annoncé publiquement qu’il continuerait de consulter Fidel Castro avant de prendre un certain nombre de décisions importantes. Il est clair que Fidel est derrière ces dernières mesures de « maquillage » très calculées.
Elles ne bénéficieront qu’aux riches, c’est-à-dire aux membres du régime et leurs collaborateurs. Il s’agit d’un jeu avec l’opinion publique. Les gouvernants font croire que le régime va changer pour obtenir les faveurs de l’opinion internationale et notamment de l’Union européenne, qui fait pression sur la question des libertés depuis dix ans.
Je pense que Raùl Castro a en tête de demander la fin de l’embargo économique américain en échange d’une prochaine levée d’interdiction. Il utilise le peuple pour faire pression et obtenir des compensations économiques. En attendant, la répression continue.
MJ : Est-ce que ces concessions du régime castriste vont encourager les Cubains à revendiquer d’autres libertés ?
JZ : Ils en demandent déjà, mais pas publiquement. Les premières libertés les plus élémentaires qu’ils réclament sont de pouvoir rentrer et sortir de Cuba en toute liberté et d’accéder librement à internet et aux antennes satellites.
Les gouvernants connaissent bien ces revendications, mais ils ont d’ores et déjà refusé d’accorder ces trois-là, qui sont les plus importantes.
Je ne pense pas que les gens manifesteront pour les réclamer. À Cuba, tout se sait, police et informateurs sont partout. Mais aux réunions publiques avec Raùl Castro personne n’ose dire « On a besoin de ça ».
Les gens vivent avec la peur au ventre. L’emprisonnement est le prix à payer si l’on critique le gouvernement.
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