Quelques perspectives à la catastrophe de Fukushima
Rien n’apparaît moins sûr que la maîtrise affichée en matière de sécurité nucléaire. Il est urgent de voir quels enseignements peuvent être tirés de l'accident majeur que connait le Japon.
Certes la centrale entière a subi les dommages dus au tsunami. Mais qu’ils aient été alors brutalement stoppés dans leur fonctionnement, à ce qu'on nous dit selon les mesures d’urgence prévues, ou à l’arrêt, tous les réacteurs ont posé et posent encore problème. Le caractère dérisoire ou pathétique de certains moyens mis en œuvre, les délais d’interventions qui tardent à porter leurs fruits, les relevés de radioactivité approximatifs, tout démontre que, dans l’ensemble, les procédures de contrôle et de maîtrise ont été mal étudiées et demeurent inabouties, malgré Three Mile Island et Tchernobyl . Si les manquements de Tepco semblent avérés, le pays des robots et de l’électronique n’en apparaît pas moins singulièrement démuni et imprévoyant. Presque totalement dépassé.
Ceci ne l’a pas empêché de refuser durant plusieurs semaines l’aide de pays ou sociétés acteurs majeurs en la matière. Au nom de quoi ? Si désormais on semble devoir élargir la zone contaminée à 100 kms autour de la centrale, si les côtes et l’atmosphère voient augmenter durablement une radioactivité erratique, peut-on laisser une entreprise ou un pays seuls décideurs dans ce type de catastrophe ?
Enfin, et ceci semble valoir au-delà du Japon, les programmes d’entretien sont soumis à des critères économiques de rentabilité intolérables, conduisant à des défaillances matérielles ainsi qu’à une précarisation – par le biais de la sous-traitance -, et à un suivi médical incertain des personnels de maintenance. Le tout dans une opacité largement organisée. Pour autant que les chiffres soient confirmés, que penser d'un système qui dans le même temps octroie une prime journalière de 15 euros à ces techniciens qui risquent leur vie, et ne fixe aucune limite aux bonus mirifiques de traders et de dirigeants jamais en première ligne ?
L'AIEA a pour mission de promouvoir le nucléaire civil et surtout d'éviter le risque de prolifération de l’arme atomique. Cette double approche, notamment du fait de son second volet, ne semble pas des plus appropriées. Zones et temps de tensions, contraintes et cultures diplomatiques, alliances et pressions conjoncturelles alourdissent son fonctionnement. Ne serait-il pas temps de mettre en place une agence internationale - et ses antennes nationales - spécifiquement dédiée au contrôle du nucléaire civil ? S’y retrouveraient les acteurs industriels, politiques, scientifiques, mais aussi, impérativement, les associations de protection de l'environnement et les associations de citoyens et de consommateurs.
Règles de sécurité, contrôle des installations et des déchets, plans d’urgence, détermination des coûts de fonctionnement réels et sincères de l’intégralité de la filière industrielle, information : tous ces points relèveraient de cette agence, le tout dans la plus grande transparence. Car il s'agit là d'une problématique à la gestion de laquelle tous les citoyens doivent être pleinement associés. Il faudrait aussi définir un statut des personnels travaillant dans la maintenance, garantissant notamment leur sécurité sanitaire, sur la base d’une stabilité et d’une traçabilité d’activité. Enfin, mettre en place une collaboration internationale anticipée et effective en cas de catastrophe. Tout ceci ne préjugeant pas d’une possible sortie du nucléaire, envisageable à échéance de vingt, trente ou cinquante ans.
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