Ratko Mladic et Srebrenica : entretien exclusif de 1995 avec CNN jamais paru dans les médias (3/3)
En 1995, un mois seulement après le massacre de Srebrenica et trois semaines après que le tribunal de La Haye a porté plainte contre Ratko Mladic, une équipe de télévision de CNN a réussi à rencontrer et interroger le général serbe. Seulement, malgré le degré d'importance extrême de cet entretien, ces enregistrements ne furent jamais révélés. Les cassettes sont restées pendant plus de 16 ans dans des archives privées en Bosnie-Herzégovine et n'ont été rendues publiques qu'en août 2011. En septembre 2011, le tribunal de La Haye a fait savoir qu'il n'avait jamais eu connaissance de l'existence de ces cassettes malgré le fait que l'entretien ait été conduit par des médias occidentaux.
Disclamer : Cette traduction n'est donnée qu'à titre indicatif et son auteur ne saurait être tenu pour responsable de l'inexactitude de certains propos. Le texte original en anglais est disponible ici.
Lien vers la partie 1/3 de l'entretien.
Lien vers la partie 2/3 de l'entretien.
Reprise de la fin de la partie 2/3 :
CNN : Je pense que votre désir de paix est sincère. Comment ressentez-vous le fait d'être désigné comme un criminel de guerre ?
[...]
Début de la partie 3/3.
J'ai suivi en partie cette accusation du Tribunal de La Haye à mon encontre. Je suis une personne qui appartient à son peuple, de tout son cœur, et tout comme mes ancêtres. Mon peuple et moi-même ne sommes pas ceux qui ont déclenché cette guerre. Donc ni mon peuple, ni ses dirigeants, ou moi-même en tant que général, n'avons déclaré la guerre à quiconque jusqu'à ce jour. Cette guerre a été déclarée contre nous et déclenchée par ceux qui, malheureusement, en 1914 et en 1941, aux côtés des troupes de l'empire austro-hongrois et des hordes fascistes d'Hitler, ont entamé le massacre des Serbes et les ont jetés dans des fosses. Je défends mon peuple de tout mon cœur en utilisant toutes mes compétences contre l'extermination, parce qu'il a été attaqué par les formations armées musulmo-croates contre le souhait de la plus grande partie des populations croate et musulmane – je n'ai aucun doute là-dessus – et sur les instructions de centres de pouvoir mondiaux qui veulent germaniser et islamiser les Balkans et l'Europe.
Je ne reconnais aucun procès si ce n'est celui de mon propre peuple. Je n'ai pas besoin de me défendre parce que ces stupides accusations proviennent de ces centres qui ont pondu des mensonges en série via PR (?) et des organisations similaires créant un tel chaos dans ces territoires que la communauté internationale ne sait pas, ne voit pas ou ne veut simplement pas voir comment trouver une solution à ce probleme. Puisque vous êtes un grand pays, je vais vous dire la chose suivante : cela n'a pas d'importance combien de temps je vais vivre ; ce qui est important pour moi, c'est ce que je serai en mesure d'accomplir pour mon peuple au cours de ma vie et combien je peux contribuer à le sauver de toute cette souffrance terrible, de ceux qui l'ont attaqué et de ceux qui soutiennent nos adversaires et qui ont un immense pouvoir.
J'ai moi-même dit cela au général Smith et au général Mayer et à d'autres généraux encore qui nous avaient menacés de bombardements. L'un d'entre eux était de votre pays. Nous sommes sur notre terre et nous sommes ouverts à la paix et à la coopération avec tous les peuples de tous les pays du monde. Ni les Serbes, ni moi-même n'avons aucun préjudice racial ou religieux. Aucune puissance ne peut prendre la décision de nous exterminer parce qu'elles n'y réussiront pas ; l'amour de notre terre natale et notre désir de vivre sont plus forts que n'importe quelle arme sur cette planète. Nous allons survivre, et vivre, parce que la souffrance des Serbes de Krajina nous a donnés une force nouvelle et encore plus importante que la souffrance du Kosovo ou de la catastrophe de 1915 quand l'armée serbe a dû quitter ses terres et se réfugier chez la Grèce amie où elle s'est regroupée, réorganisée et depuis laquelle elle a plus tard libéré sa mère patrie aux côtés des Alliés.
Si vous voyez un soldat ou un officier serbe aux États-Unis ou dans n'importe quel autre pays du monde qui est venu sur mes ordres pour mener une rébellion ou renverser le système social, vous pouvez être sûr que j'irais de mon propre chef au tribunal de La Haye.
Je vais également répondre à la question posée par votre collègue Peter. Il m'a interrogé à propos des viols à Zepa. Laissez-moi m'excuser auprès d'une dame qui est présente ici (ndt : ici ne renvoie pas à Zepa mais à l'endroit où Mladic donne son entretien ; here dans le texte anglais original). Pour répondre à sa question, je lui ai demandé de le faire sur la scène du crime, à Zepa. Je l'ai emmené dans un bus rempli majoritairement de femmes et d'enfants, mais où se trouvaient également quelques hommes. Il a parlé à ces femmes. Je n'étais pas présent durant leur conversation. Quand il est ressorti, je lui ai demandé de répondre lui-même à sa propre question. Je lui ai demandé si lui-même aurait violé l'une de ces femmes qu'il avait vues dans le bus. Il répondit : « Monsieur le Général, n'importe quelle personne qui vous posera cette question est un idiot. Après tout ce que j'ai vu ici, je suis surpris à propos de vous, à la fois en tant que personne et en tant que général. » Je ne pense pas qu'il était hypocrite. Je pense qu'il était sincère. Vous êtes du même pays donc vous pouvez vous parler. Je pense que vous aussi, journaliste célèbre, êtes venu ici avec une image différente de celle que vous aurez après notre entretien.
Finalement, j'aimerais vous poser la question suivante : si vous étiez à ma place, si de nombreux de vos citoyens avaient été attaqués et menacés, si des moudjahidines d'Iran, de Turquie ou d'autres pays arabes avaient coupé la tête d'adultes et d'enfants – comme c'était le cas à Vlasic en 1993 – et si vos enfants avaient été tués par des trafiquants de drogue des pays occidentaux, resteriez-vous paresseusement assis ou vous lèveriez-vous pour défendre votre peuple ? Lèveriez-vous les mains en l'air face aux avions de l'OTAN qui vous bombardent ?
Monsieur, par l'intermédiaire de vos puissants médias, vous avez convaincu le monde entier que les Serbes étaient des sauvages parce que l'un de vos avions s'est écrasé sur notre territoire. Le président Clinton a reçu son pilote comme s'il était un héros. Quel droit avait-il de survoler notre pays, d'entrer dans l'espace aérien de l'état serbe ? Quelle menace posons-nous à l'Amérique ? Avons-nous menacé sa souveraineté, son intégrité, ou avons-nous simplement réduit son rôle de superpuissance ?
CNN : En tant que général et soldat, en tant qu'officier dirigeant, si vous appreniez qu'un soldat serbe avait blessé ou tué une femme ou un enfant, comment réagiriez-vous ?
RM : Chaque soldat qui viole les procédures légales fondées sur le droit international et la loi de l'armée de la République serbe de Bosnie, qu'elle que soit la raison pour laquelle il a commis cette offense – dans le cadre de sa profession militaire ou de la tâche qui lui a été assignée – devra faire face aux corps judiciaires de la République serbe de Bosnie.
Laissez-moi vous raconter un épisode dans le contexte de ce triste scénario près de Potocar, dans les environs de Srebrenica, qui fut filmé. Je pourrais le donner à CNN un jour. Je parlais à ces femmes et enfants innocents. Je me suis présenté à eux. Nous les avions aidés comme nous le pouvions. Je leur ai dit comment ils allaient être évacués. Puis, une dame d'une trentaine d'années me dit, prétendument dans son supplice : « Général Mladic, vous présentez très bien à la télévision mais l'on ne se rend pas compte à quel point vous êtes beau dans la vraie vie. » Pourtant, je n'appartiens pas aux gens “beaux”, je ne suis pas, par exemple, aussi beau que vous l'êtes. Vous avez ces caractéristiques typiquement américaines : de larges épaules et le sourire au visage. Donc, je répondis à cette dame : « Madame, ne me présentez pas vos compliments. Ils m'accusent déjà de viol. Comment le monde réagirait-il à vos propos ? » Elle me répondit en plaisantant : « Vous n'avez pas besoin de violer, il suffit que vous parliez. »
Je pense que des histoires aussi stupides que celle-là ont été racontées à propos d'officiels de haut rang de la République serbe. Il y a une chose que je ne comprends pas : comment se fait-il que les postes de télévision n'aient pas explosé de honte à cause des mensonges qu'ils répandent ? Monsieur, nous avons tous une certaine éducation. Il n'y a pas une seule école militaire que je n'ai pas terminée. J'ai travaillé avec ces gens toute ma vie. Pour votre information, ils étaient tous des gens absolument normaux qui subissaient des examens médicaux deux fois par an. Cela n'avait pas d'importance qu'une recrue, un commandant junior ou un officier arrive dans une école militaire. Ils devaient tous se soumettre à un examen médical deux fois par an.
Ma famille, mon école et ma vie m'ont appris à dire la vérité et à me battre pour la vérité. Sans cette guerre, je n'aurais probablement jamais vu ce qui peut être vu, ce qui peut arriver à la nature humaine et ce qui peut y être trouvé (ndt : l'expression originale est "what can happen and be found in human skin").
Et maintenant, mes chers journalistes, laissez-moi vous provoquer, malgré le fait que vous apparteniez à CNN. Vous avez trompé le monde, tous ceux d'entre vous qui ont annoncé la décision du Conseil de Sécurité de déclarer le village de Zepa, où il y a dix maisons, comme une ville. Cela n'a jamais été et cela ne sera jamais une ville. La guerre dans Sarajevo a éclaté lorsque les terroristes musulmans ont attaqué un mariage serbe ; et a commencé à s'aggraver lorsque ces mêmes terroristes musulmans ont attaqué une colonne de l'ancienne Armée Populaire Yougoslave dans la rue de Dobrovoljacka, où, en la présence du général McKenzie, ils ont tiré sur des civils non armés et des soldats, parfois depuis des voitures de la FORPRONU. Les Musulmans ont tout fait et continueront de tout faire pour impliquer la communauté internationale, particulièrement l'OTAN, dans leur combat, à leurs côtés et pour leurs objectifs, en lançant des offensives subversives et terroristes variées.
Un tel exemple est celui de l'attaque d'une file d'attente pour du pain dans laquelle ils tuèrent un nombre important de Serbes mais également certains de leurs propres hommes dans le but de montrer que cette tragédie était le fait de l'artillerie serbe et d'attaques au mortier. Ou prenons la tragédie de Markalama. Seuls ceux qui avaient planifié et perpétré ces actes monstrueux et ceux qui les ont couverts dans les médias en trompant le monde entier sont ceux qui ne sont étrangement coupables d'aucun crime. Et maintenant, permettez-moi de me défendre moi-même de vos nobles attaques.
Quel droit avez-vous, en tant que personne et journaliste – je suppose que vous êtes une personne humaine puisque vous êtes journaliste – de montrer autant d'intérêt pour les enclaves de Zepa et de Sarajevo, et de ne pas poser la moindre question à propos de l'état des populations serbes dans ces enclaves auxquelles a été imposé un embargo par la volonté des puissances mondiales, dont fait partie votre pays, quand nous ne pouvons même pas apporter de l'oxygène pour les personnes âgées qui en ont besoin ?
Laissez-moi vous poser une question : êtes vous heureux ou malheureux que ces sanctions monstrueuses aient été imposées aux Serbes ? Je vous assure que l'exode actuel (de Krajina) et la colonne de réfugiés longue de 600 kilomètres sont le résultat de ces décisions monstrueuses sur les sanctions contre les Serbes et leur diabolisation. Les centres de pouvoir mondiaux font tout pour envenimer les choses afin d'accomplir leurs objectifs sales pour dominer les Balkans. Les Balkans devraient être laissés en paix aux peuples des Balkans, que vous devriez aider à trouver une issue à ce Golgotha.
CNN : Dernière question. Quand pensez-vous que cette guerre va se terminer ? Hier, le vice-président Koljevic nous a dit penser que les combats allaient s'arrêter le mois prochain.
RM : Le professeur Koljevic est un homme politique et il est probablement mieux informé que je ne le suis. Il a des contacts politiques tout autour du globe.
CNN : Est-il possible que les combats s'arrêtent le mois prochain ?
RM : Êtes-vous marié ?
CNN : Je suis marié et j'ai deux enfants.
RM : Vous êtes-vous déjà disputé avec votre femme dans votre vie ou durant votre mariage ?
CNN : Non, jamais.
RM : Je ne vous crois pas. Je me suis souvent disputé avec ma femme. Parfois ces querelles duraient très longtemps. Quand nous étions jeunes, elles étaient courtes. Maintenant, elles sont plus longues. Vous avez besoin d'un immense courage pour entamer une guerre, mais encore plus de courage est nécessaire pour y mettre fin. Je suis convaincu que les Serbes veulent la paix et je suis sûr que les Musulmans et les Croates le veulent également.
Je suis sûr qu'avec l'aide de la communauté internationale et des grandes puissances, il est possible de mettre fin à cette guerre et de forcer la Croatie à retirer ses forces armées de l'ancienne Bosnie-Herzégovine. Si elles n'étaient pas là, il n'y aurait eu aucune guerre en Bosnie-Herzégovine. Nous devrions nous asseoir à la table des négociations et résoudre ces problèmes sur un pied d'égalité à court ou à long terme, parce que nous ne sommes pas contre l'idée que les Musulmans ou les Croates aient leur propre état. Mais nous ne voulons pas que cet état soit créé ne serait-ce que d'un millimètre sur le sol serbe.
CNN : Cela est-il possible tant que les Croates sont à Krajina ?
RM : Il vaudrait mieux qu'ils se retirent de Krajina et qu'une force du maintien de la paix y soit déployée pour mener à bien sa mission et y rétablir l'ordre qui régnait avant l'agression croate. Il n'y aurait alors pas un seul Serbe, et il ne devrait pas y avoir une seule personne de la communauté internationale, qui essaierait de vérifier l'occupation croate d'une quelconque partie de Krajina.
CNN : Pas de paix avant que les Croates se retirent de Krajina ?
RM : Laissez-moi vous dire quelque chose. Je laisserai ceux qui ont donné le feu vert aux Croates pour l'agression contre Krajina répondre à cette question. Je vous dirai que nous avons mené une guerre contre l'empire turc pendant 500 ans – voire 600 dans certaines régions – jusqu'à ce que nous libérions nos foyers et les tombes de nos ancêtres. Pendant des décennies, nous avons combattu l'empire austro-hongrois jusqu'à ce que nous libérions nos terres et durant cinq ans nous avons combattu l'Allemagne fasciste pour les mêmes raisons. Nos ancêtres ont combattu mieux que nous pour notre terre que nous-mêmes. Notre terre nous est sacrée. Nous ne sommes pas allés en Alaska, au Groenland, aux Malouines, aux Falklands ou au Vietnam. Nous sommes restés ici et continuerons de vivre sur cette terre. Il serait bon pour tous les belligérants que la paix s'installe ici aussi vite que possible. Cela serait également bon pour leurs sponsors et leurs patrons : un boomerang revient toujours à l'envoyeur. Les vents de la guerre ont besoin de s'apaiser.
Interprète : Vous devriez avoir la biographie du général Mladic.
RM : (ndt : phrase ambiguë non traduite, version originale : « Only don’t take it from me. ») J'ai rencontré de nombreuses personnes, célèbres et excellentes, parmi les généraux ayant tenu des postes de commandement au sein des anciennes armées de Bosnie-Herzégovine et de Yougoslavie. Elles avaient mon âge. C'est ma première guerre et certains de mes collègues, que je ne nommerai pas, ont plus de douze guerres et pays à leur palmarès, mais n'ont jamais combattu sur leur propre territoire car ils n'ont jamais été attaqués. Et en ce qui me concerne, la route vers La Haye m'est ouverte.
CNN : (Incompréhensible.)
RM : CNN a moins de questions que je n'ai de réponses.
Fin de la partie 3/3.
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