Rwanda, ONU, qui est accusé ?
Lorsque la politique s’insinue quelque part et montre son envie de bien faire et d’aider en voulant sauver une situation catastrophique, il est à prévoir qu’elle accouchera d’une souris et fera tout le contraire du raisonnable. L’ONU, gangrénée sans doute par des intrigues politiques à n’en plus finir et des groupes de pressions bien organisés, est souvent une triste caricature du justicier d’opérette qui fait beaucoup de vents avec ses moulinets de bras mais guère plus. Si ce n’est beaucoup de désastres.
En nommant récemment l’ancien président colombien, Álvaro Uribe [1], pour seconder le président de la commission chargée d’enquêter sur l’attaque meurtrière, le 31 mai dernier, de commandos israéliens contre la flottille transportant des centaines de militants pro-palestiniens et des tonnes d’aide destinées à Gaza, l’organisation prouve qu’elle n’accorde aucune importance à ce qu’elle fait, et que le gros bâton états-unien l’impressionne énormément.
Sans surprise, lorsqu’il s’agit d’une affaire à traiter sur le continent africain, elle se retient encore moins de faire tout de travers. A sa décharge elle n’est pas la seule à mal agir dans ces contrées. Et puis le risque d’être ridiculisé n’est pas très fort car hormis quelques groupes d’activistes un peu utopistes, qui peut s’intéresser aux malheurs de cette Afrique qui semble entretenir sa misère ?
Malheureusement pour l’ONU, il faut bien s’en occuper et ce pour deux raisons au moins : Une quantité non-négligeables de ressources minières de la planète s’y trouvent, et le continent africain procure un emploi fixe (et stable !) à un nombre de plus en plus important de ressortissants de pays industrialisés. Les expatriés (chinois [2] ou non) et les humanitaires connaissent bien ces enjeux [3].
La dernière affaire d’importance pour l’ONU en ce qui concerne l’Afrique semble agiter beaucoup de monde. Un rapport de 600 pages devrait sortir très bientôt du chapeau onusien, rapport qui décrirait les "violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 en République Démocratique du Congo". Et bien sûr de nombreuses fuites [4] ont déjà procuré à la presse quelques feuilles de cette cartographie macabre.
Entre les deux dates évoquées se sont déroulées les deux guerres du Congo (de 1996 à juin 2003 [5]), et plus de 4 millions d’africains y ont laissé leur vie. Combien exactement ? Quatre, cinq ? Personne ne sait plus, ne compte plus. Mais bien sûr ce n’est pas cela qui agite le landerneau des hauts-fonctionnaires de la grande assemblée. Non les morts en Afrique, c’est habituel, car comme disait le président français François Mitterrand "un génocide dans ces pays-là, ce n’est pas très important". Il faisait allusion alors au génocide de 1994.
Non, ce qui provoque des discussions c’est que le gouvernement rwandais fait les gros yeux. Le rapport accuse l’armée rwandaise, celle qui a arrêté le génocide, évoqué à l’instant par l’ancien président français, d’avoir massacré des hutus en fuite en RDC. Que ces hutus soient des génocidaires ou non, ce n’est évidemment pas très bien, mais pouvait-on s’attendre vraiment à ce qu’une armée, après le choc du génocide (près d’un million de morts en 3 mois), soit exemplaire ? D’autres chocs moins violents, mais plus proches de nos latitudes, ont provoqué des représailles non moins terribles. Le gouvernement de Paul Kagamé n’est évidemment pas très fier de ces révélations, surtout qu’elles sont affublées du mot désormais passe-partout de "Génocide". Cette qualification est devenue étonnamment facile à employer, alors qu’en 1994, en plein milieu des massacres rwandais, la communauté internationale a tout fait pour empêcher qu’elle soit utilisée. La raison n’est pas bonne à dire : Selon la "convention pour la prévention et la répression du crime de génocide", les États signataires de la grande assemblée auraient été contraints d’intervenir. Et cela ne plaisait pas à tout le monde, à commencer par la France.
Mais depuis, le temps, la lâcheté des pays occidentaux dans cette affaire, les morts aussi, s’en sont allés doucement, oubliés. Et les déclarations de "Génocide" fleurissent çà et là : au Darfour, et puis maintenant dans ce rapport. On ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est justement cette trahison de l’ONU en ces terribles mois rwandais qui poussent inlassablement cette dernière à accuser ceux qui pourraient la confondre si facilement. Quoiqu’il en soit, Ban-Ki-moon, le secrétaire générale de l’ONU, le même qui a nommé le brutal Uribe à la tête de la commission d’enquête israélienne, s’agite maintenant pour tempérer ces attaques contre l’armée rwandaise. Le contingent rwandais dans les forces onusiennes en Afrique est l’un des plus importants et Kigali menace de s’en retirer.
Au-delà de ces controverses, qui ne sont peut-être là que pour divertir l’opinion publique, cet autre échec de cette communauté internationale en RDC depuis plus de dix ans, montre que l’incompétence volontaire ou non de l’ONU est patente. Son soutien à la marionnette Kabila-fils (le président de la RDC) est significative de sa volonté de ne réfléchir guère plus loin que les intérêts de ses protégés, comme si la souffrance des habitants de cette région du monde lui importait bien moins que les pépites de diamants ou quelques grammes de Coltan[6]. Je fais cette supposition pour ne pas être taxé trop vite d’anarchiste ou de je ne sais quel nom d’oiseau en disant réellement ce que je pense, par ceux-là même qui doivent se demander en lisant ces lignes, pour quelle raison l’ONU irait aider ces pauvres diables. C’est vrai pourquoi ? Une partie de l’explication est pourtant donnée au début de ce texte. Quant à la grande assemblée elle a promis une belle commission d’enquête, avec plein de moyens, et pourquoi pas un tribunal pénal pour la RDC. Tribunal où se succéderont sans doute des hommes en cravates, bien polis, à l’instar du despote sanguinaire Charles Taylor[7], dont le jugement actuel à la Haye aura plus d’effet sur les impôts des contribuables que sur l’intégrité de ce coupeur de bras par procuration.
SylvainD.
[2] Il y a quelques années déjà, un spécialiste officiel de l’environnement chinois déclarait : "Nous avons 600 rivières en Chine, 400 sont définitivement polluées. On ne s’en tirera pas sans envoyer 300 millions de personnes en Afrique". Psychanalyse d’une vie dure
[3] Et pour une fois l’Afrique respecte les règles (le malheur de certains fait le bonheur des autres et la richesse de certains fait la pauvreté des autres).
[5] Fin officielle, les massacres continuent toujours dans l’Est de RDC, et particulièrement dans le Nord-Kivu.
[7] Terres maudites. Lors du témoignage de Naomi Campbell au procès de Taylor, de nombreuses vidéos ont circulés où on pouvait voir le dictateur endimanché et tranquillement assis derrière un petit bureau.
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