Uribe, Correa et... Lipietz
Après la mort de Raúl Reyes, le nº 2 des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) en territoire équatorien, Alain Lipietz, président de la Délégation du Parlement européen pour la Communauté andine des nations (CAN), écrivit deux lettres. Une à Alvaro Uribe, président de la Colombie, pour le condamner et une autre à Rafael Correa, président de l’Équateur, pour lui exprimer sa solidarité et lui proposer ses bons offices de médiation entre les gouvernements de deux pays. Trois choses m’ont frappé : le style, la faiblesse des arguments et l’originalité de sa médiation. Le style, parce qu’il n’est pas habituel que des organismes comme celui qu’il préside s’adressent dans des termes pamphlétaires ou polémiques à un chef d’État, en l’occurrence Uribe. L’originalité de la médiation parce que A. Lipietz prend parti pour Correa avant une éventuelle nomination en tant que médiateur. Il veut être le médiateur de Correa contre Uribe.
Quels que soient la vérité et le jugement que l’on peut porter sur le président de la Colombie, ils ne changent en rien le fait que les lettres d’A. Lipietz sont loin d’être à la hauteur de ses responsabilités. Mon but donc n’est pas de défendre ou d’attaquer Uribe, mais de critiquer les lettres de Lipietz pour leur faiblesse et parce qu’elles sont représentatives de la façon qu’ont certains Européens de se « passionner » pour l’Amérique latine.
Tout d’abord, dans le conflit entre le Venezuela, l’Équateur et la Colombie, je prends parti pour la Colombie tout en admettant qu’Uribe a violé la souveraineté du pays voisin et que les autres pays avaient raison de rejeter cet acte. Et j’ajoute : Primo, les Farc sont un groupe terroriste avant même d’être catalogué comme tel par les États-Unis et l’Union européenne. Secondo, le socialisme du XXIe siècle à la Chávez, la révolution bolivarienne et Hugo Chávez lui-même font partie du mauvais folklore tropical. Les historiens considéraient Bolívar comme le précurseur de la droite colombienne, le voilà maintenant devenu le père du socialisme avec Chávez comme prophète. Et tertio, Correa doit encore faire ses preuves parce que pour le moment il est mal embarqué avec son allié Chávez dont il est trop dépendant par obligation ou par conviction. Correa m’a déçu. Je croyais son socialisme porteur d’espoir et différent de celui du teniente coronel. Je le connaissais mal sans doute.
Voici donc mes commentaires sur les lettres de Alain Lipietz :
LIPIETZ : « La protestation indignée du président de la République équatorienne, Rafael Correa, et la réprobation internationale appelée par cette violation de la souveraineté équatorienne contraire à toute légalité, ne vous ont sans doute pas surpris... »
Non, les protestations n’ont pas surpris Uribe. Il s’attendait à tout. Il a reconnu les faits. Il ne pouvait pas les nier. Chávez et Correa ne reconnaissent pas - on les comprend - leur complicité avec les Farc malgré les preuves apportées par les ordinateurs de Reyes et dont Lipietz admet leur authenticité comme on le verra plus loin quand il parle du soldat Moncayo, otage des Farc. Cette complicité est-elle plus grave que l’incursion des militaires colombiens en Équateur ? Je ne sais pas, mais Lipietz la passe sous silence dans sa lettre à Correa. D’après la résolution 1373 des Nations unies « ... chaque État a le devoir de s’abstenir d’organiser et d’encourager des actes de terrorisme sur le territoire d’un autre État, d’y aider ou d’y participer, ou de tolérer sur son territoire des activités organisées en vue de perpétrer de tels actes ». Correa en dénonçant la Colombie a reconnu, par la même occasion, l’existence des "campamentos" sur son territoire qu’il niait avant, malgré les nombreuses notes que le gouvernement colombien lui avait adressées. Les Farc ont violé le territoire équatorien. Le « campamento » des Farc était permanent, selon le journal El Comercio de Quito. Correa n’a pas dénoncé ni condamné cette violation. Corrrea prétend ne pas être au courant et n’a pas répondu à Uribe sur cette accusation. En revanche, le Pérou et le Brésil collaborent avec la Colombie aux frontières.
Dans cette incursion sur les terres équatoriennes, il faut
faire la différence entre la matérialité des faits et l’intentionnalité de
l’acte. Ces principes font partie des principes généraux de droit pénal dans le Statut
de Rome de la Cour pénale internationale. Le droit pénal français, ainsi que le
droit pénal en Amérique latine, contient un article très court et très clair à
ce sujet et que l’on peut appliquer par analogie dans le conflit entre la
Colombie et l’Équateur. "Art. 121.3 : Il n’y a point de crime ou de
délit sans intention de le commettre."
Je ne pense pas que le président Uribe avait l’intention de s’approprier une partie de l’Équateur, d’attaquer ses citoyens, ses forces armées, ses infrastructures. Pourquoi aurait-il eu ces intentions ? Il s’attaquait à un terroriste colombien, qui se croyait chez lui en Équateur comme le montrent les ordinateurs de Reyes. Bien sûr, Uribe voulut sciemment courir des risques et il pense que la fin justifie les moyens.
LIPIETZ. « En tant que président de la délégation pour la Can (Comunidad Andina de Naciones), je ne peux qu’exprimer ma totale incompréhension devant une telle agression de la Colombie envers un pays frère, en pleine négociation d’un accord d’Association entre la Can et l’Union européenne. »
Quant à moi, je suis surpris des réactions de Correa, d’Ortega et de Lipietz. Un Équatorien, dit dans http://www.hoy.com.ec/NoticiaNue.asp?row_id=290496 :
“Personne ne peut nier que la Colombie a violé la souveraineté de l’Équateur en tuant l’ennemi numéro un de ses citoyens dans notre territoire. Mais l’Équateur ne rompit pas ses relations avec le Pérou ni pendant les funestes jours de la ’guerra del Cenepa’ ni dans celle de Tiwintza. Dans ces moments obscurs, l’aviation péruvienne bombardait nos détachements militaires et nos garçons revenaient dans des caisses en bois ou mutilés, mais nous n’expulsâmes pas l’ambassadeur du Pérou et, encore moins, rompîmes les relations. Peut-être fallait-il le faire. Je signale le fait pour mettre en évidence ce qui, à mon avis, est aujourd’hui une exagération.” (La guerra del Cenepa eut lieu en février 1995 lorsque Fujimori essaya, selon la version équatorienne, de s’approprier une zone du territoire équatorien.)
Quant à Ortega, il faudra admettre qu’il a la mémoire qui flanche quand il nous joue le rôle de la vierge effarouchée. L’opération Danto 88, pendant le premier mandat d’Ortega, fut une violation de la souveraineté hondurienne, la mort d’une centaine des "Contras" et plusieurs centaines des blessés. Mais, diriez-vous, ce n’est pas la même chose parce que les "Contras" étaient financés par ce salaud de Reagan et les sandinistes sont de gauche donc... Ortega nous dira que les Contras étaient des criminels dangereux pour la sécurité du Nicaragua à solde de "el imperio" tandis que Raúl Reyes "su hermano y compañero" était un négociateur sans danger pour la Colombie et la flamme qu’alimente l’espoir des otages et leurs familles.
La « totale incompréhension » de Lipietz me surprend par son caractère sélectif. Il veut ignorer les complicités entre Correa et les Farc comme on le voit dans les extraits des ordinateurs, dont il reconnaît l’authenticité, lorsque Raúl Reyes écrit :
« 2- Je résume la conversation récente avec l’émissaire du président Correa :
e)- veut expliquer les propos du Plan Ecuador, avec lequel il
prétend contrer les effets nuisibles du Plan Colombia, qu’appliquera dans la
ligne frontalière ;
f)- pour le Plan Ecuador, ils nous demandent des cours d’organisation de masses pour les natifs de la frontière. Lesquels seront chargés par le gouvernement de coordonner avec les Farc le travail frontalier. Avec l’avantage qu’une partie de ces gens sont du Partido Clandestino ou participent au Comité Binacional orienté par le Frente 48 »
Lipietz reconnaît que les Farc, les AUC et l’ELN ont des agissements criminels et que l’Union européenne les a inscrits dans la liste de terroristes, mais ignore toujours les complicités de Chávez et de Correa avec les Farc : « Je ne nie en aucune manière le droit du gouvernement constitutionnel colombien de répondre par les armes aux agissements criminels des groupes que l’Union européenne elle-même a inscrits et maintient sur la liste des groupes terroristes : les AUC, l’ELN, les Farc. Mais porter le feu dans des pays voisins, déjà fortement perturbés par l’afflux des réfugiés colombiens, est une toute autre affaire. »
Le journal colombien El Espectador dans son édition du 23 mars 2008 (http://www.elespectador.com/noticias/judicial/) publie les déclarations d’un général retiré de l’armée brésilienne. En 2002, cinq guérilleros des Farc furent abattus par l’armée brésilienne sur le territoire colombien. Selon le général, dans cet incident « il n’y a pas eu les cris qu’on a maintenant lors de l’incursion de la Colombie en Équateur ». Et il ajoute avec beaucoup d’humour et d’ironie : « Je peux garantir que ce fut en territoire brésilien parce ce fut avant la ligne rouge qui divise le fleuve. Existe-t-il une ligne rouge ? Non, elle n’existe pas, alors ce fut avant la ligne ».
De toute évidence, le haka de Correa (il fait mieux que les All Blacks) s’explique par la peur des ordinateurs de Reyes. Le rideau de fumée doit servir à cacher sa complicité avec les Farc. Correa attend un geste de la Colombie pour rétablir les relations diplomatiques selon les déclarations du ministre équatorien des relations extérieures. Quel geste ? Ne plus parler de ces maudits ordinateurs.
La solidarité des pays latino-américains avec l’Équateur est, avant tout, de la solidarité envers eux-mêmes étant donné que la plupart ont des problèmes de frontières : Chili-Bolivie, Chili-Pérou, Chili-Argentine, Colombie-Venezuela, Colombie-Nicaragua, Venezuela-Guyana, Nicaragua-Honduras, Nicaragua-Costarica, Honduras-Salvador. Même le Pérou, proche de la Colombie devait répudier l’incursion sur le territoire équatorien puisque son litige des limites maritimes avec le Chili est en discussion, en ce moment, devant la Cour internationale de justice à La Haye. Le Chili soutient l’Équateur puisqu’il a l’appui de celui-ci dans ce conflit. Plus qu’un problème juridique, c’est une question d’opportunité politique. Entre États, ils se renvoient l’ascenseur comme dans les affaires privées.
LIPIETZ. “En tant que Français, je garde mémoire d’une guerre atroce que mena mon pays contre le Front de libération national algérien, avant de finir par négocier avec lui. Cette guerre fut émaillée d’incidents internationaux du même ordre : le bombardement de Sakhiet en Tunisie, le détournement d’un vol international pour capturer des dirigeants du FLN... Ces actes discréditèrent à ce point la diplomatie française qu’elle perdit une guerre que ses militaires pensaient avoir gagné sur le terrain.”
Cette comparaison me surprend. Tout d’abord, la France n’était pas chez elle et le FLN n’est pas les Farc. La conquête et la colonisation de l’Algérie ne furent pas une partie de plaisir, tout au moins pour les Algériens. La Colombie, en revanche, est chez elle. L’État colombien combat des terroristes qui s’acharnent sur le peuple colombien depuis plus de quarante ans et qui veulent créer un Etat dans l’État. Le FLN luttait pour l’indépendance du peuple algérien. La Colombie, équivalent de la France serait-elle une puissance colonialiste qui envahi le pays des Farc l’équivalent du FLN algérien ? Quel est le pays des Farc colonisé par la Colombie ? Existe-t-il une Colombie colombienne et une Colombie farcienne comme il avait une Algérie française et une Algérie algérienne ? Le président de la Délégation du Parlement européen pour les pays de la Communauté andine pense-t-il que ce pays des Farc est le territoire près de la frontière colombo-vénézuélienne et que les Farc essayent de transformer en État indépendant avec l’aide de Chávez et de Correa ? Pense-t-il comme Chávez que le Venezuela limite à l’Ouest avec les Farc en tant que future prolongation du territoire vénézuélien comme le prévoit la géopolitique bolivarienne chaviste ? Cette stratégie est une menace pour la Colombie avec ou sans Uribe au pouvoir.
LIPIETZ. « Il est révélé, par l’un des ordinateurs saisis dans le campement de Raul Reyes, que des autorités équatoriennes avaient pris des dispositions pour qu’en cet endroit, près de la frontière, soit négociée la libération du soldat Moncayo... » (Donc, Lipietz reconnaît l’authenticité des ordinateurs.)
En effet. Dans le point G, il est dit que le gouvernement équatorien demande la libération du « fils de Moncayo ou un autre ». Dans le point 11, « demandent à notre chef et au secrétariat un apport pour impulser leur gestion de l’échange qui peut être de rendre au président Correa le fils du professeur Moncayo ou quelque chose qui permet de dynamiser leur travail politique. »
Donc le soldat Moncayo ou n’importe quel autre otage. L’important est que Correa, jaloux de Chávez, puisse avoir aussi une option dans la bourse des otages. Chávez en a déjà reçu 6 et Correa rien. C’est injuste. On appelle ça, le trafic d’otages. Mais ça peut être aussi « quelque chose d’autre ». Il faut qu’on parle de Correa en Équateur, en Amérique latine et en Europe.
Sous le prétexte d’accord communautaire Chávez, Correa, Sarkozy et les Farc ne cherchent que des bénéfices politiques. Les trois présidents pour améliorer leur image et les Farc pour obtenir le statut de belligérance, redorer leur image et obtenir la démilitarisation de Florida et Pradera. Qu’importe pourvu qu’on libère les otages, diront certains. Peut-être, mais ne soyons pas dupes et cessons de croire aux sentiments humanitaires des négociateurs.
LIPIETZ. « Songez-y un instant : que se serait-il passé si un médiateur important, évêque colombien, dirigeant de la Croix-Rouge, ministre ou député d’un pays médiateur européen, avait été ce soir-là à négocier avec Raúl Reyes dans le campement facilité par les autorités équatoriennes ? Que se serait-il passé s’il avait été tué, lui aussi, par une bombe colombienne ? Que se serait-il passé si Raul Reyes avait été localisé au Vatican négociant avec des émissaires suisses ? Auriez-vous fait bombarder le Vatican ? »
Cela aurait été très grave, bien entendu, dans le cas de votre scénario imaginaire. Mais, un évêque, un ministre, un médiateur européen ou Sarkozy ne se seraient pas trouvés à l’endroit où Reyes fut abattu. Ces négociateurs se seraient réunis à Quito ou à Caracas. Ils auraient fait comme on a fait avec les 6 otages libérés en janvier et février. Ivan Márquez du secrétariat des Farc, Piedad Cordoba, Chávez et Chacín se rencontrent régulièrement a Caracas. De la même manière, ils peuvent le faire à Quito. Uribe ne va pas bombarder une de ces capitales parce que ce n’est pas la même chose de lancer 10 bombes près de la frontière sur quelques mètres carrés de jungle que sur une ville. Et puis ses négociateurs auraient informé Uribe de leur démarche. Ce type d’argumentation est un modèle d’amateurisme. Construire un scénario sur mesure pour faire valoir notre démonstration est une bonne technique, mais pour le roman policier. Dans celui-ci, on imagine d’abord la fin et puis on met en place les personnages et l’intrigue en fonction de cette fin qui sert de fil conducteur.
Dans la même logique, Lipietz aurait pu être plus dévastateur et impitoyable en écrivant : "Et si Raúl Reyes s’était réfugié dans l’appartement où habite votre mère, auriez-vous bombardé l’édifice d’appartements ?" Avec cette réplique, Lipietz aurait envoyé Uribe, une fois pour toutes, dans les poubelles de l’Histoire et se serait propulsé vers la célébrité dans les cafétérias du Parlement européen et dans les bistrots de son quartier.
Pour Lipietz, d’après la lettre au président Uribe, Raúl Reyes est un négociateur et pas un criminel. Il n’utilise jamais le mot terroriste. Correa se refuse également à utiliser ce vilain mot qui fait désordre dans la nouvelle éthique de la révolution chaviste. Je ne suis pas d’accord avec Lipietz, mais les choix de ses adjectifs ainsi que celui de ses préférences politiques est un droit, garanti par la Déclaration universelle des droits de l’homme, cette même déclaration que Raúl Reyes n’a jamais respectée pendant sa longue carrière de "bon révolutionnaire" selon le qualificatif que lui accorde Chávez avant la minute de silence à sa mémoire.
Lipietz serait-il un « Français qui parle trop » comme disait Che Guevara du malheureux Régis ou un Jean-Edern Hallier cet autre « conquistador » de l’Amérique latine ? Lipietz connaît-il la Colombie aussi bien qu’il le croit malgré sa vieille amitié pour le peuple colombien ? A-t-il une vision romantique du guérillero ?
LIPIETZ. « Ce qui est certain, c’est qu’en faisant tuer Raúl Reyes en cet endroit, les Forces armées colombiennes ont mis un terme aux négociations pour la libération du soldat Moncayo et sans doute de bien d’autres à sa suite. Je pense en particulier à l’ex-sénatrice Ingrid Betancourt, dont les "preuves de vie" inspirent les plus hautes inquiétudes sur sa santé à court terme. »
Nous assistons, dans cette lettre, à un renversement de l’échelle des valeurs démocratiques. D’une part, la Colombie est condamnée pour son incursion en Équateur et c’est normal, mais les Farcs ne sont pas condamnés et les complicités du Venezuela et de l’Équateur sont ignorées. D’autre part, pour ce qui concerne les otages, le coupable n’est pas celui qui kidnappe pour exercer un chantage, mais celui qui refuse de se soumettre au chantage. Avec le même critère, Astrid Betancourt la sœur d’Ingrid disait clairement dans sa conférence de presse contre la marche du 4 février (Vodeo sur www.betancourt.info) : « Les Farc sont responsables de la séquestration d’Ingrid, mais si elle est toujours là, c’est la faute d’Uribe. » Les Farc de leur côté tiennent le même raisonnement. S’ils ne libèrent pas les otages, c’est à cause d’Uribe. Si Ingrid Betancourt meurt en captivité, c’est la faute d’Uribe. Et pourquoi ? Parce que Uribe n’accepte pas ses conditions. Eh bien, non. Les Farc sont responsables de la prise d’otages et de leur maintien en captivité. Faisant preuve d’une absence totale des sentiments humains, les Farc prennent en otage des centaines de Colombiens en faisant appel, pour leur libération, aux sentiments humains des dirigeants politiques et de l’opinion publique. La libération des otages serait un cadeau des Farc, une concession qui se mérite. Nous ne pouvons nous laisser entraîner dans ce genre de raisonnements absurdes et cyniques. Cela dit, Uribe doit être ouvert aux négociations, mais pas à n’importe quel prix. Il est urgent de trouver une formule.
LIPIETZ. « C’est donc porté par le souci de vos compatriotes que je vous appelle, Monsieur le président, non seulement à éviter les confrontations militaires qui mettraient en péril la vie des otages, mais à vous abstenir absolument de toute opération violente contre les négociateurs, émissaires ou médiateurs dans la recherche d’un accord humanitaire, que ce soit sur le sol de la Colombie, et à plus forte raison sur le sol d’un autre pays souverain. »
Lipietz n’a pas compris que, pour 90 % de mes compatriotes, les Farc sont des terroristes et que la seule raison pour laquelle Uribe a été élu et réélu c’est parce qu’il combat les Farc avec des résultats que même ses opposants reconnaissent. Que ce 90 % a tort ? Peut-être, mais c’est la réalité. Et c’est un autre débat. S’il faut suspendre toutes les opérations avec les Farc avant de s’asseoir à la table des négociations, les Farc n’auraient aucun intérêt à négocier. Le jour où le gouvernement colombien et les Farc décideront de négocier, ce jour Uribe devra arrêter les opérations militaires et les Farc les opérations terroristes.
Quant à l’accord humanitaire, parlons-en. L’accord humanitaire est le seul objectif des familles des otages. Rien de plus normal. Le seul objectif des comités de soutien d’Ingrid Betancourt et de Sarkozy est la libération d’Ingrid Betancourt même s’ils affirment vouloir la libération de tous les otages. Ne soyons pas dupes, mais je les comprends. Pour attendre ces objectifs ils pensent qu’il faut l’accord humanitaire, mais il y a un problème : les Farc exigent la démilitarisation de Florida y Pradera et le statut de belligérance. Ils ne veulent pas céder sur ce point. Uribe ne veut pas céder parce que ni lui ni les Colombiens ne veulent se faire rouler dans la farine une deuxième fois par les Farc comme c’était le cas à San Vicente del Caguan. Uribe propose une autre zone moins grande, sans habitants, sans armes et, comme garantie, les pays médiateurs (France, Espagne, Suisse), la Croix-Rouge, l’Église catholique. Les Farc refusent. Les Colombiens ne veulent pas non plus le statut des belligérants pour les Farc sauf si celles-ci changent de politique et de stratégie.
Et pour terminer, parlons de la lettre de Lipietz à Correa où il donne toute la mesure de ses dons de médiateur : « Ainsi, nous vous offrons nos bons offices de médiation entre votre gouvernement et le gouvernement colombien, si vous le souhaitez. »
Un candidat à médiateur qui prend parti pour Correa contre Uribe témoigne d’une très grande naïveté pour ne pas dire autre chose. Lepietz serait donc le médiateur de Correa contre Uribe. Drôle de médiation. Chávez, veut le statut de belligérance, pour les Farc, juge leur projet sérieux et digne de respect et garde une minute de silence à la mémoire de Reyes « el buen revolucionario ». Correa partage l’avis de Chávez et Lipietz rêve d’être médiateur. On ne prend pas parti pour un de deux présidents avant d’être désigné médiateur. Pendant la médiation non plus. Chávez c’est pareil, il veut redevenir médiateur entre les Farc dont il est complice et Uribe qu’il traite de « criminel, narcotrafiquant, mafioso, laquais de Busch, caniche de l’imperio... ».
Si Lipietz veut être médiateur, il devra d’abord apprendre le métier. Ça s’apprend. Et, qui sait, peut-être Lipietz deviendra le bon Français par qui la paix et la fraternité régneront un jour entre Correa et Uribe pour le bonheur des Colombiens et des Équatoriens. Sursum corda.
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