Florence Cassez ou une cause pour une France qui sombre dans le ridicule
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- Le 23 janvier 2013, les troupes françaises continuent à se battre au Mali. Les terroristes islamistes menacent la France de nouveaux attentats... Les médias s’en fichent.
- Le 23 janvier 2013, la Cour des Comptes publie un rapport qui est une menace pour l’indemnisation des chômeurs... Les médias s’en fichent.
- Le 23 janvier 2013, on apprend que Bernard Arnault, principal actionnaire du Groupe LVMH considéré comme l’homme le plus riche de France, aurait transféré, depuis décembre 2011, la quasi totalité de sa fortune en Belgique... Les médias s’en fichent. (C’était bien la peine de tant gloser à propos du semi exil de Gérard Depardieu en Russie)
- Le 23 janvier 2013, une source judiciaire relate que Patrick Strzoda, le préfet de Corse, a été menacé de mort... Les médias s’en fichent.
- Le 23 janvier 2013, plusieurs salariés de Florange tentent de s’enchaîner aux grilles d’une fenêtre de Matignon pour dénoncer l’accord entre le gouvernement et Arcelor-Mittal. Ils en sont délogés sans ménagement, et, je ne le jurerai pas mais, il me semble bien en effet avoir vu s’abattre des matraques sur les manifestants lors du bref reportage télévisé. Bref, parce que, là aussi... Les médias s’en fichent.
Le 23 janvier 2013, les médias se fichent de tout ce qui n’est pas Florence Cassez. Les médias sont en transe. Les médias retiennent leur souffle dans l’attente de la seule information qui importe : Florence Cassez va-t-elle enfin recouvrer la liberté ?
Mais qui est donc cette Florence Cassez qui suscite tant d’intérêt ?
Vraiment, si vous ne le savez pas, c’est que vous venez de vous réveiller après vous être fait cryogénisé ces huit dernières années. Une répétition avant de choisir ce mode de conservation pendant que vous êtes encore dans la force de l’âge afin d’éviter un funeste décès définitif et sans appel et attendre ainsi l’âge d’or prévu à l’avénement de l’ère du verseau.
Pour vous, le seul qui l’ignorez, je vais faire un court résumé de ce qui, depuis 7 ans, s’appelle l’affaire « Florence Cassez ».
- C’est l’histoire d’une jeune femme qui, en mars 2003, alors qu’elle est âgée de 29 ans, s’installe à Mexico, où elle a rejoint son frère, pour y travailler.
- En octobre 2004, elle rencontre un certain Israël Vallarta avec lequel elle entretient une relation qui serait purement amicale.
- Le 08 décembre 2005, elle et son compagnon (qu’on lui dira être soupçonné d’enlèvements) sont arrêtés dans un endroit du nom de Topilejo. Elle restera maintenue dans une camionnette, en plein centre de Mexico, entre les mains des agents de l’AFI, l’Agence Fédérale d’Investigation, jusqu’au 9 Décembre 2005 au matin.
- S’ensuit une succession de faits rapportés qui n’apportent ni preuves ni démentis concernant une éventuelle complicité de Florence Cassez quant à sa participation aux délits crapuleux reprochés à son compagnon : reportage télévisé d’une arrestation filmée le 09 décembre dans le ranch d’Israël Vallarta soit le lendemain de l’arrestation réelle qui s’est déroulée à Topilejo (?), des otages qui ne la reconnaissent pas puis la reconnaissent (?),...
- Toujours est-il qu’après ces séries d’enquêtes avec dépositions et témoignages contradictoires, Florence Cassez sera condamnée à 4 fois 20 ans d’emprisonnement pour enlèvement, 8 ans pour association de malfaiteurs, 4 ans pour détention d’armes, 4 ans pour détention de munitions. Condamnation qui sera par la suite ramenée à 60 ans de réclusion incompressibles.
C’est alors que Florence Cassez devient une « cause à défendre ». Ce à quoi s’emploient diverses associations - ce qui est tout à fait normal et louable venant de personnes persuadées de son innocence - mais surtout notre Sarko-Zorro, redresseur de torts et défenseur de tous les citoyens français (mais surtout ceux qui sont détenus sur des sols étrangers).
Il serait même prêt à déclarer la guerre au Président Caldéron pour faire libérer Florence Cassez, notre valeureux président Tsarkosi Ier, s’il n’était aussi occupé à en découdre avec Mouammar Kadhafi, son ex copain lybien, puis avec la campagne présidentielle pour les élections de 2012.
C’est Hollande qui remporte l’élection et, avec la charge de président de la république, la charge de continuer les interventions de la France pour obtenir la libération de Florence Cassez devenue martyre nationale après 7 ans d’emprisonnement dans les geôles mexicaines.
Le 23 janvier 2013 en soirée, l’impatiente patience des médias est récompensée quand la nouvelle leur parvient, enfin, de leurs reporters envoyés manu militari au Mexique avec mission pour chacun d’être le premier ou la première à annoncer le sort réservé à l’héroïne de la saga. Florence Cassez est libre. Florence Cassez va rentrer en France.
Tout prend alors des proportions délirantes.
Les reporters emboîtent le pas à Florence Cassez, prennent l’avion avec Florence Cassez, commentent avec leurs confrères des télévisions et radios en poste à Paris, son arrivée à Roissy où elle est accueillie par sa famille (ce qui est normal) ainsi que par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le ministre des transports (de joie ?), Frédéric Cuvillier. Nicolas Sarkozy se dit très ému après s’être entretenu avec elle au téléphone. Les associations de défense préparent des gueuletons. Alain Delon, qui avait fait applaudir Florence Cassez (« Une femme exceptionnelle qui souffre beaucoup ») lors de la cérémonie de Miss France 2011, produit ses larmes aux yeux radiophoniques sur RTL. François Hollande prépare une réception à l’Élysée pour le lendemain. (Ne surtout pas laisser refroidir la sauce).
Et moi, je m’agace de tout cet étalage de médiatisation.
Si Florence Cassez n’a effectivement commis aucun acte répréhensible, il est bien qu’elle ait été libérée et rendue à sa famille.
Mais, comme tout le monde, j’ignore si elle est coupable ou innocente de ce dont l’accuse la justice mexicaine. Aussi je m’irrite qu’on la fête comme si elle avait accompli un acte héroïque alors que ce n’est jamais qu’une femme ordinaire impliquée dans une sordide affaire de séquestrations de personnes en vue d’en obtenir des rançons.
Mes instituteurs nous apprenaient à exalter la mémoire d’une Jeanne d’Arc ou d’une Jeanne Hachette. Mes parents portaient aux nues des femmes comme Lucie Aubrac ou Hélène Studler. Les personnes de ma génération admirent une femme comme Simone Veil. Les médias, qui s’emploient à nous faire porter aux nues Florence Cassez, font de la France d’aujourd’hui une nation qui se couvre de ridicule.
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