La télévison publique est décédée
On connaît enfin les propositions de la commission Copé sur la télévision de service public et les dispositions du président qui dispose évidemment de tous les pouvoirs et qui agit comme il l’entend, au nom de son "infaillibilité politicale" certaine du bien-fondé de toutes ses directives.
Nicolas Sarkozy et ses propositions suscitent le tollé général, réunissant les intersyndicales de l’audiovisuel, les opérateurs de téléphonie mobile et du net et comme on pouvait s’y attendre, l’indignation des politiques, les plus remontés étant François Bayrou qui voit derrière ces mesures la constitution d’une télé d’Etat, comme au bon vieux temps de Brejnev et de Gaulle ; alors qu’Arnaud Montebourg interprète ce projet comme s’il s’agissait d’une machine de guerre médiatique au service du gouvernement. Et derrière ces deux-là, une véritable bronca monte depuis l’Assemblée. Sarkozy agit comme s’il donnait un coup de pied dans la fourmilière, avec des méthodes pas très libérales, plutôt autoritaires, traduisant la montée en puissance de l’Etat. Et ce sur le volet économique, les chaînes privées ayant tout à gagner, sur le volet fiscal, avec des taxes supplémentaire injustes et à la limite illégales, sur le volet médiatique, avec la nomination par le président du chef de France Télévision.
De tout ce fatras compliqué et franchement bordélique, on ne peut rien extraire de précis pour ce qui est de savoir où va la télévision publique. Le montage financier, à coup de taxe sur la pub privée, d’indexation de la redevance sur l’inflation, de taxation des abonnés au net et au téléphone mobile, la réorganisation des organigrammes de France 2 et France 3 et j’en passe ; tout cela ressemble à une usine à gaz et, quelque part, cette vénérable institution est pratiquement démontée telle une usine qu’on voudrait transposer dans un autre pays, avec d’autres législations, le Sarkoland par exemple (mdr). Prions pour que les vraies usines restent en France car si notre Président leur réservait un sort identique à France Télévision, elles fermeraient rapidement, dépôt de bilan, panne majeure dans les rouages.
Sarkozy est un artiste en ce sens qu’il se pose en peintre maniériste (mdr). Ces génies de la peinture italienne revendiquaient leur aptitude à être des seconds créateurs après Dieu, capables de rêver, d’imaginer en esprit, de créer des mondes à part. Sarkozy aussi, le problème étant que lorsqu’on invente une nouvelle télévision, l’exécution du projet n’est pas aussi simple quand on utilise une toile blanche et une palette de peinture. France Télévision est une structure très lourde. Franchement, Sarkozy a quelque chose de surréaliste dans son attitude. Il propose un projet sans que nul ne puisse savoir où on va et ce qu’il va advenir de cette télévision publique. Mais remercions quand même notre président de laisser Areva s’occuper des centrales nucléaires, ce sera une inquiétude de moins pour les Français dont le moral est en berne (mdr). Pierre Desproges nous manque. Aurait-il été accueilli dans cette nouvelle télévision, lui qui aurait osé toutes les offenses envers le chef de l’Etat. Dire par exemple ceci, le névrosé croit qu’on peut construire des Télévisions en Espagne, le sarkopathe croit qu’on peut y habiter et que ça peut fonctionner (mdr).
Sarkozy est décidément surprenant, inattendu, à l’image d’un supporter de foot envahissant le terrain en costume de Casimir, piquant le ballon, puis le découpant en tranche comme s’il s’agissait d’une orange géante. C’est un peu ce qu’on ressent à la présentation de la nouvelle télévision. Les journalistes sont restés cois au point de n’avoir aucune imagination pour commenter cette fin de premier acte joué par la commission Copé. Et peu auront été assez attentifs pour repérer ce coup de théâtre, quand Copé à l’antenne salue ceux qui œuvreront pour la métamorphose de la télé et, notamment, Christine Largarde. Quel lapsus, qu’on croirait que Mme Albanel n’existe pas. En direct, vous aurez sans doute remarqué une grimace de l’intéressée qui a dû être vexée dans ce vaudeville à trois voix (mdr).
La taxation des phoneurs et des internautes constitue une mesure étrange. Le principe des taxes, c’est souvent de faire participer les usagers au financement d’un service qu’ils utilisent et de pallier les effets secondaires. C’est par exemple le rôle de l’écotaxe. Celui qui achète un appareil contribue à son recyclage une fois qu’il part à la poubelle. Or, les usagers du phone et d’internet vont devoir payer une taxe pour ce qui représente en fait un non-usage d’un service. Pendant qu’il téléphone ou qu’il surfe, l’individu n’est pas devant sa télévision. Qu’il soit donc puni et taxé pour ne pas avoir mis son temps de cerveau au service des images hertziennes. Montesquieu verrait derrière cette loi un esprit dérangé (mdr). Autre étrangeté, cette auto-légitimation d’un groupe d’élus à décider de la teneur des programmes souhaitables pour la télévision publique. On croit rêver et pourtant c’est comme ça que ça se passe chez Copé. Les producteurs, les artistes, les professionnels du studio, les téléspectateurs, ça ne compte pas. Autant dire que le passage en force du président sur le thème de la télévision publique sera à juste titre interprété comme une vexation et un mépris, à la fois par les professionnels et les citoyens, pour peu qu’ils ne soient pas endormis et parfaitement conscients des tenants et aboutissants de cette réforme.
Pour être complet dans cette affaire, essayons d’anticiper quelques aménagements qui ne sont pas dits, mais pourtant envisageables. France Inter, par exemple, n’a pas le droit de faire de la publicité, excepté les messages des associations, du gouvernement, des mutuelles et quelques autres. Ne pourrait-on penser à un usage du même ordre avec des passe-droits pour diffuser des spots. Recherche sur le cancer, téléthon, et puis, en cas de crise, hop, un peu de temps d’antenne pour vanter les vins du Gard, et puis les poissons de Bretagne, et les tomates de Marmande, et pourquoi pas certains romans à succès et, tant qu’on y est, pour compenser la misère occasionnée par les internautes au pain durement gagné par les chansonniers, des spots et des clips, pour Johnny, Jenifer, Renaud et Carla… (mdr) et, last but not least, notre gouvernement n’aura plus qu’à saisir le nouveau chef de la télévision pour diffuser ses spots montrant qu’il travaille, qu’il réforme, qu’il faut être patient. Là c’est cohérent, comme peut l’être le début des programmes à 20 heures 30. Presqu’une demi-heure de gagnée pour aller se coucher. Sacré télé publique, au service des Français qui se lèvent tôt ! (mrd)
Mais cette télé populaire en deux et trois et nulle n’était-elle pas déjà morte au vu des programmes qu’elle proposait ? C’est possible. Alors pas de quoi s’affoler, la vie continue, les géraniums poussent et les hibiscus fleurissent. J’ouvre quand même ce billet à un coup de colère d’un de mes potes hallucinés qui m’a sollicité pour ce petit billet d’humeur. Merci Raymond !
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Le coup de colère de Raymond la science (très en colère) après quelques verres de vérité
Cette évolution de la télévision publique signe le naufrage de cette institution devenue incapable de s’opposer à l’usinage pratiqué par la caste au pouvoir qui obéit à Sarkozy. La télévision publique n’a qu’à se laisser féconder par le génie de Copé, Sarkozy et Mme Albanel. Cette évolution est pour ainsi dire naturelle. A force de ronronner et de pratiquer une gestion digne d’une collectivité locale, avec les connivences et autres népotismes, prébendes et autres combines, la télévision publique s’est offerte à la prédation politique de l’équipe Sarkozy, comme en d’autres temps, Weimar a vendu son âme à Adolf. Ce n’est pas bien grave. Sarkozy enterre la télévision publique avec la bénédiction de son animateur emblématique, le très populaire Michel Drucker qu’on n’osera pas appeler la voix de son maître parce que l’expression est tellement convenue. Michel Drucker, le valet qui se prend pour un maître en appuyant les mesures de financement de la nouvelle télévision publique. Un Drucker qui sait qu’il faut cirer les pompes du pouvoir pour rester en place et continuer à bénéficier de tous les avantages de la maison. Il est vrai que Drucker, n’ayant pas pu créer comme Ducasse un empire de la gastronomie, ne pourra pas se faire naturaliser monégasque. D’ailleurs, le contingent des laquais dans les palaces est complet.
On pourra trouver à juste raison inquiétantes les mesures prises par Sarkozy pour la télévision publique. Mais la liberté d’expression n’est pas entamée et, pour l’instant, le mieux est de se gausser de ces mesures et d’ironiser sur cette renaissance d’une télévision publique morte depuis deux décennies. Quand l’argent est trop facile, la médiocrité s’installe. Sarkozy tire sur une ambulance, il se fout de la charité, mais ne sera pas l’hôpital capable d’opérer avec succès la télévision publique. De cette institution vérolée et gangrenée par l’indolence et la négligence, il ne fera qu’un monstre bancale. La nature déviée se mue en tératogenèse. Sarkozy tente de conjurer la tératogenèse ambiante, mais il use des mêmes ressorts que le mal qu’il veut combattre. La télévision publique qu’il dessine sera aussi nulle que l’actuelle, mais laissons-le faire. En espérant que les professionnels sauront saboter avec docte ressentiment cette entreprise, comme en d’autres temps certains faisaient dérailler les trains.
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