Le 11-Septembre de France 24
Panique à Issy-Les-Moulineaux. Le siège de France 24 est entouré d’une épaisse fumée depuis la chute des deux tours de la rédaction : Grégoire Deniau et Bertrand Coq. Déjà, le bruit circule : il s’agirait d’un complot terroriste de la reine Christine Ben Kouchner, orchestré par son bras droit, Poupou Al-Zawahiri. Décryptage de l’attaque du redoutable groupuscule de fanatiques atlantistes à l’assaut du monde libre.
"Trois langues, un seul langage". Telle était la devise caractérisant la spécificité de France 24 à son lancement : la synergie d’une rédaction composée d’une trentaine de nationalités et chargée de relater les informations en français, anglais et arabe. Deux ans plus tard, il faudrait rajouter "et d’une seule voix".
Les critiques perfides du projet d’une chaîne info voulue par Jacques Chirac évoquaient alors la "voix de la France", une sorte d’ORTF, version high-tech et trilingue. Il n’en est rien : le licenciement de Grégoire Deniau, directeur de la rédaction, et la mise à pied de Bertrand Coq, rédacteur en chef, traduisent bien autre chose qu’une directive déguisée du quai d’Orsay.
Au-delà des griefs comportementaux formulés à leur encontre (rudesse, autoritarisme, mauvaise foi, etc.), l’affaire révèle une tendance lourde, constatée depuis l’arrivée de Christine Ockrent, passée des ménages au "grand ménage", à la direction de l’audiovisuel extérieur : la volonté politique d’une épuration idéologique.
Un attentat précurseur a déjà été commis par la reine Christine et Poupou : ceux qui suivent l’actualité du Moyen-Orient n’ont pu manquer le licenciement sec, il y a deux mois, de Richard Labévière, journaliste émérite de RFI et bête noire de ses collègues atlantistes pour ses inclinaisons pro-arabes affichées. Le prétexte invoqué était tout aussi savoureux que pour le tandem Deniau/Coq : Labévière fut sévèrement grondé d’avoir obtenu et négocié avec TV5 l’exclusivité d’un entretien avec Bachar Al-Assad sans avoir suivi la procédure habituelle avec sa direction. Pour ce motif futile, on se débarrasse ainsi d’un trublion incontrôlable, surtout coupable d’avoir commis des enquêtes "délicates" sur la connivence entre Américains et Saoudiens financiers du terrorisme. Richard Labévière avait également réussi l’exploit de dénicher le scoop de la rencontre entre Ben Laden et Larry Mitchell, agent de la CIA, à l’hôpital américain de Dubaï, en juillet 2001. Une information qui lui fut d’ailleurs confirmée par la suite (comme il l’a évoqué début septembre en conférence) de la part d’agents de services secrets arabes et d’attachés militaires américains, sous couvert d’anonymat.
Après Labévière, l’épuration continue
Bertrand Coq : prix Albert Londres 2003, ancien de TF1 et de la Cinq, l’homme est réputé rugueux, véhément, caractériel. Néanmoins, les problèmes relationnels du rédacteur en chef se seraient améliorés depuis un an, selon un collaborateur de la rédaction. Le grief relève-t-il alors de son attitude envers ses subalternes ou bien, comme pour Labévière, de son travail journalistique ? Son ouvrage persifleur, intitulé Les Tribulations de Bernard K. en Yougoslavie et consacré à Bernard Kouchner,
compagnon de sa supérieure hiérarchique, pourrait bien lui être revenu, quinze ans plus tard, comme un boomerang en pleine figure.
Il est judicieux de rappeler ici que Christine Ockrent avait déjà rejoint France 24 en tant que chroniqueuse, BCBG et bilingue, avant de quitter la chaîne pour revenir quelques mois plus tard en tant que commandeur suprême. Ce parcours atypique dénote un rapport de force, différent dans le temps, entre la reine Christine et ses sujets. Virer le pourfendeur de son French Doctor, sous un prétexte fallacieux, était sans doute un fantasme à l’époque. C’est désormais une réalité accomplie dans ce qui s’avère être un règlement de comptes.
Everything you are not supposed to know
"Tout ce que vous n’êtes pas censés savoir" : promesse ambitieuse inscrite sur la façade du siège de France 24. Question naïve : nous saurons vraiment tout, y compris sur le 11-Septembre ?
Grégoire Deniau, directeur de la rédaction, prix Albert Londres 2005, rugbyman et baroudeur de terrain, présent en Irak au début de l’invasion. Dans son cas, une affaire digne d’un vaudeville médiatique, entre le théâtre de boulevard et la farce tragicomique. Nous sommes le jeudi 11 septembre et le débat du jour, animé par Sylvain Attal, concerne les fameuses "théories du complot". En bon orthodoxe chargé de brûler l’hérétique, Attal organisa un débat pseudo-contradictoire où quatre invités, convaincus de la version conventionnelle des attentats, ont été "confrontés" à un jeune militant du réseau Reopen911, association prônant la réouverture de l’enquête sur le 11-Septembre. Bref, un débat pour la forme, sans réel enjeu, sinon celui de "bigardiser" - diaboliser - tout pratiquant du doute sous le sceau de l’infamie ("délirant, antisémite, paranoïaque, révisionniste, anti-américain, etc.). Objectivement, le débat, de par son déséquilibre et le faible écho des arguments du représentant de Reopen911, n’allait pas susciter un "conspirationnisme aigu" à travers le monde ni provoquer l’ire de l’ambassade américaine.
Et, pourtant, ce fut un scandale d’avoir "laissé passer" cette discussion, "selon des téléspectateurs" outrés et une "partie de la rédaction", d’après Poupou. Convocation de Deniau qui se serait embrouillé alors dans son explication, sur le mode "de toute manière, j’étais contre ce débat à l’origine". En somme, ni Attal ni Deniau n’ont assumé la responsabilité d’avoir organisé la "confrontation" entre partisans et adversaires de la version officielle du 11-Septembre. Le véritable coupable dans la "chaîne de commandement" journalistique demeure inconnu... Dans sa tentative de se dédouaner, Deniau serait paru de mauvaise foi, au point que Poupou n’avait plus qu’à sortir le carton rouge magique de la "faute professionnelle".
Ironie du sort, pendant ce sulfureux débat dont la simple présentation, sommaire et superficielle, a pourtant chauffé les esprits à France 24, l’animateur du réseau français de Reopen911 avait suggéré qu’il était dangereux d’aborder la question dans les médias avant d’être contredit immédiatement par Attal qui tenta de le rassurer sur le degré élevé de liberté d’expression sur la chaîne. Le doute sur la parole du journaliste est permis : contrairement à d’autres débats plus convenus, le débat sur ce sujet ne figure pas dans les archives du site web de France 24. Un bel exemple d’auto-censure a posteriori.
L’incident est d’autant plus cocasse que TOUS les concurrents directs de France 24 n’ont pas ces émois de vierge effarouchée lorsqu’il s’agit d’évoquer le sujet des théories alternatives du 11-Septembre : CNN, Russia Today, Al Jazeera English, BBC World, Press Tv et même, ô comble de l’affront, Fox News, antenne de propagande républicaine, toutes ont réalisé des reportages ou des entretiens sur la question. Pratique élémentaire du journalisme, puisqu’il s’agit d’évoquer un phénomène de société, indéniable et croissant : le scepticisme d’une majeure partie de la population mondiale, selon les sondages encore effectués cet été, à l’égard du récit politico-médiatique dominant du 11-Septembre.
Ce fait est incontournable, n’en déplaise aux autruches qui se targuent pourtant de faire leur métier de journaliste : de plus en plus de citoyens dans le monde ont, au minimum, un doute sur la complète véracité de la version officielle.
A sa manière, l’affaire Deniau, au-delà des luttes de pouvoir au sein de France 24 et de la purge politique par une direction plus atlantiste (ou "sarko-kouchnero-compatible"), témoigne d’autre chose, qui émerge à peine : la nervosité d’une corporation hybride (patrons de médias, chroniqueurs influents, journalistes, faiseurs d’opinion) à l’endroit de toute parole publique "dissidente" sur le 11-Septembre. L’unanimité incroyable pour fustiger violemment un pitre inoffensif comme Jean-Marie Bigard révèle le décalage saisissant entre les acteurs des médias et l’opinion publique, plus indulgente envers le comique amateur de films "conspirationnistes". Même le référendum sur l’Europe en 2005 n’avait pas connu un tel alignement de la part des journalistes hexagonaux.
"Beyond the news" : au-delà de l’information, promet le slogan de France 24. Pari réussi : la chaîne s’efforce bien, par condescendance, lâcheté ou paresse intellectuelle, à survoler une information capitale.
L’info ? Sept ans après les attentats, de plus en plus d’individus dans le monde n’acceptent pas la version du 11-Septembre, telle que contée par le gouvernement américain et rapportée docilement par l’écrasante majorité des médias occidentaux.
Depuis 2001, le 11-Septembre n’en finit pas de faire des victimes collatérales, coupables d’avoir posé des questions et bannies de l’exposition médiatique jusqu’à ce qu’elles fassent repentance avant d’aboutir, au moyen d’une dépêche AFP, à en prononcer ce terrible mot : "pardon".
"Et pourtant elle tourne", aurait répliqué Galilée aux tenants de l’Inquisition... Et pourtant le 11-Septembre continuera de faire débat. Partout dans le monde, sauf, désormais, sur France 24.
*Bonus : l’équipe de France 24 pour son premier anniversaire fin 2007 "Good old time, buddy"...
NDLR : ci dessous, un droit de réponse demandé par Sylvain Attal suite à la publication de cet article.
Droit de réponse :
"Contrairement à ce que vous affirmez sans apporter la moindre source à votre récit, j’ai toujours assumé et j’assume encore jusqu’à ce jour le débat que j’ai proposé à la direction de la rédaction au sujet des théories conspirationnistes. J’assume aussi la façon (que vous qualifiez d’orthodoxe) de conduire ce débat. Certains, au sein de la redaction étaint d’avis que ce débat ne devait pas avoir lieu, en particulier ce jour là, point de vue que je respecte, comme je souhaite que le mien le soit.
La suite concerne des problèmes de management, des malentendus et des dysfonctionnements qui relèvent du fonctionnement et du débat interne de France 24 et sur lequel je ne souhaite pas m’étendre ici.
Sylvain Attal "
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